Chapitre bonus 3

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Lettre de Yoongi à Jimin.

Friend Please – Twenty One Pilots [cette chanson pourrait presque être emblématique de cette histoire ^^].


J'entrerai directement en matière, car tu sais combien tu m'es cher mon Jiminie et tu as aussi découvert à tes dépends que j'avais horreur de toutes ces paroles inutiles. Je n'ai jamais trouvé qu'aucune des tiennes ne l'était : tu pourrais parler aussi longtemps que tu veux, me raconter toutes les histoires du monde que je ne me lasserais jamais de ce que tu dis, de ta voix. Je chéris ce jour où je t'ai entendu chanter à travers la porte de ta chambre, celui où j'ai jeté un coup d'œil dans cette pièce aux couleurs hideuses, car il fait parti de ces jours où je t'ai découvert un peu plus, de ceux où ta personne s'est peu-à-peu fait une place dans mon monde si restreint, si fermé. Tu sais combien j'aime ta voix, combien j'aime quand tu danses aussi et même encore plus car je sais que tu aimes ça toi aussi, danser.

Je pourrais t'écouter parler des heures au téléphone puisque je ne peux pas t'écouter parler de visu ces temps-ci et je t'écris cette lettre que j'espère tu recevras assez rapidement – j'ai l'espoir qu'elle te parvienne avant que tu rentres bien que nous soyons très éloignés – suite à ces paroles que tu as déversées l'autre soir dans ton téléphone. Je n'ai à ce moment là été qu'une oreille attentive, incapable de trouver les mots pour te soutenir ou te réconforter alors que tu te confiais à moi. Je n'ai pu qu'exprimer le fait que j'étais désolé que tu sois passé par là, parce que Jimin, je n'aurai jamais imaginé qu'après cela tu sois encore capable de te tenir dans ce monde, capable de faire confiance aux gens, capable de vouloir remonter, de ne pas t'apitoyer. À ta place j'aurai abandonné il y a longtemps. Alors, je ne veux plus que tu pleures des larmes comme celles que j'ai entendu l'autre soir sans rien pouvoir y faire, sans pouvoir les sécher alors que tu me racontais comment tu étais arrivé aussi bas, combien tu avais honte encore aujourd'hui de t'être laissé allé ainsi. Mais pour moi Jimin, il n'y a rien de honteux dans ce que tu as fait parce depuis le début c'était une bataille que tu menais et que tu n'as jamais abandonnée. Alors j'aimerai qu'un jour tu parles de ces mois de souffrance comme de quelque chose qui fait parti de ta vie, je veux que tu sois capable d'y voir toute la force qu'il t'a fallu pour y arriver et encore toute celle que tu as mis en œuvre pour revenir dans le monde. Je veux que tu vois cela non comme un échec mais plutôt une émanation de la force que tu mettais dans tes rêves.

Il y a des choses qu'on ne pourra jamais effacer, des nuits qu'on n'oubliera pas et cela même si on vivait aussi longtemps que Dieu lui-même ¹. Mais s'il y a quelque chose que tu m'as appris Jimin, c'est que, au milieu de ces nuits qui nous paraissent interminables et si sombres, on ne s'y enferme éternellement que parce qu'on le veut. Car même quand il n'y a pas de fin à cette nuit – parce s'il y en a une à la tienne, je doute qu'il y en ait une à la mienne, je vivrai dans cette nuit éternellement si je vivais pour l'éternité –, quand regarder vers le futur ne sert à rien car tout regard s'enlise dans ce brouillard opaque où toute lueur pourtant bien réelle ne t'attire pas plus que l'idée de se laisser engloutir par l'ombre, il y a de ces moments inespérés, qu'on ne recherche pas et qu'on subit – grand bien cela fasse à notre cœur ! – comme on subit le brouillard de l'angoisse. Ces miracles qui ponctuent ces nuits à plus ou moins grandes échéances.

Alors que j'avais peur de regarder vers mon passé parce que les souvenirs de quelque chose qu'on a perdu sont les plus douloureux de tous, aussi heureux soient-ils ; il fait bon aussi s'y replonger juste comme ça, sans chercher le bonheur comme une nécessité mais en profitant juste de ce qui à nous s'est offert.

Quand j'ai enfin eu la force de me retourner sur moi-même – c'est toi qui m'a donné cette force, c'est toi aussi qui m'a permis de découvrir que je pouvais trouver de pareils choses là-bas – et que j'y ai vu non pas le fossé béant entre ma vie d'avant et ma vie aujourd'hui mais des choses comme ce chat qui traversait la route sous la neige, ma rencontre avec toi à l'école de danse, ces moments d'effusion intellectuelle qui bien que provoqués par la souffrance n'en restent pas moins ce qu'ils sont : des moments de vie ; et bien j'ai pensé à toi qui l'avait sûrement compris depuis longtemps, car mon passé n'a rien à envier au tien au contraire. Et pourtant, sans que je ne comprenne pourquoi, quand ce jour-là tu m'as dit que tu ne voulais pas mourir et que je ne t'ai pas cru avant de te connaître un peu mieux, tu avais déjà réussi à trouver dans cette nuit lueurs et moments miraculeux.

Tu pourrais me dire que de ton coté tu avais des « raisons » de t'en sortir, de vouloir rester – famille, amis, la danse –, j'en avais moi aussi, mais elles te lâchent toutes les unes après les autres si rapidement si tu ne trouves pas autre chose si tu veux mon avis.

Tu es sans aucun doute la raison pour laquelle je suis encore en vie aujourd'hui, tu as pu expérimenter ce que signifie être cette raison d'un peu trop près, je n'en serai jamais assez désolé ; mais tu n'es pas une raison simplement factuelle : je ne suis pas en vie parce que tu m'as sauvé, mais parce que tu es celle – cette raison pour laquelle je me lève tous les matins sachant très bien que je ne te verrai pas dans la journée. Entendre ta voix, lire tes mots, c'est ce qui me fait tenir, ce qui me permet d'expérimenter ces moments de vie dont je parlais plus haut.

Tu t'es confié à moi parce que tu avais confiance, j'espère en être digne, mais moi je n'ai pas réussi à te dire tout ça de vive voix, non parce que je trouve ça inutile, mais parce que les mots lourds de sens, j'ai toujours eu beaucoup de mal à les prononcer : les poser sur une feuille de papier, c'est la manière que j'ai trouvé pour enfin arriver à les formuler.

Plus le temps passe loin de toi, plus, paradoxalement, tu te rapproches de mon cœur malade. Ce dernier, si effrayé par ta présence, celle de quelque chose qui compte pour moi, ne peut néanmoins s'empêcher de t'apprivoiser lui aussi, pour mon plus grand bonheur. J'ai espoir qu'il te fasse la place que tu mérites et qu'il ne soit pas le seul : je veux moi aussi te faire cette place dans ma vie et je crois que, plus le temps passe, plus je suis prêt : je sais que tu ne me feras pas souffrir, j'espère juste ne pas te faire de mal de mon coté... Je rêve de pouvoir te regarder encore, j'espère que jamais mon regard sur toi ne te fera souffrir comme tant ont pu le faire avant, j'espère que tu resteras convaincu de la sincérité de ces sentiments qui grandissent dans mon cœur pour toi.

Continue à te porter au mieux,

Yoongi – ce nom que tu es le seul à prononcer aussi bien au creux de mon oreille lorsque je m'endors si loin de toi.


¹ cf. Weisel, La Nuit : "Jamais je n'oublierai cette nuit, cette première nuit de camps qui a fait de ma vie une vie longue. Jamais je n'oublierai cette fumée, jamais je n'oublierai ce silence nocturne qui m'a privé de l'éternité du désir de vivre. Jamais je n'oublierai cela, jamais même si j'étais condamné à vivre autant que Dieu lui-même" [le contexte n'a rien de comparable mais ces mots ont une résonance magnifique].

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Un peu maladroit par moments mais je serai ravie d'avoir vos réactions concernant ce chapitre :) Pour une fois je n'ai rien d'autre à ajouter  ♥

A très vite !

Tacha'

Backstage [Yoonmin]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant