25.09 : Ada
Le meilleur remède à ma tristesse, c'était les télé-réalités bidon. Pourtant, je ne parvins pas cette fois à me foutre de la gueule des participants comme je le faisais si bien. Quand j'en eus assez de m'abrutir l'esprit, je vérifiai l'heure : il était dix-neuf heures, et je décidai de me cuisiner quelque chose rapidement.
Pendant mon repas, je reçus un appel de ma mère. Elle me demanda comment j'allais, et si je comptais rentrer à la maison ce week-end. Je lui mentis en prétendant que je devais travailler sur un exposé avec mon groupe de travail samedi, ce qui n'était pas totalement faux : je comptais travailler, simplement ce sera seule.
Ces exposés de groupe m'emmerdaient depuis la première année de licence. Je ne m'entendais pas bien avec les autres, et me retrouvais souvent à devoir faire tout le boulot parce que j'étais la seule personne qui avait l'air de se préoccuper de ses notes dans cette foutue promo de branleurs.
Je m'apprêtais à aller me coucher, fatiguée malgré tout, quand je reçut un message de... Gabriel.
Gabriel : Salut
Moi : Salut
Gabriel : Tu m'en veux toujours ?
Moi : Non
Gabriel : T'es sûre ?
Moi : Oui. T'y peux rien si t'es trop con
Gabriel : ahah, mdr
J'allais renchérir quand j'entendis un bruit suspect derrière ma porte d'entrée. Méfiante, je me levais et marchai silencieusement jusqu'au judas. Quand je vis la silhouette de Gabriel qui attendait, je roulai des yeux et défit le verrou.
— Qu'est-ce qu'il y a ? lui demandai-je en ouvrant.
— Je peux entrer ?
— Si tu veux.
Je me décalai pour le laisser entrer. J'étais en pyjama et chaussettes, mes tresses attachées en chignon, mais Gabriel m'avait déjà vu dans toutes les tenues possibles. Comme le garçon poli qu'il était il retira ses chaussures dans l'entrée, se tritura les mains comme s'il pensait déranger, et fit trois pas avant de se retourner vers moi.
— J'ai proposé à Ange que l'on se rencontre samedi, m'annonça-t-il et je levai un sourcil.
— Vraiment ? Je croyais que tu voulais l'ignorer.
— Je vais le voir pour lui expliquer que je ne suis pas gay, que c'était une erreur, et que je ne veux rien avoir à faire avec lui.
— Le pauvre garçon ne s'en remettra jamais, commentai-je en m'affalant sur mon sofa.
Gabriel s'assit à côté de moi, repliant ses jambes en tailleur.
— Tu es fier de moi ? prononça-t-il d'une voix presque inaudible.
Je levai les yeux au ciel. Chez n'importe qui d'autres, la question aurait pu paraître idiote et déplacée. Après tout Gabriel était un adulte et nous étions seulement amis. Mais venant de lui, ça avait beaucoup de sens.
— Tu n'as pas besoin qu'on soit fier de toi pour te prouver que tout va bien, Gaby. Tu es assez grand pour te gérer tout seul et faire les bons choix. C'est pas aux autres de valider tout ce que tu fais, lui reprochai-je gentiment.
— Comment je peux savoir si les choix que je fais sont les bons, si mon comportement est bon, si je ne me fie pas aux autres ?
Parfois, Gabriel me faisait penser à un enfant. Il avait beau être premier de la classe depuis le collège, parfois il faisait preuve d'une ignorance et d'une naïveté qui était désespérante. Pendant longtemps j'ai joué au coach de vie. Mais nous avions vingt ans maintenant, et je considérais que ce n'était plus mon rôle.
J'étais son amie d'enfance, pas sa conscience morale.
— Gab', ce qui importe c'est toi et puis c'est tout. Maintenant change de disque, sinon je vais m'énerver. J'en ai marre de ressasser les mêmes conversations depuis qu'on a douze ans.
Il ne répondit rien et baissa la tête. Je suivis son regard et tiquai en constatant les mouvements frénétiques de ses doigts sur la fermeture éclair de son gilet. En soupirant, je pris ses mains dans la mienne pour les immobiliser et tournai mon visage vers la télévision.
— Arrête d'y penser, lui conseillai-je.
Je posai finalement ma tête contre son épaule et il appuya la sienne contre mes tresses, grimaçant en sentant mon chignon. Je ris et me redressai pour le défaire, puis nous reprîmes la même position.
— Tu penses que je suis gay ? me demanda-t-il après un long silence.
— Je pense qu'il faut que tu me montres sa tête pour savoir si je dois te le piquer ou non, plaisantai-je.
Son rire résonna enfin dans le studio, m'arrachant un rictus soulagé.
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Grandiose
General FictionUn jour ou l'autre, nous avons tous vingt ans. Vingt ans. C'est l'âge où l'on ne peut plus prétendre à l'enfance, même si l'on en crève d'envie. C'est l'âge où tout semble plus simple, et où pourtant tout est plus compliqué. Vingt ans c'est l'âge d...