Vers Le Caire

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Gwendoline passa une nuit tranquille, sans qu'aucun remord ne vienne troubler son sommeil, tant elle avait évacué toute la culpabilité qui était en elle en écrivant à sa mère. Cependant, elle n'eut pas cette fois le privilège de se lever à l'heure de son choix, car Hortense la tira du lit, avant même que le soleil ne soit visible.

Gwendoline s'habilla nonchalamment, et sans vraiment regarder ce qu'elle mettait. D'habitude, le soleil de l'Afrique lui conférait toujours une énergie matinale surprenante, mais l'heure était si hâtive, que quand la fillette ouvrit la fenêtre de sa chambre, elle ne vit qu'un ciel nuancé de pourpre sombre, avec uniquement une forme rougeâtre à l'horizon que la fillette identifia comme l'astre du jour, encore bien bas dans le ciel. D'une démarche toujours aussi somnolente, elle suivit Hortense, qui a avait déjà fait transporter leurs bagages au point de rendez vous qu'elles avaient fixé avec les guides, à l'autre bout de la ville. Les deux femmes s'y rendirent en calèche, se qui laissa le temps à Gwendoline de mieux se réveiller.

La calèche arriva à destination en une heure moins le quart à peu près. En cet endroit de la ville, Alexandrie avait plus l'air d'un modeste village d'artisan que d'une grande cité maîtresse de son pays. Hortense descendit, suivit de près par sa nièce, après avoir payé le cocher, elle se dirigeât vers une petite maison ou, dans une enclos alentours, se tenait cinq chameaux, animaux encore méconnus de Gwendoline, scellés de tissus orientaux, tous semblants prêt  à partir. Elle toqua à la porte de bois, et trois hommes, dont un qui ne devait pas avoir plus de vingts ans, en sortirent. Hortense leur parla en Arabe, et l'un des guide, qui semblait être le porte-parole, lui répondit. Après une minute, que Gwendoline passa à essayer de deviner ce qu'il pouvait bien dire, les trois hommes se dirigèrent vers les chameaux, et firent signe aux deux femmes de les suivre, ce qu'elles firent. Malgré son poids, Hortense monta aisément sur l'un des chameaux, qui se tenait couché. Pendant ce temps, la fillette, qui se tenait, jusqu'à présent à l'écart des bêtes, s'approcha de l'un d'entre eux (couché également) sur un ordre de sa tante, et dévisagea l'animal, qui lui semblait un peu idiot, par son regard simplet. 

En tentant d'imiter sa tante, elle essaya de se hisser entre les bosses dorsales de la monture, mais les tissus de selles auxquels elle s'accrochait lui échappait des mains, et elle dut gigoter pour se rééquilibrer tant bien que mal. Elle réussit finalement à grimper quand l'un des guides vint l'aider. Après s'être stabilisée, sans grand succès, le dos de l'animal étant très inconfortable, elle sentit soudain que ce dernier bougeait, en effet, les cinq chameaux se relevaient un à un, les guides leurs en avaient donné l'ordre après avoir chargé les bagages de leurs clientes. 

Alors qu'elle s'accrochait à la bosse de devant de sa monture, elle lâcha un juron, avec l'impression que l'animal se moquait d'elle, ce dernier avait une cordelette accrochée au cou, dont l'autre extrémité était attaché à la queue du chameau qui le devançait dans le convoi, lui même était rattaché à son prédécesseur, et ainsi de suite. Le chameau de Gwendoline était le quatrième du convoi, et le meneur de cette file indienne était le plus vieux des guides. 


Le convoi partit donc vers le désert, en cette région aride il ne fallut pas bien longtemps avant qu'il ne quitte Alexandrie et les petits villages alentours définitivement, pour enfin traverser le désert. Le vaste et sauvage désert.

Gwendoline, qui avait été passionnée par les civilisations d'Egypte, ne l'était pas moins de ses étendues sauvages. Quand celles de l'Angleterre se résumaient, au mieux, à des bois envahi de promeneurs en tous genre, au pire à des rases campagnes bêtement vertes et sans intérêt, celles de l'Afrique montrait des vastes terres de sables doré, au dunes hautes comme des montagnes, un soleil étincelant de tous les feux de l'Eldorado illuminait cette terre resplendissante bénie de Rê. L'immensité sauvage fascinait la fillette, qui avait le sentiment que chaque grain de sable que comptait ce désert possédait plus de liberté qu'aucun être humain aurait plus en ressentir, même en une dizaine de vie. En Alexandrie, ce n'était pas la ville qu'elle avait trouvé belle, c'était ce sentiment de liberté flottant dans chaque rue, qu'elle retrouvait, mille fois plus ardent en ce lieu.

La selle inconfortable du chameau, la voix beuglante du premier guide, les sons émis par les montures...Tout cela, elle l'oubliait.


Cette routine agréable dura une semaine, durant lesquels Gwendoline apprit quelques notions d'arabe. Elle savait désormais parfaitement prononcer les mots « bonjour », « au revoir », » s'il-vous-plaît », et surtout « avance, sale bête », qu'elle entendait fréquemment de la bouche des guides, qui n'avait que ces mots pour faire marcher les montures récalcitrantes. 

Le matin, Gwendoline était réveillé à l'aube par sa tante, ou par les braillement de son chameau, qu'elle appelait « avance, sale bête », car en ayant entendu ses mots uniquement en Arabe, elle croyait que c'était le nom de cet animal, et non un juron pour le faire avancer. Bref, après son réveil, et ses préparatifs, elle enfourchait Avance-sale-bête, de mieux en mieux au fil des jours, et ce dernier se contentait simplement de se lever et de suivre le convoi quand les guide lui ordonnait. Après quoi, s'en suivait une longue marche de plusieurs heures, parfois sept de suite, sans même aucune pause, pourtant, Gwendoline ne s'ennuyait pas, et résistait plutôt bien à la soif, tant la vue du désert sauvage lui procurait satisfaction dans son cœur et dans son âme. Après quoi, les chameaux et leurs passagers atteignait le relais. L'itinéraire reliant les champs de fouille et Alexandrie étant fréquemment prit, plusieurs relais était aménagé pour éviter au voyageurs de s'exposer au danger de passer la nuit dehors, ce qui était, en plein cœur du désert, non seulement inconfortable, mais aussi dangereux. En effet, il arrivait parfois que Gwendoline aperçoive un cadavre ou un squelette humain ou animal, et cela lui rappelait instantanément que la vie était beaucoup moins longue qu'il n'y paraissait, et que pour prolonger celle de son père, elle se devait, au nom de toute sa famille, de le retrouver.

Les relais, donc n'était pas très confortables, mais d'après Hortense, « c'était une chance absolue de bénéficier de refuges au beau milieu d'un endroit comme celui-ci ». En général, Gwendoline profitait de la soirée pour retrouver le jeune guide à l'abreuvoir des bêtes pour discuter.

Bien sûr, il ne discutait pas vraiment, à cause de leur incapacité mutuelle à comprendre et à parler la langue de l'autre. Mais ils apprenaient. Par exemple, Gwendoline passait sa main sur l'encolure de l'un des animaux, et disait « chameau », en prenant le soin d'articuler bien fort. Le guide faisait de même en Arabe, mais n'osait pas contredire Gwendoline, quand elle appelait sa monture « Avance, sale bête », car il trouvait cela amusant, au point qu'il commença lui même à appelait aussi de la sorte.

Après un maigre dîner, les voyageurs allaient se coucher. Ce que la fillette faisait après avoir dit bonne nuit en Arabe aux guides, et ce, avec un assez mauvais accent.  Le jeune guide lui répondait en Anglais sans pour autant mieux le prononcer. « Bohon noui » disait-il.


Et puis un jour, durant la marche, l'un des guides s'adressa à Hortense, qui s'empressa de faire passer le message à sa nièce:

« Nous sommes arrivés. » 

La lignée des archéologuesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant