Chapitre 2

936 104 67
                                    

Le danseur d'après.

Le premier danseur à entrer sur scène fut une danseuse. Yoongi en conclu que ce n'était pas d'elle que parlait le jeune chorégraphe. Il était incapable de dire si elle dansait bien ou non, il lui semblait qu'elle suivait la musique en tout cas.

Il avait omis de demander à Jin qui avait fait la musique de ce spectacle. Il savait simplement qu'il n'avait pu y avoir d'orchestre et que tout était donc diffusé sur une bande son. Yoongi espérait pour son ami que le système de diffusion audio n'était pas en trop mauvais état... si on en croyait l'état global de la salle il y aurait au moins un incident.

D'autres danseurs entrèrent. Comme prévu Jin était très concentré, ne retenant pas vraiment ses expressions faciales ou ses murmures de mécontentements quand les danseurs avaient le malheur d'avoir un millième de seconde d'avance ou de retard. Yoongi ne le remarquait même pas. Comme cela a déjà été souligné, il n'avait pas d'affinité particulière avec la danse. D'ailleurs Jin devait être le seul à le remarquer.

Il y avait une douzaine de danseurs sur scène. Yoongi n'avait encore rien perçu de spécial. Seulement des corps qui se mouvaient sur la musique avec une certaine rythmique. Il percevait la recherche de leurs mouvements mais pouvait-il dire qu'il aimait ça ? Oui, ce n'était pas désagréable mais de là à lui faire aimer la danse... Il avait vu mieux, une fois dans sa vie, une fois dans sa vie il avait peut-être aimé la danse.

Y avait-il une histoire ? Il pensait que oui... Pour lui toutes les œuvres racontent une histoire, explicite ou non, mais il faut chercher, imaginer ce qu'il peut y avoir derrière, ou retrouver sa propre histoire dedans. La musique et la poésie permettent cela.

Yoongi n'avait pas compris encore que la danse était plus charnelle, tant pour le danseur que pour le spectateur. Si la poésie, et la musique aussi, pouvaient se vivre intellectuellement ; c'était dans sa peau qu'on ressentait la danse. L'esthétique était visuelle avant d'être intellectuelle – comme elle était primairement sonore en musique, mais Yoongi n'avait jamais pris la peine de faire le parallèle.

Il entra, celui qui allait aiguiser sa vue. Il le sut d'abord parce qu'à ses cotés Jin avait cessé de gesticuler, il s'était mis à respirer calmement, il avait presque fermé les yeux.

Mais il aurait très bien pu s'en rendre compte par lui-même cette fois-ci. Trois pas. Seulement trois jusqu'à présent et pourtant il le voyait, alors qu'il n'avait pas vu les autres. Ou alors c'est qu'il les avait mal regardés ? Mais non, ça ne venait pas de lui, il se donnait – un don dans tout ce qu'il a de plus noble, pas même un instant intéressé par un retour quelconque. Ce n'était pas tant la beauté – pourtant exquise – de ce danseur que Yoongi voyait, mais c'était un être pur, libéré de toutes chaînes, rayonnant, resplendissant par sa simple présence.

Yoongi ne put le quitter des yeux, il devait avoir la bouche grande ouverte, mais c'était le moindre de ses soucis. C'était comme s'il venait de voir la vérité en personne. Il avait l'impression de n'avoir besoin de rien d'autre que de voir ce corps se mouvoir devant ses yeux grands ouverts. Il glissait, il flottait, il était léger ; on aurait pu penser qu'il y avait toujours un espace entre ses fins pieds nus et les planches de la scène.

Scène qu'il quitta beaucoup trop vite. Yoongi n'avait pas eu le temps d'examiner ce qu'il venait de se passer. C'était une première pour lui, de vivre quelque chose sans en prendre note dans son esprit... Il n'avait pas été capable d'en retirer une analyse et il ne restait à présent plus que le souffle de cet ange de blanc vêtu dans l'air de la salle, et des ombres blanches qui se mouvaient derrière les paupières de notre musicien. Il avait été évanescent et ce qu'il avait donné puis immédiatement repris commençait déjà à creuser un vide, un manque en Yoongi.

À partir de cet instant il guetta la moindre de ses apparitions. Dès que le personnage disparaissait le vide se creusait de plus belle en Yoongi, quelque part entre son thorax et son abdomen. C'était un manque charnel.

Il revint encore une dernière fois. Il était couvert d'un draps immense que d'autres danseurs tenaient tendu au-dessus de lui, le cachant presque entièrement aux spectateurs, mais Yoongi savait que c'était lui. Pourtant lorsqu'il s'extirpa de ce voile étouffant il n'était plus le même et, durant cette dernière scène Yoongi prit conscience de réalités jusque là cachées.

C'était un personnage transformé qui s'offrait aux yeux des spectateurs une dernière fois. Et pourtant c'était le même, mais il semblait être redevenu humain, trop humain. Ce que Yoongi nota presque immédiatement ce fut l'étrange paradoxe entre la lourdeur qui semblait le clouer au sol et ce corps si fin dont il apercevait maintenant les moindres détails sous le pantalon de tissu blanc et sur les épaules dénudées. Des chevilles si petites et si fines qu'il se demandait comment elles pouvaient résister à un tel poids, des cuisses où se dessinaient des muscles fins à travers le tissus serré et une nuque d'une finesse presque féminine qui se perdait dans des cheveux blonds cendrés.

Le danseur regarda le public après la dernière note, alors qu'il n'était pas encore redevenu lui-même et quand il se releva doucement, comme s'il n'avait pas fini de danser, dans les quelques pas qui le séparaient du centre de la scène où les autres danseurs l'attendaient déjà, Yoongi le reconnut.

*



Chapitre très court, l'arrivée à l'intrigue principale est un peu longue mais les détours en valent la peine... les personnages complexes sont tellement beaux !

Backstage [Yoonmin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant