Chapitre 14 - Menacée

4.1K 314 63
                                    

Alaster entame de faire les cent pas devant le lit, sous mon regard prudent. Il fait noir dans la pièce, à l'exception de la lumière jaune diffusée par la lampe derrière lui, sur le bureau sombre où il a rédigé le mot qui m'a coincée dans son piège. La clarté des lampadaires qui parvient à se faufiler par la fenêtre aux rideaux entrouverts fait briller par intermittence l'attache d'acier de son couteau de chasse.

Je déglutis en me rappellant la sensation sur ma gorge.

— Voici les options qui s'offrent à vous dans la situation actuelle, déclare-t-il après un moment de délibérations internes.

Il parle d'un ton mesuré, calme. Je pourrais presque oublier qu'il s'agit d'un criminel. Presque. Je resserre les draps autour de moi comme s'ils pouvaient me protéger. La chaleur s'y répand peu à peu, une éternité après que je m'y sois réfugiée. C'est ce qu'il me semble en tout cas.

— Vous nous aidez, mon patron et moi, à gérer un petit problème avec un partenaire...

— En échange de ma vie? demandé-je d'une voix qui laisse transparaître le soupçon.

Ça ne peut pas être si simple. Ou bien le problème est plus épineux qu'il ne veut bien le laisser paraître. L'homme s'immobilise pour m'adresser une moue difficile à interpréter. Il semble à la fois désolé et fier de la réponse qu'il s'apprête à me servir.

— J'aimerais dire oui, mais... disons que pour commencer, nous promettons de ne plus menacer la vie de vos enfants. Entre vous et moi, je préfère laisser les enfants tranquilles, ils sont si... précieux, termine-t-il sur le ton de la confidence, en s'avançant vers moi.

Je me redresse, piquée par cette offre qui confirme mes soupçons et sur le faux air qu'il arbore. Comme si je n'étais pas en mesure de capter le message sous-jacent, à savoir que si je refuse, ils feront exactement le contraire de ce qu'il me fait miroiter à l'instant!

— Vous savez pertinemment que rien que pour cette raison, je serais prête à accepter n'importe laquelle de vos conditions!

Le sourire torve qu'il m'adresse le transfigure. Ce n'est plus le même homme, tout d'un coup. Je m'adresse à l'homme qui a éventré mon chandail avec son couteau. Celui qui aime la terreur, qui s'en délecte. Celui qui tressaille à peine quand le sang lui coule dans le cou.

La panthère sort de sa tanière.

— Vous avez raison. Je le sais très bien, et c'est la raison pour laquelle je m'attends à ce que la suite de cette proposition vous intéresse assez pour que nous n'ayons pas besoin de poursuivre les négociations sur le ton de la menace...

J'essaie de faire fi de la lueur mauvaise qui brille au fond de son regard. Je préfère me concentrer sur son choix de mots, et évite ses yeux étincelants. Je croise les bras par-dessus l'édredon, l'étreint si fort que j'en extirpe le courage de répondre.

— Pour qu'il y ait négociations, Al, il faudrait qu'il s'agisse d'une discussion.

— Alaster, grince l'homme entre ses dents en me pointant d'un doigt impératif, menaçant. Je refuse que vous utilisiez un diminutif pour vous adresser à moi, Lyvie. C'est Alaster, et rien d'autre.

Je me retiens de rouler des yeux devant ce qui semble être un sujet sensible. Les hommes et leur fierté mal placée... Philippe en avait une très grosse aussi, et je ressentais un vif plaisir à la mettre à mal le plus souvent possible. Néanmoins, mon ex n'était pas violent, ni même dangereux. Un chaton, comparativement à ce grand félin.

Je fais donc preuve de bonne foi et me reprends avec la contrition de circonstances.

— Je suis désolée. Alaster. En quoi consiste ce problème, que je sache au moins ce que vous attendez de moi?

Le fauve écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant