Chapitre 30

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― Ca y est, il y est arrivé !

La voix bourrue de Frédéric tremble un peu. Emporté par l'émotion, l'ex-mari de Carla, un peu emprunté dans son costume neuf, lui passe un bras autour des épaules et de l'autre main essuie furtivement une petite larme.

Tandis que les cloches sonnent à la volée, les mariés sortent de l'église, encadrés par une haie de convives qui leur jettent des poignées de riz avec de bruyantes acclamations de joie. Bientôt le photographe appelle tout le monde à se ranger sur le parvis pour la traditionnelle photo de famille et s'affaire à placer les invités. A gauche la famille du marié, à droite celle de la mariée. Les parents de chaque côté des mariés, s'il vous plaît.

Carla qui est la mère du marié reprend place pour l'occasion à côté de son ex-mari. La nouvelle compagne de Frédéric, celle pour qui il s'est finalement décidé à vendre la maison afin de prendre un nouveau départ, a préféré rester hors de la photo. Elle ne fait pas encore vraiment partie de la famille.

Quant à Alice, ravissante dans sa robe de cocktail vert pâle, elle est placée de l'autre côté de Carla. Alice, elle, fait partie de la famille désormais. Hors de question qu'elle soit exclue de la photo, d'autant qu'elle et Thomas ont fait la paix à présent.

Pendant que le photographe donne ses instructions, Carla en profite pour admirer son fils resplendissant dans son costume de marié gris perle, la main dans celle de sa toute nouvelle épouse Mélissa, une adorable jeune femme à la peau couleur caramel et aux longs cheveux bouclés presque crépus. Dans sa robe blanche, la jeune mariée ressemble à une princesse de contes de fées un peu exotique. Comme dit Frédéric, leur fils a fini par y arriver.

En tournant la tête, Carla croise le regard de son ex-belle-mère Christine qui la fusille de sous son extravagant chapeau à rayures rouge et blanc. Voilà plusieurs années qu'elles ne s'étaient pas revues mais certaines choses ne changent pas.

Sa belle-mère ne la portait déjà pas dans son cœur quand Carla était l'épouse de son fils, mais à présent qu'ils sont divorcés et qu'elle vit avec Alice... Si la vieille dame avait le pouvoir d'anéantir les gens par la seule force de son regard, Carla ne doute pas un instant qu'Alice et elle auraient déjà été victimes de combustion spontanée.

Alice, qui elle aussi a remarqué le regard hostile de la vieille dame, se penche vers Carla. Facétieuse, elle déroge un instant à ses principes de retenue en public et embrasse sa compagne dans le cou, juste pour faire enrager leur spectatrice.

Celle-ci s'empourpre aussitôt et outrée, s'apprête à leur lancer une réplique acerbe juste au moment où le photographe crie « Cheese ! ». Amusée, Carla la voit ravaler sa fureur à toute vitesse, se composer un visage ravi et afficher son plus beau sourire pour la photo.

A la réception qui suit le mariage, Carla se sent comme un poisson dans l'eau. Pour elle qui aime les gens, il y a ici tant de nouvelles personnes ! Si elle ne souhaite guère monopoliser sa petite belle-fille pendant son jour de gloire, elle a tout le loisir de faire connaissance avec la famille de la mariée, des français d'outre-mer originaires de la Martinique aux manières simples et chaleureuses. Elle les adore aussitôt.

Mon dieu, ça y est ! Je vais bientôt devenir grand-mère ! Carla sourit toute seule à la pensée de futurs petits-enfants qui auront peut-être ou peut-être pas la peau caramel, les adorables fossettes et les cheveux bouclés de leur mère, mais peu de chances en tout cas, avec tous leurs ascendants combinés, d'être blonds aux yeux bleus. Qui eut cru qu'elle serait impatiente d'être grand-mère ? Elle voudrait déjà les connaître.

La main de Thomas se pose sur son épaule.

― A quoi tu penses, maman ?

Carla se retourne, souriante.

Trop jeune pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant