Chapitre 3

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Lydia entre dans le bus et aperçoit une place au fond. Elle se tord entre les passagers agglutinés et parvient à s'asseoir sur le siège. Manque de chance, son voisin pue la sueur. La jeune femme se camoufle discrètement le nez avec son châle et regarde par la vitre du véhicule.

Dehors, hommes, femmes et enfants se baladent avec des bonnets. Il faut dire que ce matin, la température est faible. En se levant, Lydia avait été parcourue de frissons et s'était aussitôt couverte avec son plaid. Le mois de novembre se montrait plus frileux qu'à l'accoutumée. Lydia se rappelle que l'année précédente, durant la même période, elle avait organisé un pique-nique avec Luna. Désormais, l'idée n'est même plus concevable.

Tandis qu'elle sort de ses pensées, son voisin de transport se lève. Lydia fait en sorte de lui laisser de la place pour descendre. Ce dernier passe devant elle sans la remercier. La jeune femme ignore son impolitesse et met ses écouteurs. Si elle rétorquait à chaque mauvais comportement, elle ne s'en sortirait pas.

Elle descend du bus quelques arrêts après et entre dans un café. A peine s'approche-t-elle du comptoir, que l'odeur du café frôle ses narines. Elle prend place sur un fauteuil et commande un café au serveur. Pendant que sa boisson arrive, Lydia sort son téléphone de sa veste et envoie un message à Tao.

Passe une bonne journée mon amour. C'était tellement bien hier soir.

Une fois le message envoyé, elle range son téléphone et sourit niaisement. Comme elle lui a mentionné dans le texto, Lydia a passé un excellent moment hier soir. Ça faisait quelques semaines qu'ils n'avaient plus fait l'amour. Le travail de son homme lui prenait beaucoup de temps, et, dès qu'il rentrait chez eux, c'était pour se reposer. Ces moments de tendresses lui manquent un peu mais elle ne souhaite pas lui en parler. Elle sait que tout ce qu'il fait, c'est pour la rendre heureuse.

Le serveur pose le café sur la table basse et repart avec l'addition. Lydia allume son ordinateur portable et se met à travailler dessus. La semaine prochaine aura lieu des promotions en magasin et elle est en charge de la création des affiches. Lydia passe en revue les tendances chez ses concurrents et réalise ses affiches durant toute la matinée.

Lydia sort du café tandis que d'autres clients entrent pour le déjeuner. Elle réemprunte le bus mais cette fois-ci en direction de sa boutique. Arrivée sur les lieux, elle salue son intérimaire de la main, qui est en pleine conversation avec un client. La responsable imprime son travail de la matinée et l'affiche sur la vitrine.

- Bonjour, soyez les bienvenus, accueille Lydia lorsque deux hommes passent le seuil du magasin.

Elle attend qu'ils regardent un peu la boutique puis va à leur rencontre. L'homme le plus avancé vers elle lui explique qu'il souhaite un parfum pour sa petite-amie.

- Ça tombe bien, vous êtes justement dans une parfumerie !

- Je vois que madame est une comique, s'esclaffe le second.

Lydia rigole à sa réplique et poursuit la réalisation de sa vente en proposant diverses senteurs.

Une fois que les deux hommes ferment la porte, son intérimaire accourt vers elle :

- Eh ben, il y en a un à qui tu as plu ! Et il n'était pas moche en plus !

- De qui tu parles ?

- Du collègue à celui qui a pris le parfum. Il te regardait avec de ces yeux !

- Tu dis n'importe quoi ! Allez, on se remet au travail !

Lydia en profite pour prendre une pause lorsque le magasin demeure enfin silencieux. Elle sort de la boutique et s'empresse d'allumer sa cigarette. Elle s'assoit sur le rebord de la vitrine et appelle son compagnon. Ce dernier ne répond pas. Elle n'attend pas le répondeur et raccroche. Une fois la cigarette calcinée, Lydia la jette dans une poubelle et retourne à ses occupations.

- Je parie que tu étais encore au téléphone avec ton chéri, lui lance Elisa, l'intérimaire.

- Oui, mais il n'a pas répondu, soupire Lydia.

- Oh, mais ne t'inquiète pas ! Il doit sûrement être au travail, la rassure son employée.

- Oui je le sais bien... c'est plus fort que moi mais, dès qu'il ne décroche pas, je me fais des idées.

Lydia sait bien qu'il ne peut pas toujours se montrer disponible. Cependant, elle a besoin de le sentir sommeil. Lorsqu'elle est saisie de cauchemars ou qu'elle se réveille en ayant l'impression d'avoir vécu des choses en dormant. Dans ces moments, Tao la réconforte et lui assure que tout va bien, que tant qu'il est là il ne lui arrivera rien.

Avec le temps, Lydia a pris l'habitude d'être régulièrement en contact avec lui, et ce même la journée.

Il est sa drogue, et c'est bien ce qui lui fait peur. Que deviendrait-elle sans lui ?

De retour à son domicile, Lydia n'a qu'une hâte : retrouver Tao. Quelques heures plus tard, dans l'après-midi, son petit-ami l'avait prévenu qu'il rentrerait plus tôt que prévu. Cette surprise avait mis Lydia de bonne humeur et lui avait donné la sensation que la fin de journée était passée plus vite.

Avant qu'il n'arrive, elle allume le juke-box et entame un brin de poussière. Au rythme des musiques de Manu Dibango, Lydia déambule avec son balai dans chaque pièce de l'appartement. Son activité se termine au même instant où Tao passe le seuil de la porte.

- Eh ben, tu n'es pas fatiguée de ta journée pour bouger encore ? La questionne son petit-ami en déposant sa valise de travail sur la table basse.

- Oui, mais je suis dit que ça serait bien de faire un peu de ménage. Sens comme ça sent bon !

- C'est vrai, tu as mis un encens ?

- Oui, à la rose. C'est nouveau au magasin.

Entre ses explications, Tao passe derrière le comptoir et range dans le frigidaire une bouteille de vin.

- Encore de la part d'un de tes clients ?

- Exact. C'est fou comme ils se sentent redevables quand je leur vends une maison.

- J'ai toujours su que je devais sortir avec un agent immobilier, le taquine la jeune femme.

Tao revient dans le salon où Lydia est en train d'allumer la télévision et s'affale sur le canapé. Sa femme le rejoint et se colle contre lui. Il zappe avec la télécommande avant de tomber sur un reportage de peinture.

Tous les deux amateurs d'art, ils se rendent parfois dans des expositions dans la ville. Lydia ne conteste pas le talent des artistes, mais il lui arrive de ne pas comprendre le sens de leurs œuvres. Notamment celles représentant des formes indéfinissables, généralement aux couleurs sombres.

A contrario, ce sont celles-ci qui fascinent le plus Tao. Lorsqu'il en aperçoit une, il se fige devant pendant des secondes qui semblent durer indéfiniment plus longtemps pour sa compagne. Dans ces moments, l'homme semble transporté dans une autre sphère. Une sphère que Lydia n'arrivera certainement jamais à pénétrer.

La jeune femme sursaute lorsque la sonnette retentit. Tao se lève et revient avec deux cartons de pizza. Lydia est ravie de son initiative, elle qui ne se sentait pas de cuisiner. Elle n'a pas le temps d'ouvrir le sien que son petit-ami croque déjà dans une part.

Lydia mange sa pizza au ralenti, captivée par un reportage animalier, sur une autre chaîne. Alors qu'un lion s'approche dangereusement d'une gazelle, Tao la coupe dans son attention en refermant son carton.

Il ramasse les déchets éparpillés sur la table et se ramène avec deux coupes de vin. Il doit vouloir se faire pardonner, songe Lydia en le remerciant.

Tandis que le bovidé est désormais entre les crocs du prédateur, une boule se forme dans la gorge de la jeune femme. Ce désagrément l'empêche de vider son verre comme elle le souhaite. Rapidement, la fatigue saisie Lydia, qui sur les genoux de son homme. 



Merci encore de lire INCERTAIN ! Que pensez-vous du personnage de Lydia ? :) 

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