Chapitre 20

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Elle ne sait dire si elle est heureuse de se qui vient de se produire.

D'un côté, Lydia se sent soulagée que son cauchemar se clôture enfin, mais, de l'autre, c'est une pointe au cœur qui la détruit.

Elle ne souhaitait pas en arriver là. Ce qu'elle voulait, c'était seulement s'échapper des griffes de Tao et reprendre sa vie là où elle l'avait laissé.

La mort volontaire d'une personne l'avait toujours affecté. Pour elle, c'était ce qu'il pouvait y avoir de pire dans le monde. Personne, quoique celle-ci fasse, ne méritait de subir cette ultime souffrance. Cependant, elle s'était retrouvée prise au dépourvu, emprisonnée dans un bocal infernal. Si elle n'avait pas réagi, elle serait certainement décédée après en avoir fait éternellement le tour.

Tao avait réussi avec brio à manipuler son esprit, et ce, depuis le départ. Il avait simulé une rencontre avec une soi-disant inconnue. Il l'avait manipulé jusqu'à la faire s'enticher de lui, se faisant passer pour un homme de valeur.

Elle, qui d'ordinaire se montrait discrète sur ses relations amoureuses, elle avait osé le présenter à sa mère !

Pourquoi ne l'avait-elle pas écouté lors de sa méfiance envers lui ? Pourquoi s'était-elle braquée et sali son entente avec elle ?

Elle s'en voulait terriblement.

Désormais, la jeune femme se retrouve seule, abandonnée par sa génitrice et trahi par son mari. Et, comme si ça ne suffisait pas, elle n'a aucune idée si ça meilleure amie est encore en vie. Et son argent, donné inconsciemment à Tao, celui-ci semble perdu à jamais. Elle se rappelle avoir trouvé étrange la manière qu'avait Tao de la rassurer à la banque. Cependant, elle n'y avait prêté guère attention, excitée par l'idée d'acheter en compagnie de l'homme avec qui elle comptait faire sa vie.

Cet usurpateur avait réduit sa vie au néant. Même s'il n'était plus là, il avait accompli son pari.

Elle ne saurait estimer combien de temps elle reste allongée sur le sol, le corps de Tao reposant sur le sien. Elle n'a pas la force de se lever, ni même la motivation. Tout ce qu'elle veut, c'est que les rayons du soleil l'assomment pour un moment.

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Lorsque Lydia se motive à se lever, le soleil émet une douce onde orangée. La jeune femme se dégage du cadavre et marche en titubant jusqu'au puit. Elle se penche au-dessus et tente d'apercevoir le fermier ou plutôt ce qu'il reste de lui. Néanmoins, le trou est si profond que seul l'obscurité à l'intérieur lui est perceptible. Elle n'ose imager ce qu'a dû ressentir son ami en chutant dans cet interminable couloir de la mort.

Avant de quitter l'exploitation, elle retourne dans la maison de son hôte récupérer les clés de son véhicule. Les meubles sont nombreux dans la salle à manger. Un par un, elle tire les tiroirs sans dénicher ce qu'elle cherche.

Au bout d'un moment, elle abandonne et finit par s'emparer d'un plaid sur le canapé qu'elle pose sur ses épaules.

La route est longue et ennuyeuse. Pendant des kilomètres, Lydia frotte la semelle de ses chaussures sur la route sans croiser âme qui vive. Par sécurité, elle se place sur le bas-côté au cas où une voiture circulerait. Ce n'est qu'une heure plus tard environ, alors que les animaux de la forêt entonnent un orchestre symphonique, que Lydia entrevoit enfin le bout du tunnel. Entre les pins, l'enseigne d'une station d'essence éclaire le carrefour sur lequel elle aboutit. L'établissement semble encore ouvert, un employé étant en train de ranger les rayons.

La vision d'une personne dans les alentours égaie son moral. Le poste de police ne doit pas être loin. Elle hésite à entrer dans la boutique pour prendre à manger mais elle se rappelle ne pas avoir d'argent sur elle. Il est certain que le gérant n'acceptera pas de lui donner quelque chose gratuitement. Un peu dépitée, elle passe devant la boutique à contre-cœur et tourne dans la rue indiquant la présence du commissariat.

C'est avec étonnement qu'elle constate qu'il se loge dans un vieux bâtiment. Fixé contre le mur, l'enseigne lumineuse semble prête à s'effondrer à tout moment. Elle inspire profondément et se tord les poignets pour se donner une contenance avant de pénétrer à l'intérieur.

L'officier parait surpris qu'une personne, qui plus est une femme, vienne dans ce lieu à cette heure-ci. Au-dessus de son bureau, l'horloge affiche vingt-deux heures.

-Bonjour, que désirez-vous ? Lui demande l'officier en se levant de sa chaise.

C'est au tour de Lydia d'être surprise. Alors qu'il est debout, la tête de l'homme ne dépasse guère du comptoir mais sa mine sympathique incite Lydia à se confesser.

- Bonheur... je viens d'être séquestrée.

- Contre qui souhaitez-vous porter plainte ?

Lydia déglutie avant de poursuivre.

- Tao. Tao Lopez.

L'interrogatoire est encore plus stressant que ce qu'elle pensait. Heureusement, M. Gotham, l'officier, essaie de la mettre à l'aise. Voyant son anxiété, il lui propose un café qu'elle accepte volontiers. Tandis qu'il part lui préparer, Lydia s'assoit sur un des sièges face à son bureau. À coté de son ordinateur, une photo avec une petite fille est encadrée.

La jeune femme songe que cela doit être compliqué pour son enfant d'avoir un père souvent au travail la nuit, toujours réquisitionné pour des urgences.

- Je vous ais également apporté une veste laissé par un habitant. Elle ne doit pas être à votre taille, mais ça sera toujours mieux que votre couverture, lui répond le fonctionnaire en prenant place à son bureau.

Lydia le remercie et savoure sa boisson.

S'ensuit un échange entre eux. Pour l'aider dans son témoignage, il lui propose de la laisser lui conter son histoire, voire, si elle n'en a pas la force, de la lui expliquer sur papier. Malgré sa hantise, elle choisit de s'exprimer de vive-voix, pouvant plus lui permettre de se soulager d'un poids.

La conversation s'écoule pendant plusieurs heures. Lentement mais sûrement, elle lui raconte toute sa mésaventure dans les moindres détails. Par moment, les sanglots s'immergent dans son discours, mêlés par des émouchements. L'officier se montre empathique envers elle, ne la coupant à aucune reprise dans ses paroles. Ce n'est qu'après son explication sur la mort de Tao qu'il lui propose de procéder à la signature de sa plainte.

Touché par son discours, il l'invite à passer la nuit dans les locaux et de la ramener chez elle le lendemain. Encore une fois, Lydia est émue par tant de générosité de la part de cet inconnu même s'il ne fait que son travail.

- Essayer de dormir, je veille sur vous.

- Et votre fille ? Ne peut s'empêcher de demander Lydia.

L'officier sourit à sa mention et regarde le cadre.

- Oh, vous savez, elle sait que le métier de son papa demande beaucoup de temps. Elle ne me le dit pas, mais je sais que ça l'attriste. Mais, en même temps, elle sait que c'est pour le bien de tous. D'ailleurs, elle veut reprendre le flambeau plus tard. Sacrée gamine.

Lydia rigole face à cette détermination qu'on les petits à rêver en grand. Cela fait longtemps qu'elle n'a pas été aussi bien. 

INCERTAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant