Éline

35 4 0
                                    

« C'est sacré, un amour d'enfance, rien ne peut vous l'enlever. ça reste là, ancré au fond de vous. Qu'un souvenir le libère, et il remonte à la surface, même avec les ailes brisées.»

Marc Lévy


Le lendemain.

Une journée de plus se présentait à moi tel un nouveau combat à mener. Lucie et les enfants avaient quitté la maison depuis presque une heure. J'étais à nouveau seul avec le moral dans les chaussettes.

Cependant, je sentais une force au fond de moi qui me demandait d'aller de l'avant. Les antidépresseurs commençaient peut-être à faire effet. J'avais décidé de commencer mon travail de guérison. Je repensais à mon rendez-vous avec la psychologue. Je pris alors un carnet de note et un stylo.

Bon, il faut écrire sur trois choses que tu veux changer dans ta vie. Par quoi je commence ? Le tabac, l'alcool ou la dépression ?

Je choisis de commencer par écrire sur la dépression car c'est elle qui me tirait vers le bas, encore et encore. Il me fallut du temps avant de commencer. J'essayais de trouver des réponses au plus profond de moi-même. Puis les mots se mirent à couler au rythme de mes pensées.

À toi ma dépression, à toi ma maladie,

J'ai encore du mal à te comprendre, j'ai pourtant l'impression de te connaître depuis longtemps. Je sais que tu marches à mes côtés depuis plusieurs années mais ce n'est que récemment que j'ai appris ton nom. Ce nom qui pourrait ébranler le plus puissant des hommes car ta force imprévisible sait toucher les faiblesses les plus intimes. Ma dépression, toi qui es capable par ta seule volonté de m'éloigner de ceux que j'aime, de me priver de mes plaisirs, de m'enlever jusqu'à mon envie de vivre.

Malgré tes formes aussi différentes que les nombreuses âmes qui te connaissent, si je devais, moi, te définir, tu serais cette fille. Pas n'importe quelle fille, la toute première que j'ai aimé : mon amour d'enfance. Comme elle, tu me fais vivre l'enfer mais je ne peux me détacher de toi.

J'ai l'impression d'être encore cet enfant toujours angoissé à la seule idée de te parler. Je scrute, j'observe et je juge tous mes faits et gestes. J'angoisse à l'idée de te déplaire. Je culpabilise pour tout ce que je fais car je sais que rien ne saurait attirer ton attention sur le pauvre être sans intérêt que je suis.

Tu es une belle dame fascinante et mystérieuse. La plupart des gens ignorent jusqu'à ton existence, mais moi je te connais. Si les autres te jugent, pour ma part je te comprends car tu fais partie de moi, même si j'aurais préféré mourir plutôt que de croiser ta route.

À tes côtés, je ne me reconnais plus. Tu fais naître en moi ma part d'ombre qui détruit ce que j'ai passé une vie à construire. J'ai tellement peur de te décevoir que je me plie à ta vision du monde, aussi sombre soit elle.

À toi ma dépression, à toi mon amour d'enfance, je me souviens avoir était heureux avant de te connaître. Je me souviens de mes joies et de mes rêves. Pourtant, aujourd'hui, tu marches à mes côtés constamment sans même me remarquer. Ou peut-être fais-tu juste semblant de ne pas me voir ? Cela me fait souffrir et l'innocence de mon enfance a laissé la place à la tristesse d'une fin de vie.

Tu obnubiles mon esprit, de jour comme de nuit. Je rêve souvent de toi. Pourtant, je ne rêve plus beaucoup depuis que je t'ai rencontré. Je suis trop occupé à penser à toi pour simplement dormir. Je t'en supplie, laisse-moi seulement un peu de répit. Tu m'obsèdes, je te déteste et je t'aime.

Je pense et je repense à toi, mon amour d'enfance. Est-ce moi qui ne te mérite pas ou l'inverse ? Lequel de nous pourrait vivre sans l'autre ? Sais-tu au moins que j'existe ? Moi, en tout cas, je n'existe que pour toi. Alors comment faire pour aimer la vie sans toi ? Je ne ressens plus aucun plaisir car mon seul plaisir est d'être avec toi.

Mes trois meilleures amiesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant