Deux semaines se sont écoulées après la fête d'Armin. Je ne sais pas trop pourquoi, mais depuis cet épisode, je me sens légère. Pendant trois jours, Lune me demandait sans cesse si c'était vraiment ce que je voulais, si je voulais vraiment être avec elle.
Il y a deux jours, c'était les 16 ans de Clyde. J'ai acheté un billet de train pour aller le voir ce weekend. On a hâte de se voir enfin.
Cette semaine, il va avoir les résultats de la chimio. Chaque soir depuis lundi je demande à Clyde s'il les a reçus et je ferais pareil ce soir, et demain soir, jusqu'à avoir ces fichus résultats.
Tandis que j'essaie d'écouter le professeur de mathématiques, mon portable vibre. Je vérifie que personne ne l'a remarqué puis l'allume discrètement.
C'est Clyde qui m'a envoyé un message.
=> C'est fini. La chimio n'a pas marché.
- Bordel de merde ! je m'exclame en me levant brutalement de ma chaise.
Lune le regarde, interrogative, comme le reste de la classe.
- Bah alors, Mademoiselle Blunt, c'est la seule chose qui vous est venu en tête ? Vous ne parlez pratiquement pas de l'année mais vous trouvez le culot de jurer ? intervient mon professeur.
- Pardon Monsieur, je mérite une sanction. Je me rend de ce pas dans le bureau du proviseur.
Je sors de la salle sans laisser mon professeur réagir. Bien évidemment, je ne vais pas aller dans le bureau de Monsieur Hudson. Je cours escalader la grille de mon lycée et appelle Clyde.
- Clyde! J'arrive.
- Merci Astrée. Mais tu n'es pas obligée de venir tout de suite.
- Non, je viens. Je vais prendre le train, et dans plus de deux heures, je vais toucher deux mots à Roberto.
Je raccroche et cours à ma maison. Je prends de l'argent dans mes économies et file à la gare. J'achète un ticket et prend le premier train. J'envoie un message à Lune pour ne pas qu'elle s'inquiète, une fois assise dans le train. Je passe le trajet entier avec un nœud dans ma gorge est dans mon ventre. Une fois à quai, je cours pour monter dans le bus maintenant à l'hôpital de Mansfield. Quelques minutes plus tard, j'arrive à l'accueil, et demande la chambre de Clyde. Je suis ensuite accompagné par un infirmier.
Je reste là, pétrifiée, devant la porte de la chambre 203 de l'hôpital de Mansfield. Derrière elle, Clyde Jones. C'est, la main tremblante, que j'ouvre la porte.
Je le vois, allongé dans son lit, le visage pâle illuminé par quelques taches de rousseur et une casquette sur la tête. Ses grands yeux noisette m'observent. Il me sourit.
- J'avais raison. Tu es vraiment belle. Et moi, je suis vraiment aussi pourri qu'un œuf de 100 ans.
- Et moi j'avais tort. Tu ne t'appelles pas José, tu n'as pas 60 ans et encore moins envie d'abuser de mon innocence juvénile.
Nous rions légèrement, tandis que je me retiens d'exploser en pleurs.
- En tout cas je suis devenu chauve pour rien, dit-il en enlevant sa casquette.
- J'aurais pu t'acheter une perruque en venant, je n'y avais pas pensé.
Une larme solitaire s'échappe, ce qui efface un peu le sourire de Clyde.
- Viens là, me dit il en ouvrant les bras.
Je me loge et pleure à chaudes larmes. Je n'ai jamais autant pleuré depuis l'accident de Lune ou celui de papa et d'Ellon. Clyde me caresse tendrement l'épaule et me murmure :
- Chaque nuit, je te promets que je brillerais le plus possible pour que tu puisses me voir. Pour que tu saches que je serai toujours là.
- Okay, dis-je doucement, la voix tremblante.
- Je peux te demander quelque chose ?
- Tout ce que tu veux, je chuchote.
- Récite-moi un poème, s'il te plaît.
Je me relève légèrement et regarde Clyde. Je lui sourit, ayant trouvé le meilleur poème à lui réciter.
- Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.J'ai tout appris de toi sur les choses humaines
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines...Tandis que je continue ma récitation, mon ami ferme les yeux et me sourit. Je prends sur moi pour ne pas pleurer. Ma voix se casse à plusieurs reprises mais je continue de réciter.
-... Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes
N'est-ce pas un sanglot de la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
Ailleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nues
Terre terre voici ses rades inconnues.Clyde me sourit. Lorsque je finis le poème, il réplique:
- Louis Aragon.
- Lui-même.
Nous nous sourions.
- Tu es mon étoile, chuchote t-il, les larmes aux yeux. Mais reste ici bas. Je veux te voir briller ici encore un peu.
Il prend mon visage dans ses mains et m'embrasse le front.
- Je te souhaite tout le bonheur du monde, Astrée Blunt. Merci d'être entrée dans ma vie.
- Merci d'être entré dans la mienne, Clyde Jones.
Je retourne me loger dans ses bras.
- J'ai peur, Astrée, murmure-t-il.
- Je suis là. Je suis la Clyde. Je suis avec toi.
Nous restons ainsi allongés, l'un contre l'autre.
- Merci, Astrée. Merci.
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Je suis littéralement en pleurs.
Vous pouvez me crier dessus autant que vous le souhaitez, je comprends.
Je ne voyais simplement pas la fin autrement.
Il ne reste plus que l'épilogue.
Je vous aime fort,
With love,
S.
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La Chance de Vivre
Teen FictionAstrée, une jeune fille à la vie sombre, s'aventure dans les pensées suicidaires. Suivant le conseil d'une amie, elle se connecte sur WeConfess, une application où l'on peut parler, et interagir avec d'autres. En postant son premier message, peu em...