53 : Le combat final, partie 1

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Tous avaient bien dormi. Aussi bien, du moins, que ne le pouvaient ceux qui devaient affronter des Dragons le lendemain.

Un pain bon marché tapissant leurs estomac, ils et elles s'étaient élancés dès l'aube dans le tunnel des rats, vers la légendaire Cité-Mort.
Croisant pour la dernière fois le trône du rat, inoccupé, Paulin et Aliénor s'emparèrent des torches qui le décoraient. Celles-ci étaient encore allumées.

Une longue heure de marche dans la pénombre et la salissure les attendait. Nul ne prononça le moindre mot, aucune parole ne pouvant sonner juste dans une telle situation.

Sélénie avait retrouvé refuge dans la loge que formaient la fraise et le chapeau de Méturis, et tournait son couteau en dent de vouivre dans ses mains. Elle pensait aux enfants de La Bourgade, principalement. Leurs noms, leurs jeux, et leurs sourires. C'était pour eux qu'elle se battrait.

Le regard du prestre lui-même se perdait dans le vide, le tintement de son bâton contre le sol poisseux rythmant la marche du groupe. De temps à autre, la crécelle crépitait d'être trop agitée, une dent de vouivre y étant accrochée parmi d'autres gri-gris. Nul ne pouvait l'entendre psalmodier, mais ses prières n'étaient pas pour lui. Il implorait Primum Ipsa de prendre soin de ses compagnons.

Aliénor marchait, tête haute, buste droit, ravivant en elle la colère dont elle avait besoin pour avancer. Dans son dos, sa hache n'attendait que d'être plantée dans un garde d'Ovilath ou dans la chair d'un Dragon. Autour de son cou pendait encore le collier que lui avait offert Paulin. Et, bien qu'elle voulut penser à la vie d'après, elle s'y interdit formellement. Ses attentes seraient forcément, d'une manière ou d'une autre, trahies ou déçues. Seul comptait aujourd'hui.

Paulin, enfin, pensait. À cette prophétie, qui l'avait choisi lui. À ce monde dont il savait si peu, il y a si peu de temps. À l'avenir des peuples et des gens qu'il avait croisé.
À sa mère et à sa sœur, dont il espérait faire la fierté. Peut-être était-ce vrai, après tout : peut-être étaient elles là, auprès de lui, l'accompagnant dans l'épée. Le présent du Messire les protégeait alors, dans ses filigranes d'argent où s'incrustait une dent de vouivre.

Bientôt, la lumière fut aperçue au bout du tunnel. Leur voyage, comme tous, devait toucher à sa fin. Les enfants de la Brèche allaient être anéantis, et celle-ci refermée pour toujours.
C'était tout ce qu'il y avait à espérer.

Ils et elles sortirent enfin de l'ombre, et durent attendre un temps pour s'habituer à la lumière revenue.

La première chose que leurs yeux éblouis purent distinguer fut la tour d'Ovilath. Tel un rayon de magie noire bâtie en une merveille d'architecture et perçant les cieux, la tour les dominait de ses plusieurs centaines de toises de haut. Mais elle était si proche, à présent. Si... accessible.

Leurs regards purent ensuite étudier les alentours. Le tunnel débouchait sur une sorte de grande place, sans sortie, dont la forme circulaire rappelait celle d'une arène.
Ce ne fut pas le seul élément du bâtiment qui marqua, cependant : les piliers de marbre blanc, ainsi que les gravures en bas-relief des façades, étaient les même que ceux des temples des Dragons Anciens.
La taille différait, cependant : si les temples de Carmin, d'Ysgrith et de Solitude mesuraient une dizaine de toise de diamètre, celui-ci dépassait aisément la cinquantaine de toises de rayon, et était à ciel ouvert.
Les bas-reliefs des murs, qui dominaient les héros de leurs cinq toises de haut, représentaient toutes une foule réunie pour vénérer un Dieu, sans doute le Dragon Ancien à qui ce temple-ci était dédié. À ceci près que la divinité était dotée de grandes ailes de papillon.

Les quatre héros étaient entrés dans l'enceinte du temple, et en admiraient la grandeur et la splendeur quand un éboulement se fit entendre et ébranla le sol.
Tous se retournèrent, et constatèrent que la seule sortie, soit le tunnel d'où ils et elles venaient, venait de se refermer.

Ainsi qu'il fut ÉcritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant