04.10 : Ada
Une fois mon message envoyé, je reportai mon attention sur le gars présentement en train de me dévorer le cou. Mon sac et mes chaussures furent jetées dans un coin de l'appart' et nous tombâmes sur mon sofa.
Cette conquête n'était pas ma plus grande réussite. Mais le gars avait de l'humour, une belle gueule et surtout, nous recherchions la même chose.
— On pourrait peut-être bouger jusqu'au lit, lui susurrai-je.
Il m'embrassa à pleine bouche et je me retins de griffer son dos. Je n'étais pas certaine qu'il apprécie. Personnellement, j'aimais quand c'était un peu rude.
Thomas accepta finalement de me lâcher et je le conduisis jusqu'à ma chambre.
— T'es belle, apprécia-t-il tandis que je me déshabillais.
J'esquissai un sourire et lui fit signe de me rejoindre. Nous nous allongeâmes et je déboutonnai sa chemise avec un empressement non-dissimulé.
Nous fûmes interrompus par la sonnerie de mon téléphone qui joua Chop Suey de System of a down à plein régime dans la chambre. Thomas sursauta, surpris à juste titre et j'étouffai une insulte en me tournant pour faire taire l'engin. Évidemment, c'était Gabriel qui m'appelait, malgré le code rouge. Je fis le choix de ne pas répondre. Si nous avions instauré des règles, c'était par nécessité. Il savait que je n'avais pas à me plier en quatre toute la sainte journée. Il savait aussi que j'aimais bien m'envoyer en l'air sans avoir à régler tous ses problèmes existentiels.
— Tu réponds pas ? me demanda Thomas.
— Non. J'ai envie de me détendre ce soir, lui répondis-je en souriant.
Thomas partagea mon rictus et je l'attirai à moi. J'avais envie d'être enlacée, ce soir.
— Donne-moi chaud, chéri. Que les voisins viennent se plaindre demain matin.
Il rit contre ma peau et je frissonnai. Ce n'était pas Jason Momoa, mais mon dieu ce qu'il était sexy.
*
Quand je me réveillai le lendemain, Thomas était parti. Je souris en me remémorant la soirée et lui envoyai un message. Et non, je n'étais pas tout le temps un monstre avec les gens. Une fois bien réveillée, je décidai d'affronter les nombreux messages vocaux que m'avait envoyé Gabriel. Il y en avait quatre en tout : un où il m'expliquait pourquoi sa journée était merdique, et trois pour s'excuser d'avoir appelé malgré le code rouge.
Je soupirai en me rallongeant. J'étais désolée que ça ne se passe pas bien avec son blondinet, mais je ne pouvais pas le défendre cette fois. Gabriel s'obstinait dans une voie qui ne satisfaisait aucun des deux et il refusait d'ouvrir les yeux. Tout ça parce qu'il n'assumait pas aimer les coups d'un soir.
Ça avait pourtant beaucoup de bénéfices. Par exemple, le lendemain d'une bonne partie de jambe en l'air, je me sentais pousser des ailes. Et avec la mauvaise nouvelle du labo, j'avais bien eu besoin d'un petit remontant.
Je me levai finalement pour aller me servir un petit-déjeuner. Il était onze heures passées et je n'avais rien de prévu aujourd'hui. On sonna à ma porte et je roulai des yeux. Mon proprio venait presque tous les samedis se plaindre parce que je ramenai des gens le soir et que l'on faisait « trop de bruit ».
— Je suis désolée Gary, je le referai plus, allez-vous-en ! criai-je en direction de la porte.
Puisqu'on ne sonna plus, je supposai qu'il était parti. Quelques minutes plus tard mon téléphone sonna de nouveau et je soupirai, agacée. Le nom d'Alexandre s'afficha et c'est bien parce que cela me surpris que je décrochai.
— Qu'est-ce qu'il veut le plumeau ?
— Salut Mal'. C'est pas pour moi que j'appelle, mais pour Sae.
— Sae ? Pourquoi t'appelles pour Sae ?
— Elle vient de m'envoyer un message en me disant que tu as refusé de lui ouvrir et que tu l'as appelé Gary ? Apparemment vous deviez aller déjeuner ensemble mais elle n'ose plus sonner.
— Merde. J'avais zappé. Merci plumeau.
— Arrête avec ça put...
Je raccrochai sans attendre la fin de sa phrase et courus dans ma chambre pour m'habiller un minimum. Une fois socialement présentable, je revins ouvrir à Sae. La Japonaise se tenait bien droite devant la porte et elle sursauta.
— Je suis vraiment, vraiment, vraiment désolée Sae, j'avais complètement oublié. Ce n'est pas à toi que je criais, mais à mon proprio.
— Bonjour Adeline. Tu n'aimes pas ton propriétaire ?
Je retins une grimace à l'entente de mon prénom complet. Je lui avais assuré qu'elle pouvait Ada, mais elle refusait. Une histoire de respect, ou je ne sais pas quoi...
— C'est un gros con, commentai-je seulement. Entre, entre, reste pas là le couloir est glacé.
Je me décalai et elle courba rapidement la tête en guise de salut. La jeune femme retira automatiquement ses chaussures avant de marcher sur le parquet et je lui indiquai le porte-manteau pour qu'elle y suspende sa veste.
— On avait réservé pour quelle heure déjà ? demandai-je.
— Midi et demi. On a encore un peu de temps, je suis désolée si je suis en avance.
— Pas de souci. Tu veux boire quelque chose ? J'ai du thé en sachet si tu veux.
— Non merci, je déteste le thé en sachet. J'ai déjà pris un café avant de venir.
Je lui souris et m'installai sur mon sofa. Sae tâtonna un peu avant de s'installer à mes côtés. Étonnamment, elle était l'une des rares personnes avec qui je ne parvenais pas à être agressive. Peut-être parce qu'avec elle je n'avais pas besoin d'être sur la défensive ?
Je n'avais rencontré Sae que deux fois : la deuxième avait été chez Alex, et on avait pas mal discuté. Elle adorait la déco, donc nous avions un point en commun.
— Sinon, comment tu vas ? demandai-je pour engager la conversation.
— Les cours sont un peu difficiles, mais ça va, m'expliqua-t-elle.
Sae suivait une troisième année de licence en LLCER Anglais. Comme sa mère était française et son père un Japonais expatrié en France quand ils s'étaient rencontrés, elle connaissait bien la langue, même si elle avait vécu toute sa vie au Japon. J'avais moi-même des origines mixtes et comme j'avais déménagé du Congo vers la France à mes sept ans, on se comprenait un peu. Alors je lui avais proposé qu'on aille déjeuner pour parler un peu de ses difficultés d'intégration.
— On y va ? me proposa-t-elle. On aura qu'à marcher un peu.
— Bonne idée. Allons-y !
Nous échangeâmes un sourire et je quittai mon appartement le cœur léger.
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Grandiose
General FictionUn jour ou l'autre, nous avons tous vingt ans. Vingt ans. C'est l'âge où l'on ne peut plus prétendre à l'enfance, même si l'on en crève d'envie. C'est l'âge où tout semble plus simple, et où pourtant tout est plus compliqué. Vingt ans c'est l'âge d...