Chapitre 18

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- Café ? Lui propose le vieil homme.

Lydia accepte d'un hochement de tête et s'assoit dans la cuisine. L'inconnu semble vivre seul dans cette ferme. Aucunes photos parsèment les murs de l'habitation, aucuns objets féminins.

D'ordinaire, elle n'aurait jamais accepté de le suivre chez lui. Généralement, lorsqu'une personne conviait un inconnu c'était pour de mauvaises intentions. Cependant, la jeune femme avait ressenti de la pure bonté chez ce fermier.

- Vous vivez seul ? L'interroge Lydia en réceptionnant sa tasse de café.

- Malheureusement, oui. La solitude est ma meilleure amie. Que veux-tu, je ne suis qu'un simple fermier.

Lydia écoute la jeunesse de ce dénommé Enrique. Toute sa vie n'a pas été un long fleuve tranquille. Ainé d'une fratrie, il n'a cessé de travailler pour subvenir aux besoins de sa famille. Puis, c'est à la disparition de son père qu'il avait repris le flambeau familial agricole.

Depuis, il reste l'unique survivant de la lignée. Le récit du vieil homme fait prendre conscience à Lydia qu'elle n'est pas la seule à avoir subi les aléas de la vie. L'homme qui se tient en face d'elle n'a rien à envier à la force des athlètes les plus téméraires.

- Et toi, que t'est-il arrivé ?

Lydia raconte alors sa mésaventure sans oublier le moindre détail. Elle relate son passé idyllique avec Tao jusqu'au jour de l'enlèvement.

Enrique écoute attentivement son histoire, la main appuyée sur son front. À plusieurs reprises, il secoue sa tête comme pour exprimer son incompréhension. Il faut dire qu'elle-même n'aurait jamais imaginé un tel scénario si elle n'y avait pas participé.

- Et donc, ce Tao, tu l'as tué ?

- No... non... je ne pouvais pas ! Il est vrai que j'y ai pensé mais tout de même... je ne voulais pas me retrouver sous les barreaux ! Pas après ce que j'ai vécu, s'explique la jeune femme encore toute retournée. Je l'ai juste assommé et je me suis enfuie.

- Il n'est pas raisonnable que tu partes tout de suite. Imagine s'il est en route pour te récupérer. Il n'a plus rien à perdre, sa vie est déjà en danger.

Lydia regarde par la fenêtre et soupire. Elle sait qu'il a raison. Elle est en cavale.

Le soir même, le fermier lui prépare un lit de misère dans le grenier. Une botte de paille fait office de matelas. Son nouvel ami s'excuse de l'incommodité mais Lydia lui assure que ça fera très bien l'affaire. La veille encore, elle devait dormir à même le sol tout en restant assise avec les bras menottés. Les préparations faites, le fermier lui souhaite une bonne nuit et quitte la grange.

La pièce qui lui fait office de chambre est semblable à celle qu'elle peut voir dans les films des années 50. Un vieux lambris au sol qui donne l'impression d'avoir vécu la guerre, des poutres d'un bois sombre soutenant le plafond. La jeune femme est ravie de voir que son hôte n'a pas oublié de lui laisser une lampe à huile en guise de lumière.

Lydia s'allonge sur la botte, tout en conservant ses vêtements. Un air frais embaume la pièce. La raison de cette baisse de température : une ouverture sur l'extérieur, placée sur le mur de droite. La jeune femme se lève et constate qu'une poulie maintient deux nœuds de corde en suspension. Certainement pour transférer les blocs de paille de l'étage à l'extérieur. Malgré que ce soit destiné à une utilisation agricole, Lydia se contient de ne pas exprimer un élan de chagrin. La veille, ça aurait dû être sa tête qui aurait été pendue.

Pour ne plus penser à ses démons, la jeune femme retourne vers son lit et se persuade qu'une agréable nuit l'attend.

- Coucou ma belle, il faut se lever, murmure une voix à son oreille.

Lydia étire ses épaules puis exprime un gémissement. Elle dormait tellement bien, pourquoi la réveille-t-on ? Elle ouvre ensuite les yeux et soupire. Depuis son lit de fortune, elle remarque la nuit encore présente. La jeune femme se rallonge et se tourne contre le mur.

Quelques minutes plus tard, la voix se fait à nouveau entendre :

- Il faut ouvrir les yeux. Je suis là.

Lydia ouvre à nouveau les paupières. Son sang se glace. Tao, penché sur son corps, l'observe tel une poupée démoniaque.

- Je t'avais dit que j'étais prêt à tout par amour pour Anteo. Où que tu ailles, je te trouverais.

Alors qu'il sort un poignard de son dos, Lydia hurle pour appeler le fermier. Mais que fait-il ? Pourquoi ne l'entend-t-il pas ?

- Eh, tu vas bien ? S'inquiète Enrique tout endormi.

- Oui... Non... Enfin, je ne sais pas... j'ai fait un cauchemar je crois, répond Lydia avec épuisement.

Elle passe la main sur son cœur. Ce dernier bat de façon anormale.

- Ce n'est rien. Tout va bien maintenant. Je te laisse me rejoindre dans la cuisine, j'ai préparé le petit-déjeuner.

Enfin bien réveillée, Lydia descend du grenier depuis l'échelle et retrouve son hôte dans la cuisine.

Devant la table qui l'attend, Lydia s'émerveille. Il n'a pas fait les choses à moitié. Des tartines de confiture sont disposées dans une grande assiette. A côté, une salade de fruits remplie un saladier.

Elle s'assoit sur la chaise restante où un verre de lait l'attend.

- C'est très gentil de votre part. Je ne m'attendais pas à recevoir autant de choses.

Lydia est émue par tant de générosité. Elle aimerait le remercier pour tout ce qu'il fait pour elle. Après tout, il ne la connait que depuis quelques heures.

- Que pourrais-je faire pour vous rendre la pareille ?

- Manger ce qu'il y a devant toi. Profite, tu dois mourir de faim.

L'invitée sourit et s'attèle à la tâche. Quel délice !

Elle n'avait pas fait attention jusque-là, mais le vieil homme possède un sourire édenté. Malgré son apparence, il esquisse une mine ravie face à elle. Tandis qu'il se penche pour boire son bol de lait, Lydia aperçoit une médaille en forme de C autour de son cou. Même s'il ne dit rien, elle se doute qu'il ressent de la solitude. Peut-être pourrait-elle essayer de lui faire rencontrer quelqu'un lorsqu'elle serait de retour chez sa mère.

Lydia lui rend son sourire et croque dans une des tartines. À ce moment, un vacarme retentit à l'extérieur de l'édifice.

- Oh, ne t'inquiète pas, il ne s'agit que des vaches en train de combattre.

INCERTAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant