24. De la lune à l'obscurité

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Je souris. Une mèche de cheveux, décorée de perles, s'obstine à venir tomber pile sur mon nez. 

Où suis-je ?

Ce n'est pas une véritable coiffure traditionnelle, mais ça fera l'affaire. Ma tenue ne l'est pas plus : nous n'avions bien sûr rien pris de tel avec nous ! C'est une lointaine imitation, réalisée à partir des robes de cour que l'on porte ici. Heureusement, l'idée est là. 

Et toi, qui es-tu ?

Okalgaï m'a aidée à la confectionner, à l'abri des regards indiscrets, avec les moyens du bord. Koshayaran m'a fait porter en secret des chutes de soie, de cuir, du fil et des perles, sans se moquer ni tenter de me dissuader. 

Il comprend pourquoi c'est important pour moi que mes ancêtres soient présents.

Et nous nous sommes activées avec ma suivante, aussi vite que possible, pour faire deux vêtements acceptables. Celui de Koshayaran l'attend encore, étendu sur un coffre sculpté. 

Il est très en retard, mais je ne doute pas qu'il arrivera dans quelques instants.

Je suis incapable de ne pas croire en lui. Au lieu de m'inquiéter, je ne fais qu'être de plus en plus agitée à l'idée de ce qu'il va bientôt se passer, jouant du bout des doigts avec le précieux renard de jade blanc qu'il m'a offert.

Mes joues rosies et mes incessants sourires amusent Bayunchiruk. Makuromeg, en revanche, ne rit pas. Elle a revêtu sa tunique de chamane, mais pas encore sa coiffure rituelle, laissant ses cheveux libres.

Le visage fermé, les traits tendus, elle me regarde non pas tant avec désapprobation qu'avec appréhension. Elle craint de me voir peinée. Elle pense qu'il ne viendra pas. Qu'il ne tiendra pas parole. Que ce n'est pas possible tout ça.

Mais elle ne le connait pas aussi bien que moi. Je sais qu'il viendra. Et quand bien même la chamane n'est pas de mon avis, elle a tout de même nettoyé les lieux, allumé l'encens, et murmuré les chants sacrés. Le plus gros est fait.

Ce que je ne sais pas en revanche, c'est comment nous affronterons son père ensuite, et son frère... Je devine tous les reproches dont ils nous accableront. Dans un premier temps, la cohabitation sera difficile... il faudra des années avant qu'ils nous pardonnent. 

Et pourtant, je ne regrette rien.

J'aimerais tourner la tête, pour regarder autour de moi. Détailler cette pièce plongée dans la pénombre, seulement éclairée par des lanternes traditionnelles... où sont les lanternes à éther ? 

J'ai tout juste reconnu, dans la tenue des autres personnes présentes, des détails vestimentaires qui me rappellent mon pays. Ce ne sont pas à proprement parler des vêtements ou des objets kaeli. Mais ils sont de la même famille.

J'aimerais mieux voir, mais je ne contrôle rien, mes yeux restent à présent fixés sur le tapis, voire se ferment quand je pars dans mes pensées.

Ah ! J'entends qu'on arrive ! Je me tourne vers la porte, fébrile, et ma joie retombe brutalement quand je vois celui qui l'ouvre.

Il est très grand, sobrement habillé, mais de soies de trop bonne qualité pour ne pas trahir son importance. Sa longue chevelure sombre tombe raide dans son dos.

Makuromeg, Okalgaï et Bayunchiruk se lèvent aussitôt pour s'incliner respectueusement. Je pivote vers lui, me contentant d'un salut de la tête.

- Petite princesse Hiulsuya, me dit-il.

- Jireshaxin..., je réponds, contrariée.

Il arrive à cacher si bien ses émotions, derrière ce ton et ce visage impassibles, qu'on croirait presque qu'il ne me juge pas ! Il balaye rapidement la pièce du regard, toujours avec flegme, avant de me demander :

Le Harfang et le LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant