Les trois sages

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Après quelques minutes, le pilote ressortit de la tente des sages, avec des ordres bien précis à respecter: il devait amener aux sage l'individu à l'origine de la trouvaille. Il se rendit à l'endroit où la découverte de ce qui semblait être la cave aux trésor du pharaon Jeplindesou. Autour s'était formé un troupeau de scientifiques se bousculant pour étudier la découverte, une telle masse faisait douter que ce qui la provoquait était censé être des gentlemen. Mais le pilote ne s'arrêta pas à cette pitoyable démonstration de la bêtise humaine.

Jetant son cigare, il n'avait pas envie de se fatiguer à interroger un à un tout ceux qu'il ne voyait uniquement comme des charlatans et des illuminés.

« VOS GUEULES!! »

Sa voix puissante et brutal avait fait l'effet d'un rugissement de lion sur la foule, dont les brouhahas cessèrent immédiatement et dont tous les regards se tournèrent vers le pilote, qui se faisait remarquer aisément par sa carrure imposante ainsi que ses habits d'ouvrier couverts de suie jurant avec les élégantes redingotes noires que portaient les scientifiques.

«  LEQUEL DE TOUTE CETTE BANDE DE VIOCS ATTARDÉS EST CELUI QUI A DÉTERRÉ CETTE PUTAIN DE CAVE?! »reprit-il d'un ton encore moins cordial

Il y eut une seconde de silence, durant lequel seul la forte respiration du pilote fut audible, puis, d'un coup, les cris de la foule reprirent:

« MOI » criait l'un, « NON, MOI! » hurlait un autre, « NE L'ÉCOUTEZ PAS, C'EST MOI QUI L'AI DÉCOUVERT » S'égosillait un autre, chacun avait flairé l'opportunité d'une grande récompense de la part des trois sages, et s'il fallait juste mentir pour la rafler, chacun s'écriait qu'il était celui qui avait découvert le trésor, y compris le professeur Lamarck, qui faisait preuve de la même incivilité que celle qu'il avait reproché à Gwendoline. Au milieu de ce chaos, une grosse dame en venait même à insinuer que c'était sa nièce qui était à l'origine de la découverte.

« Ça va être long!» soupira le pilote, qui n'en pouvait déjà plus de ce tumulte.Jouant de sa force, il Traversa la foule avec brutalité pour s'agenouiller devant le trésor, tout en se disant qu'au point où il était, il devrait tirer au sort une personne et la désigner comme celui à l'origine de la trouvaille. Même si il n'avait pas vraiment de principes solennels autour de l'honnêteté et la vérité avant tout, cela lui pesait d'attribuer un si grand mérite à une personne désigné purement au hasard, tandis que celle qui méritait les honneurs n'aurait rien.

« MONSIEUR LE PILOTE, cria plus fort que les autres une voix enfantine. JE VIENS VOUS RENDRE VOTRE PELLE! » 

L'intéressé se releva, et constata que la foule entière s'était écarté de celle qui avait prononcé ces mots comme on s'éloignerait d'une bête sauvage prête à mordre. Elle  n'avait pourtant pas l'air méchante, mais plutôt étrange. C'était la petite fille que le pilote avait déjà aperçu à deux reprises, sa pelle dans les mains. Il lui reprit en la remerciant l'air complice. Cette fillette lui semblait bien moins plouc que toute la bande d'illuminés sans mérite qui s'appropriait depuis tout à l'heure les mérites de la découverte. Ignorant la foule, qui malgré sa prudente distance avec la fillette continuait à se faire entendre, il sentit quelque chose de spécial.

« Dis-moi, gamine, lui demanda-t-il, ça fait trois fois qu'j'te croise, c'est pas courant, un gosse dans un endroit pareil, c'est quoi ton ptit nom? »

Au lieu de répondre, la fillette sourit d'une façon rieuse et fière. De son doigt, elle pointa le toit de la cave extrait du sable. Le pilote regarda au sol, et écarquilla les yeux en voyant ces mots écrits à la craie de charbon: 

«moi, Gwendoline, 15 ans, ait découvert par hasard cette étrange cave, à 14h 56. »

L'heure écrite correspondait à seulement une minute de moins de celle à laquelle les scientifiques avaient commencé à affluer. Le pilote, remarqua sur le coup que la fillette portait dans son autre main un morceau de charbon.

« VOS GUEULES!!! » cria-t-il à tous les scientifiques dont les « moi, moi! » perpétuels n'avait pas cessé malgré la preuve évidente qu'aucun d'eux n'était celui que le pilote recherchait. Ce cri fit son effet, et la cacophonie cessa d'un seul coup.

« Viens, dit il en prenant Gwendoline par le bras, Les sages veulent te voir. »

Gwendoline le suivit un moment, mais s'arrêta tout net en saisissant le bras d'Hortense qui s'était avancé vers eux.

« C'était donc vraiment sa tante, pensa le pilote en reconnaissant Hortense comme la grosse dame, merde! »

« Tante Hortense, dit Gwendoline, tu vas venir avec moi?

-Non, Gwenie, répondit-elle, c'est toi qu'il demande, mais je ne serais pas loin, occupé à demander des comptes à ce menteur de Lamarck. »

Gwendoline lâcha le bras de sa tante, un sourire ricaneur à ses lèvres.

Le pilote la conduisit devant la tente et en souleva le pan pour laisser entrer Gwendoline. Celle-ci hésita, mais la seule pensée que ceux qui se trouvait à l'intérieur apporteraient des réponses à se questions la fit se décider, et elle entra.

La tente très spacieuse, ne serait-ce qu'en comparaison avec celle qui se trouvait aux alentour, était divisée en deux partie séparées par un épais rideau, dont une qui faisait en quelques sortes office de vestibule. Gwendoline respira un grand coup, tentant de se préparer à cette rencontre, s'imaginant trois vieux hommes dont les longues barbes blanches couvraient entièrement les visages creusés de rides, tous trois entrain d'étudier d'épais ouvrages, s'appuyant sur des cannes, employant un language scientifique et complexes..après environ dix secondes, Gwendoline s'avança d'un pas hésitant, tira le rideau, et pénétra dans la deuxième partie de la tante.

«ESPÈCE D'IMBÉCILE, C'EST TA FAUTE SI J'AI FOIRÉ CE CALCUL! SI T'AVAIS PAS ÉTÉ DISTRAIT PAR TON STUPIDE MOUSTIQUE, TU L'AURAI PAS OUBLIÉ, CETTE VIRGULE! »

Gwendoline se baissa d'un coup pour éviter un livre qui avait été lancé à travers la pièce. Elle se trouvait en face du plus curieux spectacle qu'elle n'ait jamais vu.

« C'est pas ma faute si j'arrive pas à me concentrer quand y'a un moustique dans la pièce! »

Un jeune homme, d'une trentaine d'années les cheveux noirs, l'air rieur, la redingote de travers, courait à travers la petite Bibliothèque aménagée dans cette deuxième partie de la tante, sautant sur les tables, bondissant, esquivant les ouvrages que lui jetait une femme, vociférant des insultes d'un ton mi-fâché, mi-amusé, élégamment vêtue d'une jolie robe rouge, les cheveux en bataille, dont la peau était étrangement foncée, comme celle de certains domestiques que Gwendoline avait vu chez des amis.

« Eh, bah t'a qu'à le corriger ton calcul! »

Au fond de la tente, en face d'un grand tableau noir, une petite femme esquivait tant bien que mal les livres qui arrivaient dans sa direction, elle était plutôt mignonne avec sa petite robe verte claire, son petit sourire ironique et ses longs cheveux brun-rosés.

Gwendoline n'osait réagir, c'était ça, les « trois sages »? Elle se frotta les yeux plusieurs fois, pensant rêver. Mais non, l'image de ces trois énergumènes restait limpide tel de l'eau de roche.

La femme à la peau foncée saisit l'homme par les poignets, tout deux se tordaient de rire.

« Et maintenant, tu vas voir ce qui arrive au sales petits ruineurs d'efforts dans ton genre! 

-Oh, mon Dieu, ce que j'ai p...GWENDOLINE!?

La fillette se raidit d'un coup sec en entendant être prononcé son nom par des inconnus. L'homme avait à présent ses yeux plongés dans ceux de la fillette qui se tenait raide somme un piquet, ne sachant quoi dire, ni quoi faire.

-Gwendoline? Reprit la femme à la peau foncée, bien essayé, Ulysse, mais il te faudra un mensonge moins dur à avaler pour me distr...

Elle s'arrêta tout net, fixant Gwendoline. Une surprise incomparable s'affichait désormais sur son visage. La fillette sentit aussi que la femme au fond de la tente la regardait avec la même stupeur. Tous les rires, toutes les insultes ironiques, tous les bruits, s'étaient étains d'un coup sec, et tous regardait la fillette comme s'ils avaient vu un revenant...



La lignée des archéologuesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant