Chapitre 24

529 66 28
                                    

Première matinée.

Quelqu'un entra. La chambre était sombre, le store étant fermé.

- Tae ? demanda faiblement Yoongi depuis son lit.

Il se retourna vers la porte, plein d'espoir. Ce n'était pas lui, trop grand et trop large. Il reprit donc sa position initiale et sombra à nouveau dans le sommeil.

Yoongi était finalement réveillé, il se traînait dans les couloirs jaunes en jogging et tee-shirt. À peine son petit-déjeuné pris on lui avait collé dans les mains une liste d'activités à suivre tout au long de la journée. C'était préconisé dans des cas comme le sien, pour le pas tomber dans l'ennui et l'inaction, deux états très peu conseillés quand on souffrait de dépression.

Traversant donc le bâtiment des « réhabilitations » comme l'appelaient certains personnels médicaux, il devait se rendre au groupe de parole du matin, celui qui rassemblait tous les participants de l'aile spécialisée. Il était encore un peu dans les vapes : il avait dormi quatre jours. Ce matin – c'est à dire un peu plus tôt – lorsqu'il s'était réveillé, on lui avait apporté un généreux petit déjeuné au lit. Il avait perdu quelques kilos, déjà avant d'arriver puisqu'il ne faisait plus du tout attention à son hygiène de vie, mais surtout durant les quatre jours où il avait dormi. Il n'avait donc pas pu finir le copieux petit déjeuner mais avait englouti tout ce qu'il pouvait. « C'est le premier pas vers la guérison » adorait dire une des éducatrices qui s'occupait de lui dans le premier foyer où il avait été quand il était malade. Avoir de l'appétit était synonyme de bonne santé.

Il n'avait pas encore vraiment repensé à ce qu'il avait fait, à ce qu'il s'était passé avant qu'il ne soit emmené ici ; et pour l'instant il gardait cela le plus éloigné possible de ses pensées. Autant dire du coup qu'il ne pensait à rien, plongé dans une indifférence totale vis-à-vis de sa personne, de ce qui se passait autour de lui. Il était toujours comme ça au fond du trou, plus qu'un corps de chair et d'os, plus qu'une enveloppe incapable – encore plus que d'habitude – de dire qui il était, ce qu'il était, incapable de toute prise de décision, à tel point que sans cette liste qui lui avait été imposée il serait resté allongé sur son lit, comme les derniers jours, en oubliant jusqu'à boire ou manger.

Il se déplaçait donc dans ces couloirs de la même manière que dans sa propre maison – il en connaissait bien le tracé en plus puisque ce n'était pas la première fois qu'il y faisait un séjour –, c'est-à-dire en jogging et tee-shirt comme nous l'avions dit, une robe de chambre sur les épaules et des chaussettes. Il ne savait même pas à quoi il ressemblait, il s'était vêtu machinalement quand on lui avait ordonné de sortir du lit. Le résultat était assez cocasse : il portait un survêtement jaune, un tee-shirt blanc avec un logos coloré en forme de rosace et une robe de chambre bleu-ciel en polaire. Autant dire qu'il ne ressemblait à rien. Ce n'étaient même pas ses vêtements puisque personne n'avait pu lui en apporter, mais il ne s'en était même pas rendu compte : après tout un pantalon était un pantalon et idem pour le reste.

Il arriva à la salle de conférence et regarda par le carreau de la porte. Il y avait déjà quelques personnes : certaines étaient habillées normalement, d'autres plus ou moins de la même manière que lui ; cela dépendait souvent de l'avancement de la guérison de chacun : personne n'arrivait avec l'envie de passer une heure devant le miroir à se faire beau... enfin, peut-être certains mais dans ce cas ce devait être un aspect particulier de leur maladie. Mais les vêtements des personnes de la pièce ne furent pas ce qui occupa son esprit pendant les quelques instant où il regardait à travers la vitre, il se demandait surtout quelle place il allait pouvoir prendre pour être tranquille, qu'on ne vienne pas lui parler, ni l'intervenant, ni les autres malades : le problème était que la réunion se faisait en cercle et, de ce fait, il aurait nécessairement des voisins.

Backstage [Yoonmin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant