34 : Fort Solitude

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Un simple et unique huis muni d'un hublot en barreaux menait, depuis la cour externe du bastion, à l'intérieur de la forteresse.
À la fois du fait d'un cruel manque d'alternatives ainsi que pour accomplir leur quête, le groupe s'engouffra dans les entrailles du tristement célèbre Fort Solitude.

À travers le couloir, éclairés par la faible lueur de la torche précaire que tendait Aliénor, se révélaient des indices sur le probable passé de bagne de l'endroit. De part et d'autre du corridor abandonné avaient été bâties des cellules étroites, vides depuis au moins un siècle. Quelques débris de cruches brisées parsemaient le sol des geôles, sous lesquelles se réfugièrent les cafards apeurés par la lumière des flammes.

Ils et elles arrivèrent enfin au bout de ce couloir maudit. Une porte de bois, à l'instar de l'huis d'entrée et de la herse, avait été laissée ouverte. Paulin la poussa prudemment, l'épée à la main et attentif aux moindres ombres furtives - qui, bien souvent, n'étaient dues qu'aux vacillements de la flamme.
Les ténèbres semblaient pratiquement insondables. Le sol de pierres grises ne se distinguait plus à partir d'une toise de distance, mais les flammes se reflétaient faiblement dans des objets métalliques au delà de cette limite.

« Sélénie ? demanda le prestre. Voyez-vous quoi que ce soit ?

— Si vous pouviez éclairer plus... répliqua la fée en quittant sa loge de fraise et de feutre pour explorer en aveugle les ombres fuyantes.
Je vois des tables et... des chaînes, je crois. Il y a des torches aux murs, aussi. » indiqua-t-elle en longeant les bords de la salle.
Sa peau scintillait de quelques paillettes turquoise dans le noir absolu.

Aliénor chercha puis alluma deux torches aux alentours de la porte, dont Paulin et Méturis s'emparèrent pour poursuivre l'éclairage de la salle. La vérité se révéla petit à petit, flambeau après flambeau.
Si la salle précédente était une geôle, celle-ci était sans conteste une salle de torture. Sur les tables qu'avait distingué Sélénie étaient incrustées des sangles et des bracelets de métal, et posées des tenailles et des scies de toutes tailles.
Contre les murs reposaient, pèle-mêle, un chevalet, une roue, une vierge de fer, et d'autres outils parfois encore tachés du sang séché de leurs dernières victimes.

Enfin, au centre de la salle pendait une cage ovoïde aux barreaux barbelés, tenue au dessus d'un puits par une des nombreuses chaînes maintenues au plafond par une poulie rouillée. Un cadavre habitait la cage, pourri et momifié par un siècle de torture. Son visage aux traits desséchés paraissait hurler une plainte sourde depuis une éternité.
Paulin détourna le regard, préférant chercher avec Sélénie une porte ou un quelconque moyen d'échapper à cette pièce dans laquelle il croyait entendre dans le silence les hurlements éteints des anciens suppliciés.

Méturis tira la cage à lui à l'aide de son bâton, et examina le corps à la lumière de sa torche, avec la même passion que celui qui admire une toile de maître. Posant sa torche sur le côté, il se mit à tâter du bout des doigts les blessures de la momie.
Peut-être serait-il allé jusqu'à l'autopsier sur l'une des tables de torture si Paulin n'avait pas indiqué au groupe la présence d'un escalier sombre dans un des coins de la salle, menant aux étages supérieurs. Équipés de leurs torches respectives, ils et elles s'aventurèrent donc plus haut dans la Solitude.

L'escalier déboucha sur un très large couloir cylindrique. Assez espacé, en vérité, pour qu'une créature de la taille d'un Dragon puisse le pratiquer sans encombre. De nombreuses traces de griffes et de pattes tranchantes se devinaient d'ailleurs dans la pénombre. Ils et elles étaient donc sur la bonne voie pour trouver le Dernier.

« À partir de maintenant, conseilla Aliénor, tâchons d'être les plus discrets possible. Le Dernier a sans doute remarqué la perte de son phobogène gardien ; il sait donc que nous sommes ici, et pourrait jaillir à n'importe quel instant.

Ainsi qu'il fut ÉcritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant