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28.09 : Ange

J'avais attendu ce jour toute la semaine. Recevoir un message de Gabriel avait été une très agréable surprise et je n'avais pas eu le courage de jouer au difficile, alors je lui avais répondu immédiatement.

Nous nous étions donné rendez-vous au « Nulle part », un bar que le brun devait connaître puisqu'il avait immédiatement songé à cet endroit. Personnellement, je n'étais pas un habitué des bars : pendant longtemps, j'avais dû me conformer à un couvre-feu.

Quand j'arrivai, il était dix-neuf heures passées. Le bar était assez fréquenté sans être bondé, et je me glissai parmi la foule compacte jusqu'à une table libre à l'étage. Le choix de Gabriel m'étonnait de plus en plus. J'aurai imaginé qu'il veuille parler dans un lieu plus calme, plus discret, et non pas dans un bar en plein happy hour.

J'envoyai un message à Gabriel pour lui indiquer où je me trouvai, et partit commander une bière. En arrivant au comptoir je tombai nez à nez avec Mélanie, qui attendait sa commande. Je grimaçai mais ne pus éviter sa rencontre. Elle me sourit et se tourna vers moi.

— Salut Ange ! Je ne pensais pas te rencontrer ici. Tu ne vas jamais dans les bars d'habitude ?

— Salut mél', lui répondis-je poliment. J'ai un rendez-vous, c'est pour ça.

— T'as toujours un rendez-vous. J'espère qu'elle n'a pas placé ses espoirs trop hauts.

— Je vais probablement me faire jeter, plaisantai-je en ignorant volontairement son sarcasme.

— Allez bourreau des cœurs, du nerf !

La jeune femme déposa une main compatissante sur mon épaule et je l'enlevai le plus poliment possible, puis m'éclipsai une fois ma bière en main. J'aimais beaucoup Mél', mais moins sa langue de vipère. Je n'arrivais toujours pas à croire qu'elle fut ma plus longue relation. J'avais passé tout mon lycée avec elle, avant qu'elle ne finisse par me larguer cet été.

Ses raisons étaient toutes légitimes, alors je n'en avais pas fait un scandale. Certes, récolter le résultat de mes erreurs avait été assez douloureux, parce que je m'étais attaché à elle, mais d'une manière générale je me remettais vite d'une rupture.

Au moment de remonter à l'étage, j'aperçus la tête brune que j'attendais qui entrait dans le bar. Je l'appelai, tout sourire, et il me chercha un peu des yeux avant de me rejoindre. Plutôt que d'entamer une conversation dans l'escalier je lui fis signe de me suivre et remontai à notre table.

— Hey, lui susurrai-je en me rapprochant de lui.

Gabriel bredouilla un « bonjour » et piqua presque immédiatement un fard. Je l'invitai à s'asseoir sans jamais me départir de mon sourire.

— Tu veux une bière ? lui proposai-je.

— Non, merci.

Il avait clairement l'air de ne pas vouloir être ici. Désireux de ne pas le presser je restai silencieux et l'observait. Régulièrement, il me jetait des coups d'œil, et je finis par croiser les bras en haussant un sourcil.

— Gabriel, tu me mates, lâchai-je, malicieux.

— Absolument pas !

Immédiatement, Gabriel détourna le regard. Il avait été pris en flagrant délit, et il le savait très bien. Je me penchai en avant, décidant de profiter de cet ascendant que j'avais l'air d'avoir sur lui.

— Tu as bien le droit, le rassurai-je. Je sais que j'ai du charme.

J'accompagnai ma plaisanterie d'un clin d'œil aguicheur. Gabriel ancra son regard dans le mien et j'eu l'impression qu'il cessa de respirer pendant quelques secondes. Toutes mes bonnes résolutions s'envolèrent en éclat et je fondis sur ses lèvres sans défense.

Mon baiser le surpris puisque je le sentis sursauter, mais j'eus tout de même le temps de goûter à ses lèvres avant qu'il ne recule brusquement.

— Non. Ce n'est pas ça que je veux, ce n'est pas ça, pas du tout..., marmonna Gabriel.

— Je suis désolé, m'excusai-je sincèrement. Tu me plais beaucoup, et j'ai très envie de continuer à te voir, mais...

— Mais c'était une erreur ! me coupa-t-il. Je ne suis même pas gay. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça, j'avais trop bu...

— Qu'est-ce que c'est que ces conneries ?! le coupai-je à mon tour, les sourcils froncés.

Gabriel se tendit immédiatement, et je fis mon possible pour lire son expression. Je savais que me vexer pour si peu était puéril, mais je ne pouvais pas m'empêcher de me sentir blessé. Je ne parvenais pas à le croire, pas après la passion dont il avait fait preuve avec moi. Comment pouvait-il même imaginer qu'il n'aimait pas les hommes ?

— Tu as conscience quand même que tu dis de la merde ? lui indiquai-je, pour la forme.

Je ne sais lequel de mes mots en fût la cause mais Gabriel fit reculer brusquement sa chaise et sembla ne plus avoir conscience du monde qui l'entourait. Ses yeux fixaient un point invisible et ses mains agrippaient la table avec une force impressionnante. Il ne dit pas un mot mais son souffle s'accéléra grandement, erratique, achevant de m'inquiéter. Je ne savais pas ce que j'avais pu dire de si impactant, mais visiblement ça avait eu beaucoup d'effet. 

GrandioseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant