37. Le guet-apens improvisé

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Je passe la nuit à errer. Dans des couloirs qui se ressemblent tous sans que je n'en reconnaisse aucun.

Ce sont de longs chemins noirs, opaques, au bout desquels brille une lune blafarde censée me guider, éternellement inaccessible.

Au fil du temps, les murs, le sol et le plafond me semblent de plus en plus épais. Au-delà, je n'entends plus les esprits, eux non plus ne m'entendent pas.

Je sais que je cherche quelque chose. J'ignore quoi. Mais je sens ce manque déchirant, cet abîme qui me transperce et me pousse à avancer.

Chaque pas est un recommencement.

Je suis exténuée, mais c'est comme si je n'arrivais jamais à l'après. J'en suis toujours au juste avant : juste avant de m'écrouler, juste avant de trouver, juste avant de pouvoir m'arrêter. Juste avant que la douleur ne se calme enfin.

Je sais que je cherche quelque chose. J'ignore quoi. Mais je sens que je ne peux pas la trouver.

Où suis-je...

Quand je me réveille le lendemain, secouée par Daireng, il me faut un petit instant avant de comprendre que je suis dans ma chambre, au fond de mon lit.

J'ai l'impression d'être glacée, terriblement fatiguée, comme si j'avais passé la nuit à tourner en rond dans la cité impériale, simplement vêtue de ma chemise. Heureusement, après une douche brûlante, je me sens un peu mieux.

Les filles sont toutes excitées à l'idée de l'inauguration du salon de poésie. Elles font de leur mieux pour avoir une mise et une coiffure les plus irréprochables possibles.

La surveillante qui vient déverrouiller notre dortoir me trouve une petite mine. Elle s'assure que je me sens bien, avant de nous autoriser à aller au réfectoire.

Lorsque les heures défilent sans qu'aucune annonce ne soit faite, puis que nous retrouvons madame Jumderan dans la salle habituelle, Kumlei commence à comprendre que sa déduction n'était pas la bonne.

Le cours est déjà bien avancé, mais elle ne s'avoue pourtant pas vaincue. Elle finit par lever la main dès qu'elle peut, attirant l'attention de la professeure.

- Madame Jumderan ?

- Oui, mademoiselle Kahan ?

- Vous savez quand les travaux du salon de poésie seront terminés ? demande-t-elle en fronçant les sourcils.

- Oh ! Eh bien, ils se finissent aujourd'hui il me semble.

- Et vous savez quand nous pourrons de nouveau l'utiliser ? demande alors une autre élève, avec enthousiasme.

- Très bientôt, sans doute, répond-elle avec un sourire. Patience.

Bien sûr, cette réponse évasive ne satisfait pas Kumlei qui se renfrogne aussitôt en m'adressant un regard dépité.

- Mademoiselle Fannan, s'exclame alors la professeur en s'avançant vers moi. Vous allez bien ? Je vous trouve extrêmement pâle...

- Euh... oui, madame, je vais bien. Enfin, je pense...

Mais elle approche tout de même sa main pour la poser sur mon front.

- Par les ancêtres ! Mais vous êtes glacée !! s'écrie-t-elle avant de me prendre aussitôt le visage pour m'étudier de plus près. Et vous êtes plus blanche qu'un fantôme ! Vous couvez très certainement quelque chose ! Dépêchez-vous d'aller à l'infirmerie, ne revenez que si l'on vous y autorise !

Je me sens un peu étrange, mais pas si malade que ça. Cependant, on ne conteste pas l'ordre d'une professeure. J'acquiesce donc avant de sortir de classe pour gagner l'infirmerie.

Le Harfang et le LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant