Mara venait de terminer son petit déjeuner. Il était convenu qu'il s'occuperait d'aller vérifier les réacteurs, ce jour-là. Il s'était donc préparé à sortir. De tout son métier de pilote, cette partie était incontestablement la plus dangereuse. Il devait sortir par le sas de la salle des machines avec ses outils, en étant accroché par une épaisse corde, et aller vérifier manuellement l'hélice. Il n'était pas du genre à avoir peur, mais il appréhendait ce jour durant tout le mois. Il avait toujours peur que la corde ne cède et qu'il de retrouve dans le vide, ou simplement de manquer d'oxygène, ou encore de se faire broyer par une hélice. Malgré ses airs d' « homme fort », il n'en restait pas moins un être humain, avec ses craintes et ses faiblesses.
D'un pas assez lent, il se dirigea donc vers la salle des machines.
« Mahro? »
Rocky venait d'apparaître dans le couloir.
« Mahro, reprit-Elle, je suis inquiète au sujet de Gwendoline, elle n'est pas venu au petit-déjeuner, je crains que nous l'ayons sévèrement vexé hier, tu ne l'aurais pas vu, par hasard?
-Désolé, Rocky, répondit-il, je n'ai pas vu la petite Rowerscream, ce matin.
-Ho, j'espérais, enfin bref, tu as du travail, je ne te dérange pas plus longtemps, bonne chance! »
Sur ce, elle s'éloigna tandis que Mara entrait avec appréhension dans la salle des machinés.
Cette endroit l'avait toujours fasciné par sa technologie incroyable. Plusieurs énormes chaudières-six au total-tournaient toute la journée pour permettre aux deux hélices du zeppelin de tourner et pour maintenir le ballon en l'air. La fonction principale de Mara consistait à les maintenir allumé, quelquefois avec l'aide d'Edith, qui avait l'habitude du travail physique.
Après avoir s'être au préalable muni d'une sacoche contenant les outils dont il pourrait avoir besoin, il se dirigea vers l'échelle menant au sas. La boule au ventre qui se développait en lui au fur et à mesure qu'il se rapprochait de cette épreuve ne cessait de lui dire de faire Demi-tour.
Mais il ne voulait pas manquer à ses fonctions. Il ne voulait pas perdre la face devant les gens si extraordinaires qu'étaient les trois sages. Il ne voulait pas décevoir Edith, cette femme qu'il avait tant aidé, et qui avait lui avait rendu mille fois la pareille.
« Tout se passera bien, se répétait-il, tu vas simplement sortir, vérifier les hélices, puis rentrer, tout se passera bien... »
En montant l'échelle, menant à la lucarne de sortie, il se rendit compte que le loquet de la trappe n'était pas bien verrouillé.
« J'ai du oublier de bien le refermer, la dernière fois, pensa-t-il. »
Même si le zeppelin était suffisamment bas en altitude pour que l'oxygène soit plutôt suffisant, il semblait oublier, sans doute sous le joug de l'angoisse, que laisser ainsi cette trappe ouverte, combien même seulement une journée était complètement imprudent, voire dangereux. Sans toutefois prêter quelconque attention à ce détail plus longtemps, il sortit, essayant de toute sa force de garder son sang froid face à la bourrasque glacée qui lui frappa le visage dés que celui-ci eut émergé du zeppelin. Alors qu'il émergea tout entier du sas, le vent lui infligea un rapide soubresaut au cœur. Ces sensations, Mara y était habitué, il les avaient ressenti un bon nombre de fois. Mais il était toujours aussi démuni qu'un enfant à chaque fois que les premiers effets du ciel le prenaient, dans ces moments, il n'avait qu'une envie: faire demi tour, redescendre l'échelle, et refermer cette maudite trappe.
Mais, comme tout être humain, il avait des obligation, et cette pénible tâche de maintenance était l'une d'entre elle, la plus pénible, certes, mais l'une d'entre elle. Et comme au reste de ses devoirs, il devait s'y plier. Il sortit enfin son corps entier du zeppelin. Les lunettes vissées sur son visage l'aidait à avoir une vision à peu près optimal des alentours. Lentement, il se redressa, se tenant toujours d'une main ferme à la corde, et toujours courbé sur lui-même, il partit vérifier un à un les réacteurs. Inutile de continuer à décrire cette tâche plus longtemps car seule son appréhension est à remarquer. Toujours est-il que cela lui prit une demi heure, durant laquelle il ne remarqua aucune anomalie au niveau des trois premiers réacteurs. Puis, quand vint le moment d'aller vérifier le dernier, il s'y rendit. À chaque inspection, il priait pour que rien ne pose problème, car la moindre anomalie, pour un engin qui, malgré sa prodigieuse capacité technologique n'était au final qu'un prototype, pouvait prendre plusieurs heures, voire plusieurs jours de réparation, et il n'avait certainement pas envie de s'éterniser au milieu des brises battantes du ciel.
Il s'approcha donc du réacteur et l'examina avec précision sous toutes ses coutures. Hélice, boulons, Attaches, cordages, tout était parfaitement en ordre. Après s'en être assuré trois fois, Mara poussa un soupir de soulagement...Il resta deux minutes, engourdi par le froid battant, puis, l'esprit légèrement apaisé, il se résolut enfin à rentrer.
« Ça fonctionne bien? »
Ces mots, ces simples mots faillirent provoquer au pilote une crise cardiaque. Il crut avoir mal entendu, pensant être victime d'illusions auditives dues au bourrasques, mais pourtant, il n'osa tourner la tête du côté de la destination du bruit. Il ferma les yeux, se concentrant sur la trajectoire qu'il devait effectuer pour revenir au sas. Puis, se pensant totalement remit de son hallucination, il tourna la tête vers le sas, et ouvrit les yeux.
Cette fois, il manqua de justesse de lâcher la corde.
Gwendoline était là. Assise sur la coque, ses cheveux blancs battus par les bourrasques. Elle n'avait ni lunette, ni harnais. Elle se tenait juste la, tenant ses genoux le plus naturellement du monde. Ses yeux, rougis par les violent souffles de vent ne semblaient refléter aucune peur, elle était juste là.
Mara voulut crier sous le coup de la panique. Mais si la gamine sursautait, elle pouvait glisser, et s'était bien la dernière chose imaginable.
« Que...Que fait tu ici, hoqueta le pilote qui peinait à récuperer son équilibre et son sang froid.
-Je ne suis pas un bébé, répondit Gwendoline en se redressant prudemment, sans toutefois manifester de peur, et vous n'êtes pas aussi mature que vous le dites.
-Re...Rentre IMMÉDIATEMENT! Hurla le pilote en se redressant péniblement. Ses halètements paniqués couvraient sa voix, mais Gwendoline parut l'entendre. La fillette ne dit rien, et se contenta de se tenir à la corde du pilote pour remonter jusqu'au sas, elle fit un seul faux pas, mais se redressant immédiatement sans glisser, elle continua sa route jusqu'à l'ouverture, ou le pilote la vit s'engouffrer.
Le temps de reprendre son sang froid et de chasser toutes les images de la fillette glissant et basculant dans le vide que son esprit avait cauchemardé, il mit vingts minutes à rassembler les forces nécessaires à la traversée des quelques mètres qui le séparait du sas. Quand enfin, il entra, brusquement arraché à la froideur des cieux pour la chaleur étouffante de la salle des machines. Il dégringola les quelques échelons et s'effondra sur le sol, haletant des images cauchemardesques et de sa peur du vide, qu'il avait eu pour, non pas un individu, mais deux, cette fois-là. Ce fut finalement Gwendoline, qui le sortit de sa torpeur. La fillette, qui avait elle aussi prit un peu de temps pour se remettre du changement brutal d'atmosphère, s'était relevé et avait exploré l'impressionnante salle des machines du regard, avant que ses yeux ne se posent sur le pilote, gisant par terre, à demi-inconscient. Elle se pencha simplement sur lui, et se retint de rire du rictus de terreur qui se dessinait sur ce visage caché à moitié par les épaisses lunettes. Cette fois, c'était sûr: ni Mara, ni aucun membre de l'équipage du zeppelin ne la considérerait comme une gamine. Les reproches, les sermons, elle les voyaient déjà pleuvoir, mais elle s'en fichait, ivre de l'orgueil que son acte périlleux lui avait donné, comme si elle venait de défier le monde entier, et qu'elle avait gagné. Lassé de la grimace du pilote, elle se redressa et sortit de la salle des machines, riant intérieurement de son acte.
Maintenant, Elle n'avait plus qu'à regagner sa chambre, et d'attendre que Mara ait reprit ses esprits.
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La lignée des archéologues
AdventureJ'aime pas les résumés. Si ça vous tente, lisez, et puis flûte! Dessins par moi