Chapitre 21

1.4K 110 3
                                    

Au cours de l'été, Carla remarque que les seins de Chloé commencent à pointer. Ces derniers mois, sa petite fille est devenue moins câline et moins expansive, elle s'isole plus souvent et se montre moins spontanément partante pour faire des choses avec elle.

Avec un rien de tristesse, Carla se dit que la puberté n'est pas loin. Elle n'était pas si pressée que sa petite fille sautillante, affectueuse et toujours de bonne humeur se transforme en adolescente lunatique et renfermée.

En attendant, pour sa rentrée en quatrième il faut renouveler une bonne partie de sa garde-robe car Chloé a pris plusieurs centimètres pendant les vacances et dans son armoire plus grand chose n'est encore à sa taille.

Un soir en rentrant de la médiathèque avant Alice qui fait la fermeture à la FNAC, Carla trouve sa fille en pleurs dans sa chambre, recroquevillée sur sa descente de lit. Sans même y penser, elle s'approche et s'accroupit à sa hauteur pour la prendre dans ses bras. Mais Chloé s'écarte et la fusille du regard à travers ses larmes.

― Qu'est-ce qui t'arrive, ma puce ? demande Carla, stupéfaite.

Voilà qui ne ressemble guère à sa petite fille chérie.

― J'ai mes règles ! accuse Chloé avec un regard noir, comme si sa mère en était personnellement responsable.

La fillette sait déjà depuis un moment à quoi s'attendre. Carla et elle ont eu plusieurs discussions à ce sujet, et sa fille avait dans son armoire un paquet de serviettes hygiéniques pour le cas où.

― Mais c'est merveilleux ! se réjouit Carla. Ca veut dire que tu es une jeune fille maintenant ! Tu grandis !

― Mais je ne veux pas moi, c'est nul ! proteste Chloé qui se remet à pleurer de plus belle.

Que se passe-t-il donc ? Chloé a toujours été impatiente de grandir pour pouvoir porter du maquillage, mettre des soutien-gorge, des chaussures à talons et faire tout ce qui est interdit aux enfants, comme boire de l'alcool, sortir le soir, se faire faire des piercings et dieu sait encore quels autres privilèges douteux elle peut bien associer à l'âge adulte.

― C'est normal de grandir, mon cœur. Je croyais que tu étais pressée de le faire ?

Chloé lui lance un regard plein de reproches et explose.

― Justement, je veux être normale, moi ! C'est trop nul de grandir. Si c'est pour se faire larguer et être tout le temps triste ou en colère comme papa ou Thomas ! Ou devenir lesbienne comme toi ! Si je suis lesbienne, plus aucune fille ne voudra être ma copine à l'école !

Carla interdite prend soudain conscience qu'il se passe des choses dans la vie de sa fille dont elle ignore manifestement tout. Jusqu'à présent, en brave petit soldat, Chloé ne s'est jamais plainte et a semblé bien supporter tous les bouleversements qu'elle lui a fait subir. Carla a veillé à ce qu'elle n'ait pas à changer de collège. Mais c'est un vrai miracle qu' elle soit restée bonne élève avec tout ce qu'elle a vécu ces derniers temps.

― Rien ne t'oblige à devenir lesbienne ma puce, la rassure-t-elle. Ca ne marche pas comme ça. Pourquoi personne ne voudrait être ta copine à l'école ?

― Caroline dit que si la mère d'une fille est lesbienne, la fille va le devenir aussi, c'est obligé. Et la mère de Caroline lui a dit que si jamais elle devenait lesbienne, elle la mettrait dehors et elle dirait à tout le monde que sa fille est morte. Alors tu vois, si je deviens lesbienne comme toi, Caroline ne voudra plus jamais me parler. Elle a trop peur que ça s'attrape et que sa mère ne veuille plus d'elle.

Caroline est la meilleure amie de Chloé, elles ne se sont pas quittées depuis le CM1. Avant le divorce, elle venait souvent à la maison, mais il est vrai que Carla ne l'a pas vue depuis un certain temps. Le discours homophobe rapporté par sa fille lui fait froncer les sourcils.

Trop jeune pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant