16 : La dette du rat

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Parmi la petite centaine de bâtiments de La Bourgade, l'on comptait bien sûr l'hôtel de ville, trois tavernes dont deux servaient également d'auberges, une sorte de grande salle commune non loin de la mairie, des dizaines de boutiques d'artisans en tout genre, et un seul et unique hôpital - vers lequel Messire Misères menait les aventuriers.

Sur le chemin, Paulin nota tout de même l'absence totale de toute échoppe et de tout étal de marché présentant une quelconque nourriture. Pas le moindre boucher, boulanger, ni maraîcher d'aucune sorte. Pourtant, il avait bien vu, en arrivant, des moulins et des fermes aux alentours du village, sans compter les champs à perte de vue qui l'entouraient.
Il garda ses interrogations pour plus tard, alors que le Messire toquait à la porte du dispensaire ; une large et sombre bâtisse isolée et tout aussi tordue que les autres.

Un temps passa. Sélénie, impatiente, s'envola jouer avec un enfant qui empilait des cubes de bois non loin. Aliénor gardait toujours un œil sur le Messire, d'autant plus menaçant que, debout, celui-ci les dépassait chacun de presque trois pieds.

La porte fut finalement ouverte par un être presque aussi étrange que le Messire lui-même. Couvert d'un long manteau noir aux manches larges duquel jaillissait un plastron de dentelles blanches, celui-ci avait la décence de n'avoir que deux bras, et d'être d'une taille à peu près humaine.
Une sacoche pendait à son buste, sanglée à ses deux épaules. Une large fraise cernait son cou, et un chapeau du même diamètre couvrait une tête que la lumière ne pouvait atteindre. Des chaînettes d'argent reliaient les bords du chapeau et de la fraise, comme les barreaux tintants d'une cage.
Au centre de cette cage, tapie dans la pénombre du couvre-chef et de la collerette, deux petits yeux jaunes scintillaient d'une lueur étrange en guise de visage.
Enfin, il s'appuyait sur une sorte de grande crosse dont la courbure contenait une crécelle tournante.

« Messire, accueillit-il d'une voix de fausset. Quel bon vent vous amène ?

— Méturis, je vous présente sieur Paulin et dame Aliénor. Chers invités, permettez-moi de vous présenter Méturis, médecin et prestre de La Bourgade.

— Prestre ? reprit Paulin, ne connaissant pas ce terme.

— C'est ainsi que se nomment les prêtres du Véritable Premier, se présenta le dénommé Méturis. En quoi puis-je vous être utile ? Je vois que vous avez été blessé récemment...

Le prestre glissa, parfaitement perpendiculaire au sol. S'il cachait des jambes sous son long manteau, sa marche laissait croire tout le contraire.
Il s'empara du bras amoché de Paulin et examina les blessures de la bataille.
— Ah, mais ce n'est pas bon du tout ! Tout ceci va s'infecter ! Dimittam ei usque septies ! psalmodia-t-il en croisant ses deux bras.
Puis il sortit bandages et baumes de sa sacoche et s'affaira à soigner les balafres du soldat.

— C'est très agréable à vous de le soigner, l'en remercia le Messire.
Nonobstant ce, ces deux jeunes gens vous requièrent pour une mission toute autre : ils souhaiteraient négocier avec les rats. Ils sont en quête d'un temple en Ysgrith, sans toutefois avoir la moindre idée de sa localisation précise.

Le Messire expliqua en des termes plus alambiqués que nécessaire de quoi il en retournait, parfois repris cependant par une Aliénor encore vigilante.

— Maintenant ? demanda le prestre quand les deux eurent fini leur exposition.

— Dès lors que cela vous sera rendu possible.

Méturis acheva le pansement, sembla le bénir à mi-voix en le caressant de la paume, puis hocha la tête, indiquant qu'il avait fini.
— Merci, souffla Paulin.

— Remerciez le Véritable Premier, jeune homme. Lungit manus meas. Artes meas ministrae sunt ejus.

— Je vous confie à ses bons soins, indiqua le Messire aux deux humains en posant deux de ses gants sur leurs épaules. Bon courage face aux surmulots, et laissez Meturis parlementer. »

Ainsi qu'il fut ÉcritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant