Le réveil est brutal. Des bruits d'une forte intensité extirpent Lydia de son sommeil. Etant donné que les murs de briques paraissent assez consistants, la jeune femme en déduit qu'il s'agit d'un vent agité. Pire encore, et s'il s'agissait d'une tempête ? Non, d'une tornade ?
La savoir dans l'ignorance et la solitude lui provoque des grattements intempestifs dû au stress. Le noir complet dans lequel elle se trouve n'arrange en rien ses désagréments. Selon son peu de capacité d'analyse actuelle, le problème météorologique se déroule pendant la nuit. Au fils des jours qui se sont déroulés, Lydia a pu remarquer que Tao s'absente le soir et ne refait surface que le lendemain. Ce qui signifie qu'elle est certainement seule en ce moment.
Non pas qu'elle préférait être en sa compagnie, mais au moins elle ne serait pas sans défense face à la tempête.
La veille, la jeune femme avait pris conscience que son entrée dans la folie se manifesterait sous peu. En effet, là voilà déjà en train de s'imaginer que la tempête, si c'est bien de cela qu'il s'agit, pourrait emporter le toit de la pièce dans une bourrasque. Ce qui pourrait lui permettre d'escalader le mur et de s'enfuir.
Le temps passe ainsi que les contre-coups qui ne cessent d'ébranler les murs. Lydia tente alors de tirer à nouveau sur ses chaînes avec le peu de forces qu'il lui reste. Comme à l'ordinaire, rien ne se produit hormis quelques faibles vibrations à l'extrémité des chaînes.
L'écoulement du temps n'est plus ce qui préoccupe la jeune femme. Elle pense que cela doit faire deux jours environs désormais mais rien ne lui permet d'en être certaine. Si tel est le cas, son anniversaire devrait avoir lieu dans la semaine. Et dire qu'elle pensait le célébrer pour une fois ! Son dernier anniversaire avec des proches remonte à des années maintenant, au temps où elle était encore étudiante.
Lydia se remémore avec nostalgie son émerveillement dans le gâteau que lui avait confectionné un ami pâtissier. Il était tellement délicieux. Le dessert bien entendu. C'était son dessert préféré, un moelleux au chocolat. Combien elle ne donnerait pas pour manger ne serait-ce une infime part de ce dernier !
Cette année, elle avait pensé fêter ses 23 ans en compagnie de Louna et de Tao. Elle aurait également invité sa mère, même si elle se doutait que celle-ci accepterait. Leur relation conflictuelle à l'adolescence ne s'était pas apaisée depuis, et c'est ce qu'elle aimerait plus que tout en ce moment même effacer. Elle aimerait lui dire à quel point elle regrette cette période et qu'elle souhaite que tout redevienne comme avant. La dernière fois que Lydia l'avait contacté, c'était pour prendre des nouvelles malgré sa rancœur. Elle souhaite se donner bonne conscience. Se donner bonne conscience pour quoi ? Après tout, s'il y avait un Bon Dieu quelque part dans l'univers, elle ne serait certainement pas en ce lieu, à se morfondre et à finir sa vie dans cette situation. Lorsque sa mère lui avait demandé de ses nouvelles en retour, Lydia l'avait seulement informé qu'elle était en couple.
Tandis qu'une nouvelle bourrasque frappe contre les murs, Lydia sort la fermeture de son pantalon et grave son prénom dans la pierre tout en essayant de contenir ses tremblements.
Son ravisseur s'approche d'elle. Sa mine lui parait suspecte. Quand il est à présent à quelques mètres d'elle, le sang de Lydia se glace. Le regard de Tao, rempli de noirceur, la fixe avec insistance.
Sa bouche, quant à elle, arbore un sourire des plus inquiétants. La jeune femme tente de ne pas montrer la peur qui grandit en elle et s'empêche de claquer des dents. Des démangeaisons assaillent ses jambes, ses pieds menacent de se tordre, son sang circulant anormalement dans son organisme.
Elle regarde alors ses mains et aperçoit avec horreur un poignard. La lame semble avoir été aiguisée pour l'occasion. C'est au moment où le visage de Tao se colle contre son menton qu'elle lâche un cri. Son ravisseur se jette aussitôt sur elle et lui bloque la bouche avec sa paume. Le moment qu'elle redoutait le plus est enfin arrivé. Lydia ne sait plus si elle doit en être triste ou soulagé. Si elle meurt, sa douleur n'existera plus et elle sera enfin en paix.
La jeune femme tente de reprendre son souffle mais quelque chose empêche son oxygène de circuler dans sa gorge. Elle baisse la tête et entrevoit la lame sous son menton. Puis, sans qu'elle ne puisse réagir, l'arme s'enfonce dans sa peau.
- Chut, tu n'as plus besoin de paniquer. Ton heure est venue.
Lydia se réveille et pleure jusqu'à s'en étouffer. Elle ne s'était même pas rendu compte de s'être assoupi. À peine elle s'essuie qu'une autre avalanche de larmes succède sur son visage. Au bout de quelques minutes qui semble durer des heures, la kidnappée arrive à arrêter ses pleurs. Non pas qu'elle n'a plus envie de laisser aller son chagrin mais plutôt parce que son corps en est en incapacité.
Ce cauchemar lui semblait tellement réel que le fait que cela ne soit finalement pas le cas la met dans un état pitoyable. Si elle devait tirer une carte au hasard parmi deux, une lui promettant une mort soudaine contre celle d'une mort douloureuse, que préfèrerait-elle ? Elle n'est plus sûre de rien.
Depuis petite, la mort lui a toujours donné des frissons. Dès qu'elle entendait des amis raconter des histoires d'horreur, elle se bouchait les oreilles pour ne pas écouter. Si un film policier passait sur l'écran, elle changeait de chaine. Si elle apprenait le décès d'un animal, la tristesse la saisissait.
Cette sorte d'escapade lui permet de prendre conscience que cela peut avoir lieu dans la vie de chacun, que personne n'y est préparé et que le comportement que l'on pense avoir dans ces situations ne peut être en point programmé avant que ça n'arrive.
↔
Quelque chose de doux caresse le visage de Lydia. Elle ouvre les yeux, à moitiés collés, et est surprise d'observer Tao en train de lui adresser un sourire :
- Joyeux anniversaire, Lydia.
La jeune femme est doublement surprise par sa voix délicate. Le jour de ses 23 ans est passé à une de ces vitesses, elle qui croyait que cela se produirait dans quelques jours. Selon ses souvenirs, l'enlèvement s'est déroulé le 16 janvier. Quant à elle, Lydia est née un 20 janvier. Ce qui signifie qu'elle séjourne dans l'inconnu depuis 4 jours. C'en est effrayant.
- Tu ne croyais tout de même pas que j'ai oublié l'anniversaire de ma petite femme ? La questionne-t-il avec une moue chagrinée.
- Heu, non, bien sûr que non, lui répond Lydia en feignant de ne pas être perturbée.
- D'ailleurs, je t'ai amené ton plat préféré. Regarde.
Un plateau d'une vingtaine de sushis se dessine sous les yeux de la jeune femme. Cette dernière va pour se servir avec les doigts tandis que son ravisseur extirpe de son veston deux paires de baguettes chinoises. Lydia le remercie et savoure son premier vrai repas depuis une éternité.
Malgré cette attention, Lydia ne perd pas en tête qu'il y a une raison à cela. Peut-être est-ce celle de lui faire remarquer ce qu'elle ne pourra plus manger par la suite ? Ou encore, peut-être est-ce pour lui faire prendre conscience qu'elle ne peut passer son anniversaire avec personne, autre que celui qu'elle déteste désormais plus que tout au monde ?
Tout ce qu'elle sait, c'est qu'un repas comme elle les aimes se dresse pour elle et qu'elle ne va pas se forcer pour accepter.
Pendant le déjeuner, Lydia a l'impression que Tao se retient de lui dire quelque chose. La jeune femme fait mine de ne pas y prêter attention et poursuit ce moment dans le silence. Alors qu'ils ramassent les déchets, Lydia glisse discrètement une des baguettes dans sa chaussure et lui range le reste des couverts dans le sac en papier.
Tandis que la prisonnière pense qu'il va pour partir, ce dernier s'arrête dans sa lancée et se gratte la barbe comme s'il était en pleine réflexion. Il se tourne finalement, les bras croisés, vers elle et lui explique :
- Aujourd'hui est un jour spécial. Je vais te poser une question, tache d'y répondre intelligemment. Selon ta réponse, je serai en droit de refuser.
VOUS LISEZ
INCERTAIN
Mystery / Thriller"Vous est-il déjà arrivé de rêver ? Certainement. Vous est-il déjà arrivé de penser avoir fait quelque chose alors que ce n'était que dans votre sommeil ? Certainement aussi. Maintenant, vous est-il déjà arrivé de ne plus pouvoir dissocier le rêve d...