7. Le ressentiment n'apporte rien de bon

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Il ne dit plus rien. Je l'entends qui soupire derrière moi avant d'articuler dans un souffle :

- Je vous demande pardon.

Ces mots qui brisent avec difficulté le silence me désarçonnent. Je ne les attendais pas. Je demeure muette, il continue :

- Je vous demande pardon pour cette situation qui vous répugne tant. Je ne l'apprécie pas plus que vous. C'est une maigre consolation, mais Xemtei a dû vous le dire : ce sera provisoire.

Je soupire à mon tour.

- J'aurais voulu pouvoir rester chez moi, je murmure tristement. Au moins encore un peu.

- Et j'aurais voulu ne jamais avoir à épouser une Kaeli.

Son ton est empli de regrets. Ses mots durs me blessent. Il doit sentir que je tremble à présent, le souffle coupé.

Face à mon mutisme meurtri, il précise :

- Je n'ai rien contre vous. Ni contre votre peuple. Encore que... Nous avons longtemps été ennemis, cela laisse des traces. Mais j'aurais voulu que les choses se passent autrement. J'aurais voulu que les raisons qui m'ont forcé à contracter ce mariage, et à devoir vous emmener avec moi, n'aient jamais existé.

Je m'efforce de ne pas mal prendre ses propos. Il ne fait qu'être honnête. Je déglutis avant de répondre :

- Xemtei refuse de m'expliquer ces raisons.

- Il fait bien. Cela ne vous concerne pas.

- Cela ne me concerne pas ?

Je me redresse sur ma selle, choquée. Je veux me retourner, mais il me maintient fermement en place.

- Comment pouvez-vous dire ça, alors que c'est ce qui fait que je suis ici à présent ! dis-je, forcée de me rasseoir.

Il me cloue le bec en rétorquant, implacable :

- Vous êtes là parce que j'ai offert à votre peuple un traité extrêmement avantageux, qu'il a accepté. Vous êtes là parce que vous aimez les Kaelis et que vous voulez leur bonheur. Moi aussi je veux le bonheur de quelqu'un, c'est en partie pour ça que je suis ici. Le reste ne vous regarde pas.

Je suis toujours en colère, mais je conçois qu'il ne me fasse pas assez confiance pour partager ses plans avec moi. Xemtei m'a dit que, plus tard, je comprendrai. J'espère que c'était vrai... quelque chose dans cet échange m'en fait douter.

- Donc je suppose que maintenant, je dois tout accepter pour le bonheur des miens ?

- Oui.

Toujours ce principe des mariages protocolaires... il y a beaucoup de choses qui m'offusquent, qui m'enragent, mais je ne dois pas me rebeller. Quelque part, je m'y suis engagée en acceptant ce mariage.

Que les choses me plaisent ou non, il faut faire avec, sans broncher. Protester ou en vouloir à l'autre serait une perte de temps, tout comme une marque d'immaturité.

En boudant dans mon coin parce qu'on m'a privée des miens, je ne pense qu'à moi. En punissant les responsables par ma mauvaise humeur, je ne satisfais que mon orgueil. Je me comporte comme une gamine. C'est ainsi que l'empire voit les choses.

Je connais ce point de vue, Xemtei me l'a déjà expliqué (et je comprends mieux pourquoi maintenant...), mais je n'arrive pas encore à m'y plier.

Je n'arrive pas à trouver ça normal d'être si peu considérée. Je n'arrive pas à trouver ça normal que Xemtei soit parfaitement capable d'être amical avec moi, mais pas l'empereur alors qu'il est maintenant mon époux... et je ne sais pas si je trouverai ça normal un jour.

Le Harfang et le LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant