Chapitre 31 - Charmée

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Le repas est léger et animé. Les enfants interagissent avec Alaster comme s'il était un homme normal. Je ne peux pas leur en vouloir; ils ne savent pas, ne sauront jamais. Bien malgré moi, je couve la tablée du regard, ce dernier terminant invariablement sur Alaster... qui sourit.

Pas une mimique affectée ou narquoise, non. Un vrai sourire, brillant et large comme la poutre qui me transperce le cœur lorsqu'il le dirige vers moi.

— Ça ne va pas, Lyvie?

J'ai envie de lui. Ou de ce qu'il montre en ce moment. L'Alaster charmant et attachant qu'il offre aujourd'hui. Des images de notre premier baiser et de tous ceux, même s'ils étaient peu nombreux, qui ont suivi. Je me souviens de la chaleur de ses mains, de sa langue, sur ma peau, qui irradiait autant que ce sourire franc qu'il adressait aux enfants et qui a soudainement disparu.

— Oui, oui, dis-je en espérant qu'il ne verra pas à travers mon mensonge.

Je me frictionne le poignet, celui qu'il m'a un jour serré à m'en créer un bleu, celui que je me suis brûlé cette semaine, et je grimace.

— J'ai simplement mal dormi hier, et je dois remettre de la pommade sur ma brûlure.

— Ça fait mal? demande Emmett. Tu veux un bisou magique, maman?

La bouille innocente de mon fils me met du baume au cœur, et je souris en lui ébouriffant les cheveux. J'ouvre la bouche pour le remercier de sa prévenance quand Amélie se redresse, aux abois.

— Alaster, fais un bisou magique à la maman d'Emmett! s'exclame la fillette avec une autorité naturelle, avant de se tourner vers Emmett. Alaster, il a les mêmes pouvoirs qu'une maman. Il me l'a dit.

J'entends un ricanement doux en provenance du principal intéressé, qui m'observe avec attention, une carotte entamée entre le pouce et l'index.

— En fait, Amélie, commence Alaster en tournant la tête vers elle, mes bisous sont moins efficaces que ceux d'une maman. Il en faut plus d'un pour que ça fonctionne.

Son regard se réoriente vers moi, et je ne perds pas une miette du message sous-jacent, même si je suis étonnée du sous-entendu. Je sens une douce chaleur m'envahir, avec une concentration de l'afflux sanguin dans mes joues et entre mes jambes, que je croise, l'air de rien.

J'aimerais savoir s'il a envie de m'embrasser ou s'il ne fait que profiter de l'occasion pour me plonger dans l'embarras une fois de plus. Je penche vers la seconde option, mais pas aussi rapidement que d'habitude. Il m'observe avec tant d'intensité!

Je ne sais plus sur quel pied danser avec lui aujourd'hui...

— Ah oui? Pourtant, moi quand je me fais bobo, tu me fais un bisou et je n'ai plus mal, proteste Amélie, dubitative.

— C'est parce que tu es encore une enfant, mon petit sucre. La maman d'Emmett est grande, et en plus, c'est une maman. Les mamans ont besoin de plus d'énergie réparatrice.

Il énonce ces faits comme une évidence, et je sais que les enfants gobent chacun de ses mots, même s'ils n'en comprennent pas toute la portée. Quand Alaster parle, il exsude une assurance qui lui permettrait de vendre un réfrigérateur à un pingouin dans l'arctique. D'ailleurs, le cerveau d'Amélie analyse ses paroles. Sourcils froncés, bouche pincée, la petite croise les bras.

— Oh! Et combien de bisous il lui faudrait, alors? demande-t-elle, véritablement intéressée par la réponse.

Adorable. Elle est adorable. Pourtant cette conversation hallucinante me met de plus en plus mal à l'aise.

— Ça ne fait plus mal, dis-je avec empressement.

Hors de question que les lèvres d'Alaster entrent en contact avec une partie quelconque de mon corps. Cependant personne ne fait attention à mon opinion sur la question.

Le fauve écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant