29.09 : Gabriel
En me réveillant ce matin, je sentis encore l'emprise de la mélancolie sur tous mes membres. J'ouvris des yeux fatigués et les fixai sur le morceau de chambre que j'apercevais. Je savais très bien où je me trouvais : chez Ada. Par contre, les circonstances de mon arrivée étaient encore un peu floues.
Je forçai mon esprit à se souvenir. Je me rappelai la soirée avec Ange, notre discussion, je me rappelai ma détresse grandissante. Le reste n'était que rémanence d'émotions qui forma une boule dans ma gorge. Je me souvenais rarement de mes crises parce que ce foutu médicament m'abrutissait complètement. J'avais seulement l'impression d'avoir beaucoup pleuré, puis de m'être assoupi.
Un peu mieux réveillé, je récupérai mon téléphone sur le sol et l'allumai. J'avais beaucoup de messages de ma mère qui s'inquiétait. Je lui répondis en expliquant que j'étais chez Ada, ce qui en général la calmait.
Je décidai de me lever ensuite et vérifiai si j'avais un message d'Ange. Je ne savais pas ce qui lui était arrivé. Visiblement il avait dû rentrer chez lui, et puisque je n'avais aucune nouvelle de lui, il ne voulait sans doute plus me revoir. C'était prévisible, et j'aurai dû en être ravi, mais... j'avais juste envie de pleurer.
Refusant de céder à la déprime je me secouai et me rendis dans la salle de bain pour me débarbouiller un peu. Quelques minutes plus tard j'avais le visage et les dents propres, et je pus rejoindre Ada dans son salon.
— La Belle au bois dormant s'est réveillée ? me demanda-t-elle sans me regarder.
— La Belle au bois dormant à la tête dans le cul, mais ça va, répondis-je avec un demi-sourire.
— Si ton preux chevalier n'avait pas plus de trois neurones, c'est à l'hôpital que tu aurais terminé. Heureusement, il a eu la jugeote d'appeler l'homme de la situation – c'est-à-dire moi.
— Tiens, je n'ai jamais eu l'honneur d'être présenté à tes testicules...
— Ta gueule. J'ai plus de couilles que toi, et ça, t'as pas besoin de le vérifier.
— C'est vrai, acceptai-je d'un air contrit.
Ada avait toujours été la plus courageuse – ou plutôt la plus sans-gêne – de notre petit duo. C'était comme si elle avait décidé de s'endurcir chaque fois que je faiblissais, pour pouvoir m'aider quoi qu'il arrive. Elle possédait une force de caractère que j'enviais terriblement. Là où Ada était sûre d'elle, confiante, fière, j'étais seulement angoissé et terrifié par le monde entier.
Pour plaisanter, ma meilleure amie me disait qu'un homme ne devait pas forcément être l'exemple de la virilité – que j'étais très mignon et que ça faisait mon charme. Mais en attendant, ce n'étaient pas des Gabriel Chevalier qu'elle ramenait dans son lit, mais plutôt des Jason Momoa. Alors oui, je savais qu'elle ne voulait que mon bien. Mais non, je ne pouvais pas croire un mot de ces conneries.
— Viens t'asseoir, me proposa-t-elle, et j'obtempérai.
Une fois confortablement installé à ses côtés elle me tendit la bouteille de jus d'ananas posée sur la table basse. Je la pris en souriant, c'était mon jus préféré. Soucieux de l'hygiène, je me levai tout de même pour aller chercher un verre. Ada me regarda faire, réprobatrice, mais rien n'y faisait : je ne pouvais pas ne pas effectuer la plus basique des politesses.
— Bon, commença-t-elle. Et si tu me racontais un peu ?
— Il n'y a rien à raconter, niai-je.
— Oh, parce que tu te tapes des crises de nerf pour rien, maintenant ? Il va falloir rappeler ton psy', rétorqua-t-elle, sarcastique.
— Bien sûr que non, c'est juste que... j'aurai dû me douter que ça ne se passerait pas bien. J'étais déjà pas dans mon assiette en y allant, alors...
— Tu sais très bien que dans ces cas-là tu devrais annuler. Tu as le droit de te ménager, Gabriel. Tu fais partie de cette catégorie de gens qui ont une très bonne excuse.
Je me rassis près d'elle en soupirant.
— J'avais très envie de régler le problème. Et je pensais que ça irait. Mais au moindre reproche, je...
— Ange m'a un peu raconté. J'ai été obligée de lui expliquer ta situation. Le pauvre chéri se faisait un sang d'encre.
— En attendant, il est rentré chez lui sans demander de nouvelles, grommelai-je.
— Pas du tout, s'étonna Ada, il est parti il y a à peine dix minutes.
Mon sang ne fit qu'un tour et, dans un espoir vain, je me précipitai à sa fenêtre. Ange était là, assis sur le banc juste en dessous. Il m'entendit me pencher, nous n'étions qu'au deuxième étage, et m'adressa un signe de la main.
— Pourquoi il n'est pas resté ? demandai-je à mon amie.
— Je l'ai jeté dehors, avoua-t-elle en haussant les épaules.
Je roulai des yeux, pas étonné pour un sou. Ada alluma sa télévision adorée, et je sortis mon portable pour envoyer un message à Ange.
Moi : Je vais bien, merci.
Ange : Pas de quoi. A lundi ?
Moi : A lundi.
Je déglutis, incertain de la direction que prenait la situation.
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Je profite de cette publication pour vous donner quelques infos ! Pour le moment, 21 parties de cette histoire sont écrites, elles correspondent au premier arc. J'attends de terminer la publication de cet "arc" pour faire le point sur ce projet, ensuite j'écrirai le second entièrement avant de le publier, donc l'histoire sera certainement en hiatus pour plusieurs mois. Si vous avez des remarques concernant l'histoire en elle-même, le format, n'hésitez pas à me les transmettre, ça m'aidera beaucoup !
Je vous embrasse fort <3
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Grandiose
General FictionUn jour ou l'autre, nous avons tous vingt ans. Vingt ans. C'est l'âge où l'on ne peut plus prétendre à l'enfance, même si l'on en crève d'envie. C'est l'âge où tout semble plus simple, et où pourtant tout est plus compliqué. Vingt ans c'est l'âge d...