Matthew
Courir, pêcher, manger, boire, dormir. Voici mes principales activités de ces trois derniers jours. Le pied intégral. Enfin, ce serait un vrai bonheur si mon cerveau ne carburait pas constamment sur ce qui s'est passé avant mon départ. Mon père, enfin mon géniteur. Cet enfoiré de première qui s'est amusé à m'humilier devant Léa, encore une fois. Et ce baiser. Bordel, ce baiser !
Je n'arrive pas à croire qu'elle m'ait embrassé. Son goût m'avait tellement manqué que je me suis laissé emporter et que j'ai répondu à l'appel de ses lèvres. J'aurais pu lui faire l'amour dans la minute tellement j'étais heureux de retrouver son corps fondu contre le mien, les sensations qui me font me sentir vivant, pleinement comblé et heureux. Pendant un instant, j'ai tout oublié, de son amnésie à mon père qui venait foutre la merde une fois de plus.
Ma vie est un bordel monstre. Bon, c'est le cas depuis des années, mais avec Léa j'avais trouvé un semblant de normalité, un équilibre entre la merde et la paix. J'étais heureux, serein et profondément amoureux. Depuis l'accident, j'ai l'impression d'avoir totalement perdu mes repères, de vivre dans une sorte de monde parallèle, à la limite du cauchemar. Je suis totalement paumé sans ma moitié.
Je range ma canne à pêche et remets les poissons que je viens d'attraper à l'eau. Ce lac est mon havre de paix. C'est l'unique héritage de mon grand-père maternel, la seule personne a toujours avoir été présente pour moi jusqu'à son décès il y a plus de six ans. La cabane qui m'appartient désormais est plutôt désuète : une pièce qui sert de lieu de vie avec un vieux canapé en cuir, une petite table en bois vieilli et deux chaises dépareillées, une kitchenette d'un autre temps, un foyer de cheminée qui est le seul chauffage de la bâtisse et un lit deux places dans un coin ; sans oublier une salle de douche avec le strict minimum. En sortant du cabanon, la vue est juste splendide. Le lac est à dix mètres à peine et un petit chemin mène jusqu'au ponton où est amarrée une barque que j'ai restaurée l'an dernier. Le tout est entouré de forêt, invisible depuis la route et perdu au milieu de nulle part. En somme : le paradis pour qui cherche à s'exiler, à quitter la civilisation pour faire le point sur sa vie pourrie.
Lorsque je rentre dans le cabanon, je range mon matériel dans le placard et me prépare un café. Il y a quelques années, ce sont les bières que j'aurais bues les unes après les autres pour m'anesthésier de tout ce trop-plein d'émotions mais j'ai grandement diminué ma consommation d'alcool depuis. Et comme d'habitude, mes pensées se dirigent vers ma petite brune préférée. Notre histoire est quelque peu similaire. Un père alcoolique pour elle, une mère pour moi. Son angoisse dès qu'un de ses proches boit un peu trop souvent, sa peur viscérale de revivre les mêmes galères en voyant plonger quelqu'un qu'elle aime et mon besoin de la rassurer à ce sujet qui m'a poussé à limiter ma consommation.
Je suis sorti de mes pensées par quelques coups donnés sur la porte de la cabane. Personne ne sait où je suis. Personne ne connaît ce lieu hormis mon père. Enfin, Léana le connaissait avant de perdre la mémoire. Elle est venue me chercher ici une fois, alors que j'avais besoin de m'exiler. Finalement, en la voyant débouler dans ma cachette, je me suis rendu compte que j'avais davantage besoin d'elle que de solitude. Mais ça c'est du passé, c'est oublié pour elle et douloureux pour moi. Il ne peut donc s'agir que de mon père et je n'ai aucune envie de le voir. Je ne suis pas quelqu'un de violent, mais je jure que je pourrais le frapper si je l'avais en face de moi là maintenant.
- Matt... Je sais que tu es là, j'ai vu ta moto derrière le cabanon. Ouvre-moi s'il te plait. Je ne t'embêterai pas longtemps mais je m'inquiète pour toi. Est-ce que tu vas bien Cow-boy ?
Alors elle se souvient ? Comment a-t-elle pu se souvenir de ce lieu ? Elle a vraiment fait quatre heures de route pour me retrouver ? Je passe une main tremblante dans mes cheveux et enfile un tee-shirt. Lorsque j'ouvre la porte, je découvre une Léana aux yeux rougis. Je fronce les sourcils alors qu'elle soupire.
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Reviens-nous [Terminé]
RomansaMatthew est pompier, Léana est médecin urgentiste. Ils bossent ensemble, ils sont colocataires et amis. Quand tout bascule et qu'ils deviennent amants, Matt se dit qu'enfin la chance lui sourit avec une femme. Et quelle femme ! Ce n'était pourtant p...