La traversée

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Après environ un quart d'heure de débats et de négociation, un emploi du temps raisonnable fut fixé pour Gwendoline:

7 heure: Lever. Conny qui se réveillait très tôt par habitude, avait pour mission de traîner sa camarade de chambre hors du lit. Après quoi, les deux jeunes filles se coiffaient mutuellement,  s'habillaient, et faisaient leurs toilettes.

7 heures 30: Gwendoline devait retrouver Hortense à la salle à manger du Damas aux environ de sept heures et demi, où elle prenait toutes les deux leurs petits-déjeuners, constitué généralement d'un peu de thé et de quelques tranches de pain beurrées.

8 heures: Gwendoline venait dans la cabine d'Hortense, assez grande et bien meublée avec même une petite bibliothèque, et pendant deux heures et demi, Hortense lui apprenait l'histoire et la géographie. Si les cours de Quignon se résumait à celle-ci lui récitant bêtement les leçons des livres mot pour mot, Hortense avait l'art de rendre la leçon vivante, imitant les grands personnages dont elle parlait, se déguisant même parfois, mettant même des mèches de cheveux sur son visage pour imiter des personnages à barbes, faisant de grands gestes, règle à la main pour imiter les généraux et les rois brandissants leurs épées. Gwendoline en apprenait plus durant son voyage qu'elle n'avait apprit durant toute sa vie. Sa tante lui avait dit, lors de l'une de leurs première séance d'enseignement une phrase de Platon qu'elle aurait aimé faire rentrer dans la tête de Quignon: « On en apprend plus sur quelqu'un en une heure de jeu qu'en une année de discussion »

10 heures 30: jusqu'à midi, Hortense apprenait à Gwendoline la partie technique du métier d'archéologue. Ses leçons se déroulait principalement sur le pont où dans le bureau du capitaine, où elle apprenait à calculer sa trajectoire en s'aidant des étoiles, ou utilisant les divers instruments de navigation ou d'exploration. C'est ainsi que Gwendoline apprit à utiliser une boussole, à régler une longue-vue, à se repérer sur une carte au moyen d'un compas. Le capitaine l'aidait également à apprendre le fonctionnement des moteurs et lui transmit quelques tactiques personnel pour piloter le navire. Gwendoline eut même le droit, une fois de prendre la barre, quoiqu'en raison du calme et de l'étendue de la mer, il n'y eut pas vraiment d'enjeu.

midi: Quand les leçons du matin avaient prit fin, Hortense donnait à sa nièce un sandwich et un Thermos de café et celle-ci rejoignait sa bande d'amis du Damas, c'est à dire Conny, et d'autres enfants de leur âge, principalement des jeunes machinistes, ou des aide-cuisiniers. Il se réunissaient généralement à la proue du navire, où ils mangeait et discutaient, assis sur des caisses de matériel, ou accoudés aux rampes. La bande avait rapidement adopté pour Gwendoline le surnom de Blanchette, comme elle avait adopté pour Conny le surnom de Coco.

Après quoi, elle avait quartier libre jusqu'à cinq heure de l'après-midi, et ce temps, elle le passait à papoter avec le capitaine ou la bande des jeunots du navire. Elle écoutait leurs histoires, souvent des anecdotes de type: « Juré craché, j'ai déjà vu un orque » ou « j'ai déjà survécu à un naufrage ». Comme elle entendait souvent ce genre de phrase durant des sortes de concours d'ego, elle doutait fortement de leur authenticités, mais elle écoutait. Cependant, ses histoires à elle intéressaient tout le monde. Gwendoline avait grandi dans un milieu totalement différent de celui de ses camarades, et quand elle racontait une chose totalement banale à ses yeux, comme le fait que sa famille possédait une calèche et deux juments de race, cela semblait aux yeux des autres être l'Eldorado, cela servit également à la fillette à réaliser à quel point elle avait été élevée dans des dentelles.

5 heures: la fillette prenait le thé dans la salle commune du Damas avec sa tante, cette dernière l'interrogeait sur ce qu'elle avait apprit durant les leçons du matin afin de s'assurer que Gwendoline avait bien tout retenu, assez captivée par les prestations éducatives de sa tante pour s'en rappeler, la fillette avait bon à la plus grande partie des questions. Si elle répondait mal, elle devait lire un chapitre de livre sur le sujet qu'elle ne maîtrisait pas. Après quoi, elle avait encore du temps libre jusqu'au dîner, qu'elle passait à regarder la mer ou à jouer à chat sur le pont avec Conny.

Le dîner était généralement servi à 21 heures 30, le menu était assez classique, c'est-à-dire que ce qui était servi était de la nourriture typique d'Angleterre, mais plus l'Égypte était proche, plus elle se faisait différente,  plus épicée, et les légumes que l'on servait devenait totalement inconnus à Gwendoline, certaines fois, elle douta même du fait que ce qu'il y avait dans son assiette était des légumes.

Après le dîner, elle rejoignait Conny dans la cabine, et les deux s'endormaient.

Ce mode de vie était devenu la routine de Gwendoline qui se sentait tellement à l'aise à bord du Damas, qu'elle avait parfois l'impression d'avoir passé toute sa vie sur un bateau. Le seul inconvénient était par moment Quignon-de-Champignon, qui pourrissait l'ambiance de ses remarques désagréables. 

« J'ai le mal de mer! L'Afrique et sa chaleur, ça ne va pas être bon pour mes rouages! Si j'avait ce Isambard Brunel en face de moi, je lui passerais bien l'envie de se lancer dans l'architecture des navires! Ne reste pas dehors, avec tes yeux et ta peau sensibles, tu vas attraper des coups de soleil, après quoi, tu ne pourra pas aller pleurnicher en disant que je ne t'avais pas prévenu, jeune fille! »

Gwendoline en avait tellement marre, que parfois, elle s'étonnait de pouvoir se retenir de jeter Quignon par dessus bord. Malgré ça, elle se débarrassait généralement de sa gouvernante-miniature en la confiant à Conny et en lui disant qu'elle pouvait exercer ses talents de couturière sur sa poupée, à la grande joie de son amie, ce qui faisait que chaque soir, Gwendoline retrouvait Quignon avec une robe différente, généralement assez jolie.

Ce quotidien tranquille et joyeux dura deux mois, durant lesquels Gwendoline pensait chaque soir à son père, sa mère et son frère. 

Un soir, Conny eut les instructions par Hortense de s'habiller,  de se coiffer, et d'aider Gwendoline à faire de même. Les deux camarades se présentèrent donc dans la salle commune, joliment parées, Gwendoline d'une robe bleue pâle, ses cheveux blancs rassemblés dans un chignon bas tenu par une broche de perles empruntée à Hortense. Conny, elle, avait une robe rouge et grise, et s'était tressée ses longs cheveux bruns. 

La salle commune avait été décorée, deux tables recouvertes d'une nappe blanche recouvertes de petits biscuit ou de petits fours avaient été disposées de part et d'autre de la pièce, un gramophone installé sur l'une d'elle diffusait une agréable musique. Les passagers étaient presque tous là, y compris les jeunes employés du Damas, tous bien habillés. 

Gwendoline prit cela pour une fête typique des marins, ou l'anniversaire du capitaine, ou bien quelque chose de ce genre. La fillette profita tout de même de cette petite célébration, tantôt picorant au buffet, tantôt papotant avec les membres de l'équipage. Elle se permit même de goûter un verre d'alcool, durant une partie d'un jeu typique des jeunes ouvriers appelé « cap ou pas cap » avec ses amis, verre qu'elle avala avec peine, l'impression d'avoir bu du fiel.

Après cette petite fête, vers minuit, Gwendoline et Conny allèrent se coucher. 

Comme souvent, Gwendoline pensa longuement à sa famille, se demandant si son frère était au courant qu'elle avait fugué, ou si sa mère s'inquiétait. Mais en raison de l'alcool qui lui avait infligé un mal de tête atroce, elle mit plus de temps à trouver le sommeil, de plus, Conny s'étant endormie, Gwendoline ne pouvait pas discuter un peu avec elle. Elle resta éveillée jusqu'à trois heures du matin, ou elle réussit enfin à fermer l'œil de la nuit.

Elle fut réveillé par des cris venant du couloir.

« TERRE! »



La lignée des archéologuesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant