Chapitre 15

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Des gouttes de sueur perlent sur le maigre visage de Lydia. Sous ses yeux, sa peau la tiraille, dû à son insomnie. Cette nuit, la jeune femme n'avait pu parvenir à fermer l'œil ne serait-ce quelques heures. Si elle baissait ses paupières, les souvenirs refaisaient surface. Elle sentait que l'heure arrivait, mais elle ne pouvait se résoudre à rembobiner sa vie tel que dans les films dramatiques.

Aujourd'hui est le dernier jour avant que son existence disparaisse. Le dernier jour où elle se retrouve dans cette pièce dénuée d'objets personnels. Lydia se sent démunie face à ce cul de sac. Qui ne le serait pas après tout ?

La jeune femme croise les mains et fait une ultime prière. Cette expérience lui aura fait comprendre pourquoi autant de personnes croient en une quelconque divinité. Quand on est au fond du trou, rien n'est pire et l'espoir peut faire espérer.

Si, avec le peu de chance qu'elle a, Lydia parvient à réintégrer une vie des plus classiques, elle opterait pour une vision différente. Elle oserait faire des choses qu'elle n'a jamais fait par peur. Un saut en parachute ? Pourquoi pas. Créer sa propre marque de cosmétiques ? L'idée lui a toujours plu.

En étant en couple avec Tao, elle a découvert une sérénité qu'elle ne connaissait pas encore jusque-là. Elle savait comment elle allait finir le mois. Elle ne redoutait pas de perdre le toit qu'elle avait sur la tête en cas de problèmes financiers. Durant sa relation, l'idée de faire des activités atypiques ne lui avait jamais traversé l'esprit.

Désormais, si l'avenir lui ouvrait ses portes, elle s'aventurerait vers les autres ainsi que sur le monde qui l'entoure.

Depuis que Tao lui a donné le cachet, Lydia ne s'en pas préoccupé, ses pensées s'étant figées sur les souvenirs. Elle penche enfin son visage vers son décolleté et constate que le comprimé est toujours dans son soutien-gorge. Sous le feu de l'action, elle n'avait cependant pas songé qu'elle ne pourrait le récupérer avec ses mains ou sa bouche. La seule solution qui lui reste, c'est avec ses pieds.

Une fois n'est pas coutume, Lydia se déchausse et enlève son pantalon. Elle se lance ensuite dans des mouvements étranges, balançant en avant son torse, agrémentés de coups d'épaules. Elle réitère l'opération jusqu'à ce qu'elle arrive à ses fins.

Lorsque le comprimé s'échoue enfin au sol, la prisonnière le récupère entre ses doigts de pied et le pousse dans sa direction. Elle récupère ensuite le clou, caché dans sa chaussure, et le frotte contre la gélule pour la réduire en poudre. Elle cache ensuite la substance à proximité de son corps et tente de libérer un peu son esprit de ces mauvaises ondes.

Lydia ferme les yeux tout en reprenant sa respiration. Elle s'image sur une île, où seul le bruit du clapotis de l'eau s'échouant sur le sable imprègnerait son esprit. La chaleur des grains, brulés par les rayons insulaires, viendraient réchauffer ses pieds. À cette pensée, des frissons parcourent le corps de la jeune femme. Elle serait l'unique habitante de ce paradis, avec pour seule compagnie les oiseaux voltigeant dans le ciel.

Une larme coule sur la joue de la prisonnière. Tout cela ne sera jamais faisable. La voilà bien sotte de songer à une vie où son passé n'aurait jamais existé. Si elle survie, ce lourd fardeau l'accompagnera perpétuellement, telle une carapace sur le dos d'une tortue.

Les heures défilent dans la solitude pour Lydia. Pourtant, elle perçoit de temps à autre des bruits provenant de l'habitation.

Que fait-il ?

Peut-être est-ce une autre personne ?

Dans le doute, Lydia crie de tout son être, dans l'espoir qu'une âme charitable la trouve. Manque de chance, c'est Tao qui la rejoint :

- Mais que se passe-t-il, bon sang ? Lui demande-t-il, vêtu d'un pantalon troué et tâché.

- Rien. J'ai juste cru voir un scorpion, prétexte la prisonnière.

Elle présume que si elle lui avait expliqué que c'était pour que quelqu'un lui vienne en aide, il n'aurait pas apprécié.

- Il est où ?

- Là-bas, dans le coin, désigne Lydia en tournant sa tête à gauche.

Son ravisseur s'approche à tâtons du soi-disant arachnide et s'agenouille pour la dénicher. Pendant ce temps, Lydia constate que des clés sont suspendues à un passant de son pantalon. Evidemment, avec cette astuce, il est impossible qu'elles ne tombent.

Si seulement elle pouvait les récupérer...

- Tao ?

- Oui ? S'enquiert le jeune homme en se retournant vers elle.

- Je sais que mon heure approche et que quoi que je pense, rien ne changera la donne. Si tu savais à quel point je m'en veux. Enfin bref. Je voulais te demander s'il était possible d'avoir un couteau pour me tailler le prénom d'Anteo. Ce serait une sorte de demande de pardon qui restera sur ma peau éternellement.

L'homme, désormais en face d'elle, semble préoccupé par sa requête. Il tourne dans la pièce quelques minutes puis s'arrête devant la porte.

- Ta demande est assez saugrenue. Mais si tel est ton souhait, je veux bien te l'accorder.

Lydia le remercie et lui demande s'il a trouvé le scorpion. Ce dernier signe négativement de la tête et quitte la pièce.

INCERTAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant