Chapitre 14

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3 jours. Le décompte est désormais en marche. C'est le temps qu'il reste à Lydia avant de dire adieu à sa petite vie. Si elle n'était pas dans ce lieu insalubre, elle aurait qualifié son train de vie d'agréable. Mais ce n'est plus le cas depuis 12 jours.

Si elle avait eu un journal, son ennui aurait peut-être été moins rude. Elle aurait noté sur cinq étoiles son logement, inscrit les mets succulents qu'elle déguste. Elle aurait même écrit son jeu de mots avec la même consonance. Oui, elle aurait raconté son séjour paradisiaque. Et qui sait, peut-être qu'un jour une personne serait tombée dessus et aurait découvert, horrifiée, que quelqu'un avait séjourné ici.

Et peut-être que son journal aurait été connu par la population mondiale ! Un peu comme celui d'Anne Franck, lors du temps des camps de concentration.

La jeune femme regarde la pièce et soupire. Oui, elle en aurait des choses à raconter.

À cela s'ajoute sa mauvaise nuit, remplie de cauchemars. Lydia se voyait subir une série de mort différente, comme si elle réfléchissait sur laquelle serait la plus douloureuse. Tantôt, elle se faisait étrangler contre un mur par les mains poignantes de son ravisseur, tantôt elle succombait à un coup de couteau. Lorsqu'elle s'était réveillée, Lydia se dégouttait. Elle avait honte d'elle, de ne pas arriver à s'en sortir, de s'être faite manipuler.

Elle avait également l'impression de devenir cinglée.

Encore surmenée par son cauchemars, Lydia s'assoupie, la tête penchée sur le côté.

Lorsqu'elle se réveille, Lydia se sent en meilleur état malgré un sentiment de nausée. Autour d'elle aucun verre d'eau, aucun maigre repas. Ce qui signifie que Tao n'est pas encore venu lui rendre visite. Pour une fois, elle ne serait pas triste de ne pas manger, son ventre la rendant un peu nauséeuse. Peut-être pourrait-elle lui demander un médicament pour y remédier ? Mais pourquoi accepterait-il ? Il n'a rien à gagner au change.

Il pourrait avoir une prisonnière plus coopérante ? Pff, ressaisis-toi, pense Lydia en se tapant sur le bras. Il sait pertinemment qu'elle ne sera jamais entièrement coopérante avec lui. Hum. Par contre, cela pourrait lui permettre d'avoir une offrande pour Anteo en meilleure condition. Oui, cela est jouable. Tao serait peut-être plus serein d'ôter la vie à une personne à peu près vivante plutôt qu'une souffrante. Si Lydia a pu apprendre quelque chose sur la vision de Tao, c'est bien qu'une personne est susceptible de plus souffrir si on la tourmente mentalement plutôt que physiquement. Et c'est ce qu'il fait avec elle !

Alors, quand il entrera dans la pièce, Lydia fera mine de se sentir vraiment mal. Au moment où il lui demandera ce qu'elle a, Lydia inventera un mal de crâne intense. Avec ce prétexte, les médicaments les plus efficaces seront les somnifères. S'il accepte, elle est persuadée qu'il lui en donnera aussitôt. Etant un grand stratège, elle ne doute pas qu'il en possède déjà dans l'habitation. Après cela, elle fera semblant de les prendre mais les gardera de coté pour les utiliser à son insu.

Cette partie du programme restant encore dans le flou, ne sachant nullement si tout ce qu'elle a élaboré avant pourra se réaliser.

Pendant les heures qui suivent, Lydia ne s'ennuie pas. Au contraire, elle ne se sent plus seule maintenant qu'elle vient de rencontrer Pablo.

Il est apparu sans que Lydia ne sache d'où. Au fond de la pièce, en lui adressant un sourire. Il s'est ensuite approché et présenté à elle. Pablo est âgé de 25 ans et est originaire d'Inde. Malgré leurs origines différentes, l'inconnu et la jeune femme présentent des points communs. Ils aiment tous les deux les animaux et la musique latine. Leur musique favorite est également la même, Me gustas tú de Manu Chao.

Lorsque Lydia tente de toucher le bras de l'inconnu pour voir son tatouage, sa main effleure l'atmosphère. Elle se rend compte avec tristesse que la personne avec qui elle discute depuis quelques heures n'est que mirage. Pablo n'existe pas. C'est une imagination que son esprit a développé pour apaiser son ennui. Ces crises de folies vont et viennent sans que Lydia ne s'en aperçoive. S'en est plus qu'assez !

Un élan de colère comme elle n'en a jamais eut s'empare d'elle, exilant sa conscience dans une zone inconnue. Lydia serre les poings jusqu'à s'enfoncer les ongles dans la peau et hurle. Son cri n'est en rien incomparable à celui d'une colère passagère, mais plutôt à celui d'une rage immesurable. Tous ses moments de désespoir dans cette salle sortent de son corps, faisant vibrer ses cordes vocales. Les boules au ventre, dues au stress, s'échappent également. C'est un feu d'artifice qui se propage dans les organes de la jeune femme.

Plus elle pousse des exclamations, et plus la sérénité nourrit son corps.

Quand elle sent que plus rien n'a besoin de s'échapper, Lydia soupire. Elle regarde ensuite autour d'elle comme pour vérifier que les murs ne se sont pas détruits par ses vocalises. Quel bonheur ! Ses muscles sont détendus, sa tête reposée. Seule sa gorge l'attise de faibles picotements.

Un vacarme surprend Lydia. Elle se colle aussitôt par réflexe contre le mur de briques et se recroqueville. S'ensuit un claquement de porte. La panique monte à vive allure dans le corps de Lydia. Pourquoi Tao est-il énervé ? Son heure est peut-être venue.

Un second claquement confirme le sentiment d'insécurité de la jeune femme. Mais que fait-il ?

- Ouah, il y a un de ces vents ! Lance son ravisseur en pénétrant dans la pièce, les cheveux ébouriffés.

Lydia dissimule son soulagement et pense à son stratagème. Elle tente d'afficher une mine épuisée et appuie avec ses index sur les cotés de sa tête.

- Qu'est-ce qui t'arrive ?

- Je ne sais trop... j'ai un mal de tête épouvantable depuis un bon moment déjà. Je ne me sens vraiment pas bien..., simule Lydia avec une petite voix.

Tout en expliquant son mal-être, la prisonnière simule un nouveau maux.

- En plus de finir ma vie ici, je vais la finir dans cet état... j'aimerai tellement avoir une dernière requête...

Tao continu de la regarder depuis sa hauteur comme s'il la passait aux rayons laser.

- Et ça sera laquelle ?

- Je pense qu'un somnifère ou un médicament similaire me ferait le plus grand bien... aie...

Sans dire un mot, son ravisseur ferme la porte de la cellule. Pendant que son ex petit-ami cherche certainement un médicament, Lydia continue son numéro, dans l'hypothèse où il aurait inséré un judas à la porte.

Ce dernier revient peu de temps après, une boîte de comprimés à la main, un verre d'eau de l'autre.

Tao lui tend une gélule ainsi que le verre qu'elle récupère. C'est le moment où elle doit être la plus vigilante. Lydia porte le verre à ses lèvres, suivi par le médicament.

- Merci beaucoup, le remercie-t-elle, en songeant à ce qu'elle vient de glisser dans son soutien-gorge.

INCERTAINOù les histoires vivent. Découvrez maintenant