Chapitre 10

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Les vacances de Noël sont arrivées. Thomas les passe à la maison à traîner sa misère dans les pieds de Carla, qui se sent deux fois plus coupable de commencer à s'en agacer. Elle n'a pu prendre qu'une petite semaine de congés entre Noël et nouvel an et la consacre à s'affairer sans trêve puisque tout le monde se repose sur elle pour la préparation des réveillons et des repas de fêtes.

― Il n'y a plus de cookies, déclare son fils en s'emparant du dernier paquet dans le placard.

Il y en avait plusieurs d'avance, mais c'est au moins le quatrième qu'il chipe pour l'engloutir dans sa chambre, où il consacre tout le temps qu'il ne passe pas dans les pieds de sa mère à jouer à la console et dégommer tout ce qui bouge sur son écran. Sans doute un moyen comme un autre de passer sa rage et sa frustration, se dit Carla.

― Ca me fait de la peine pour toi que tu aies rompu avec Alice, mon chéri, déclare-t-elle, mais tu es resté enfermé ici toute la semaine. Tu as besoin de t'aérer un peu. Va donc promener Max, ça te fera du bien !

Thomas lui adresse un regard de reproche.

― On n'a pas rompu, rectifie-t-il, amer. Elle m'a quitté parce qu'elle est amoureuse de quelqu'un d'autre. Je n'ai pas eu mon mot à dire.

Il n'a rien vu venir et n'arrive pas à accepter la situation. Malgré son insistance, Alice ne lui a pas dit de qui il s'agissait et il nourrit de sa rancœur une haine farouche contre ce rival anonyme auquel il ne peut même pas aller casser la figure. Carla stupéfaite de découvrir de quelle hostilité est capable son fils s'est efforcée de l'aider à gérer ses émotions, mais il reste bloqué entre déni et colère, pour l'instant incapable d'aller au-delà.

Carla sait ce que son fils attend d'elle, mais cette fois le rôle qu'elle doit jouer auprès de lui la met mal à l'aise. En tant que mère, elle devrait en vouloir à Alice d'avoir trompé, quitté et fait souffrir Thomas. Mais en tant que femme... Quelle horrible hypocrite serait-elle donc si elle blâmait Alice alors que cette rupture est de sa propre faute ? C'est elle qui a décidé d'écouter ses désirs. S'il ne s'était rien passé entre elle et Alice, qui peut dire comment aurait évolué la relation entre les deux jeunes gens ?

Quand elle parle à son fils, Carla est obligée d'enfouir avec soin dans un coin de sa tête toutes les heures merveilleuses passées avec Alice dont elle ne regrette pas une minute et qui ont conduit à cette rupture, parce que sinon elle serait incapable de regarder Thomas dans les yeux et de lui prodiguer le moindre réconfort. Elle fait de son mieux pour le réconforter mais c'est trop lui demander que de vitupérer contre Alice, car condamner la jeune femme, c'est se condamner elle-même.

Heureusement, Thomas a son père pour lui taper sur l'épaule et lui affirmer que ce n'était sans doute pas la bonne, que ce n'est pas si grave, qu'à son âge ça passera, et qu'une de perdue, dix de retrouvées.

Pour Carla, il est difficile de dire à son fils que son amour pour Alice n'était qu'une passade d'adolescent et qu'elle sera vite oubliée, même si elle lui souhaite de tout cœur de vite retrouver quelqu'un qui l'aide à faire passer cette déception amoureuse. Elle-même s'est mariée à vingt ans et a bâti sa vie avec Frédéric. Leur amour de jeunesse n'avait rien d'un feu de paille. Elle n'ose même pas songer à ce qu'elle est en train de faire à son mari, à ce qui se passera si jamais il l'apprend. Un seul problème à la fois.

Thomas planté au milieu de la cuisine son paquet de cookies à la main considère le chien qui s'est empressé d'accourir en entendant son nom et remue la queue avec espoir. Max est toujours partant pour une promenade. Le jeune homme hausse les épaules.

― Je ne peux pas aller promener Max, maman, tu le sais bien. C'est ton chien, il n'y a qu'à toi qu'il obéit. Quand c'est moi qui le sors, c'est plutôt lui qui me balade !

Trop jeune pour toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant