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23.09 : Gabriel

Après mon récit exhaustif, Ada m'avait immédiatement donné son conseil et j'avais été étonné de la voir partager l'avis d'Alexandre.

— Gaby, t'es célibataire depuis quoi, vingt ans ?

— Tu oublies Chloé, il y a trois ans, la contredis-je.

— Oh ne commence pas. Vous ne vous embrassiez même pas parce que tu trouvais qu'elle avait la bouche sale. D'ailleurs c'est pour ça que vous avez rompu, après trois jours de relation, non ?

— Pour être exact, on a rompu parce qu'elle ne supportait pas d'avoir un petit-copain atteint de troubles obsessionnels compulsifs.

— Si tu veux. Dans tous les cas c'était une connasse. Ça ne compte pas.

— Toutes les filles sont des connasses, avec toi.

— C'est vrai, admit-elle en souriant. Mais Chloé était vraiment, vraiment, une connasse. Ne me dit pas le contraire.

— Si tu le dis.

Ada soupira, exaspérée. Sans dire un mot elle rangea ses affaires et je la suivis des yeux alors qu'elle se levait. Ne sachant d'abord que faire je me dépêchai de ranger mes propres affaires et la suivis. Elle n'arrêta de marteler le sol de ses doc Martens qu'une fois complètement hors de la fac.

— Ada, c'est quoi ton problème ?! lançai-je en la rattrapant, agacé.

Elle se retourna vers moi le regard furieux, et je crus qu'elle allait me tuer sur le champ.

— Mon problème ?! C'est plutôt toi qui en as un, Gabriel Chevalier. Non mais j'hallucine, t'es pas foutu de prendre la moindre décision parce que t'as peur de ton ombre, et quand il t'arrive la moindre chose bonne dans la vie tu te caches comme une autruche !

— Justement, la situation ne va pas ! N'essaie pas de me faire croire que ce qui m'arrive est...

— Ah excuse-moi, c'est vrai qu'à ton échelle coucher avec un mec magnifique et avoir le meilleur coup de ta vie c'est la pire chose qui puisse arriver. Tu sais que tu peux vraiment être ridicule quand tu veux ?

— Tu as l'air d'oublier un détail : je ne suis PAS gay !

Mon amie leva les bras en signe d'abandon et roula des yeux en tournant les talons. Je la regardai partir, affolé. Est-ce qu'elle m'en voulait ?!

— Ada ! Tu m'en veux ? l'appelai-je.

Elle ne se retourna même pas et m'offrit seulement un doigt d'honneur en levant le bras. A cet instant précis, je me félicitais d'avoir pris du Sirolax. Sinon, je serai probablement sur la voie d'une crise de nerf. Mais hormis une grande agitation et des mains tremblantes, je n'avais pas l'impression d'être sur le point d'imploser.

Je pris le temps de me calmer en m'adossant à l'arrêt de bus devant l'entrée. Quand mes mains arrêtèrent de trembler, je sortis mon téléphone. Je ne savais pas vraiment ce que j'avais l'intention de faire, mais je voulais montrer à Ada qu'elle avait tort.

En revenant sur ma conversation avec Ange, je lui proposai de se voir un midi, pour discuter. De cette façon, je pourrai dissiper tout malentendu. Rétablir l'ordre des choses.

Satisfait, je vérifiai les horaires de bus pour rentrer chez moi. Au même moment je reçus un message de mon père qui faisait les courses et me demandait où j'étais. Puisqu'il n'était pas loin il me prit avec lui au passage et je pus profiter du silence reposant de la voiture.

Je savais que mon père avait remarqué mon agitation, mais il ne fit aucun commentaire. Il savait à quel point me faire remarquer que je n'avais pas l'air bien me blessait, contrairement à ma mère.

— Sinon, cette année se présente comment ? » tenta-t-il pour démarrer une discussion.

— Comme une année de prépa.

Puisque je fixai obstinément la route devant moi papa n'insista pas. Nous rentrâmes à la maison pour seize heure et ma mère nous prépara du pain perdu. Je ne sus la raison qu'une fois toute la famille installée pour manger.

— Ma mère vient dîner ce soir, expliqua simplement ma mère.

Cela jeta un froid glacial sur toute l'attablée. Personne n'aimait mamie Véronique, mais j'étais celui qui la haïssait le plus. Mes tremblements reprirent et je dissimulai rapidement mes mains sous la table. La gorge nouée, je fus incapable de terminer ma tranche et l'offrit à Zoé qui la dévora, ravie.

Sans trop m'épancher je débarrassai mon assiette et montai dans ma chambre, la perspective du dîner devenant désormais un véritable cauchemar, une épreuve que je ne me sentais pas capable de surmonter si je ne dormais pas au moins deux heures avant.

Le sommeil avait toujours été un moyen pour moi de réguler mon humeur. Quand je dormais je ne pouvais pas faire d'erreur, c'était moins de temps passé à angoisser, et j'avais tendance à me fatiguer rapidement. Alors je fermai mes rideaux, retirai mes vêtements, et me glissai dans mon lit. 

GrandioseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant