28. Les fantômes du palais

1.7K 279 105
                                    

- Vous savez beaucoup de choses sur les fantômes du palais ? je commence.

- Oui, autant que l'empereur.

- Et vous connaissez la vraie raison pour laquelle je suis là ? 

Elle me jette un coup d'œil surpris avant de croiser les bras, méfiante :

- Il ne s'agit pas d'une question sur les fantômes...

- Non. Mais j'ai le curieux pressentiment que les deux sont liés.

Cela peut paraître étrange. En effet, l'empereur sait pourquoi je suis là alors qu'il ignorait que j'étais chasseuse d'âmes. Et puisqu'il me tient à l'écart, il ne m'a pas faite venir pour que je m'occupe de leurs spectres ! 

Il est donc possible que je me trompe. 

Mais beaucoup de mystères ici me semblent reposer sur les âmes qui hantent les lieux. Que celui qui m'entoure ait un quelconque lien avec elles ne me parait donc pas si idiot. Surtout si je pense à tous les sous-entendus que la prêtresse a pu faire dernièrement.

Pour autant, il me manque encore les pièces du puzzle qui relient "spectre" à "mariage avec une Kaeli"...

Je sais toutefois que je ne me trompe pas, quand je vois Rinsheng pincer les lèvres en fronçant le nez, comme cherchant soigneusement la façon dont elle pourrait me répondre.

- Disons que... je suis convaincue que les deux sont bien plus liés que Kianshei ne le croie, finit-elle par m'annoncer. Mais pour lui, votre venue est une sorte de fin. Pour moi, elle n'est qu'un début...

Je ne comprends pas bien cette réponse énigmatique, mais la note précieusement dans un coin de mon esprit.

- Et l'épée que j'ai trouvée l'autre soir ? Et le portrait ? Qu'est-ce que vous pouvez me dire là-dessus ?

Elle se met soudain à rire, d'abord doucement puis contenant de moins en moins bien son amusement.

- Il m'a assurée qu'il n'aurait aucun mal à vous tenir à l'écart, que vous finiriez pas vous faire une raison et oublier cette nuit au pavillon ! s'esclaffe-t-elle. Mais je crois qu'il n'a pas bien compris à qui il avait affaire...

- Pourtant, je suis plutôt transparente sur le sujet, je m'étonne.

- Oui. D'ailleurs, c'est très rafraîchissant ! En vérité, je crois qu'il le sait bien lui aussi, mais il préfère se bercer d'illusions, c'est plus facile...

Elle hausse les épaules, mélancolique. Une nouvelle fois, je sens qu'elle fait allusion à quelque chose que je ne peux pas saisir.

- Il y a une salle tenue secrète au temple, m'annonce-t-elle ensuite d'un timbre rêveur. Une salle bien gardée qui n'est accessible qu'à de rares initiés, dont l'empereur. Elle contient de nombreuses reliques, des pièces de prêtrise uniques qui ont servi par le passé, dans des temps difficiles. Beaucoup de ces objets ont été créés - ou amenés là - par les prêtres fondateurs du temple. Ces derniers avaient des savoirs et des dons exceptionnels... ce sont eux que vous avez vus sur le portrait.

Je suis suspendue à ses lèvres quand elle pivote vers moi en concluant :

- Ce portrait, comme le râtelier et ses armes, sont enfermés dans cette salle.

Me rappelant mes traces dans la poussière qui disparaissaient, je suggère prudemment :

- Alors j'aurais... comme été transportée dans cette salle sans le savoir ? Mais comment ?

- Même si les prêtres fondateurs ne sont plus de ce monde, je crois que parfois ils arrivent encore à nous aider, lorsque le moment se fait sentir, et que la bonne personne est là pour attraper la main qu'ils nous tendent.

Le Harfang et le LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant