Chapitre 28 - Soufflée

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Les mots de Maximilien me troublent, et je passe le reste de la semaine à réfléchir à ce qu'ils supposent. Au même titre que l'absence de surveillance chez son second est un témoignage de foi, il semblerait qu'Alaster me fasse assez confiance pour manger la nourriture que je prépare — alors que je pourrais très bien tenter de l'empoisonner. De fil en aiguille, j'en viens à une conclusion déconcertante : soit il ne me surveille plus du tout, soit il ne me surveille plus par nécessité.

J'ai du mal à concevoir la seconde option.

Et pourtant, la première me semble encore plus improbable à l'heure actuelle.

Je n'ai pas posé de questions supplémentaires à Maximilien, puisqu'il avait déjà été clair à ce sujet : il n'avait pas le droit de me répondre. Ce ne sont pas les questions qui manquent. Suis-je toujours sous surveillance constante? Qu'est-il arrivé l'autre jour avec mon téléphone? Ont-ils une idée de qui me suivait? Alaster a-t-il élucidé son mystère? A-t-il seulement reçu mon message au sujet de l'agenda électronique?

Aucune réponse, aucun renseignement.

Je suis dans l'ignorance la plus complète.

Presque deux semaines sont passées depuis notre dernière discussion, à Alaster et à moi, et l'absence de nouvelles de sa part me rend nerveuse, en particulier depuis que j'ai raconté à Maximilien ma discussion avec Thomas, qui coïncide avec l'épisode du système de géolocalisation défectueux. J'ai pris — ou plutôt repris — l'habitude de regarder par-dessus mon épaule quand je sors. Je me sens épiée en permanence. Et ce n'est pas parce que Maximilien est de retour à son poste depuis le début de la semaine.

En fait, sa présence me rassure désormais.

Je deviens complètement folle, à être soulagée par cette surveillance... pourtant c'est le cas.

De nous deux, je crois que c'est Maximilien le plus surpris : lundi, en allant me chercher un café, après avoir déposé les enfants, je lui ai pris de quoi s'en faire un. J'ai commandé un grand café noir, saisi quelques gobelets de crème, de lait et des sachets de sucre, et griffonné un « merci » sur une serviette en papier que j'ai glissé avec une pâtisserie au chocolat. Mine de rien, je suis passée devant sa berline et lui ai tendu sa collation sans lui adresser la parole. J'ai poursuivi ma route jusqu'à ma propre voiture, satisfaite de mon geste.

Même s'il ne fait que suivre les ordres d'Alaster, je suis consciente qu'il a probablement carte blanche sur les méthodes. J'ai eu de la chance qu'il me traite avec égards. Et pour ça, je lui suis reconnaissante. Il n'a pas besoin de savoir les raisons exactes de ma gratitude. Je les garde pour moi, histoire qu'il ne change pas de comportement pour me contredire, comme pour le vouvoiement.

Je n'ai pas poussé mon affabilité plus loin, si ce n'est que je souris lorsque nos regards se croisent désormais; il détourne les yeux en grommelant dans sa barbe. J'en retire une drôle de satisfaction. C'est un jeu facile et amusant : faire réagir le méchant à coups de gentillesses.

À croire que jamais personne ne lui a souri auparavant.

Ça ne m'étonnerait pas, pour être honnête. Maximilien n'est pas le genre d'homme qui inspire le bonheur, surtout pas à première vue, avec son visage austère et ses sourcils presque cousus à son nez en permanence. Sans oublier que son travail ne doit pas être toujours joyeux. Je veux bien le croire quand il dit que surveiller une femme sexuellement libérée était sa tâche préférée! Je n'ose même pas énumérer les pires besognes qui me viennent à l'esprit pour combler son emploi du temps.

Il a recommencé à me suivre après ma mésaventure. Il le fait avec diligence, pendant que je fais mes courses, entre autres, en prévision de la fête d'enfants à venir. Il a sa propre aire de stationnement dans ma rue pour les moments que je passe à travailler. J'ai eu envie de lui apporter une bouteille d'eau et un café à quelques reprises, mais je me suis réfrénée. Je n'ai pas envie qu'il pense que je me moque de lui!

Le fauve écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant