Chapitre 23 - Futée

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Je ne cuisine pas de biscuits. Je glisse toutefois l'invitation sous une assiette pleine de crudités. Les légumes fournissent des vitamines nécessaires à une bonne forme physique, et Alaster ne mérite pas que j'encourage son comportement. Que peut-il me faire de pire que de me laisser pantelante de désir dans un hôtel avec un suçon gros comme un dollar dans le cou?

Pour des biscuits, surtout? Absolument rien de grave... en tout cas je l'espère.

La question me trotte dans la tête pendant que je dépose les enfants chez mon ex, à qui je confie les invitations qu'Emmett devra distribuer à l'école demain. Je remarque en les lui tendant qu'Emmett a modifié certains éléments sur les cartes, probablement pendant que je préparais leurs affaires. Sur chacune il a ajouté des lettres au hasard.

Et alors que Philippe me remercie et me souhaite une bonne semaine de congé, j'ai un déclic.

Je dois parler à Alaster.

Je monte en voiture et compose son numéro, mais la ligne ne décroche pas. Évidemment, il n'a pas de boîte vocale. Et quand je cherche Maximilien des yeux sur le trajet menant chez moi, impossible de le trouver. En arrivant, je m'immobilise dans l'entrée, sous le porche, et j'envoie un message texte à Alaster pour qu'il m'appelle lorsqu'il aura le temps. Je dois lui poser des questions, et le temps presse. Je rédige aussi, en espagnol, un courriel à Thomas pour que nous nous rencontrions cette semaine dans un restaurant non loin de l'université où il est chargé de cours. Je conclus le message en lui disant de supprimer ce message dès qu'il l'aura lu.

Calmée par cette décision hâtive, mais importante, je monte les marches du porche presque sereinement. Je lance un regard aux alentours, constate que Maximilien n'est pas là. La rue est tranquille, et s'il y a bien quelques voitures qui sont stationnées devant certaines maisons, la berline noire de celui qui est chargé de ma surveillance n'est nulle part en vue.

Je me demande si c'est bon ou mauvais signe.

Pour le moment, je peux respirer. Je considère presque l'idée de dormir dehors, à la belle étoile, pour échapper aux yeux scrutateurs d'Alaster, puis me ravise. J'ai du ménage à faire, et une bouteille de vin blanc au frigo. La semaine promet d'être longue, et la soirée d'hier n'a pas été de tout repos. Une grande lassitude me gagne pendant que je cherche la bonne clé sur mon trousseau.

Ce soir, je vais peut-être laisser tomber le ménage pour la première fois depuis... des lustres.

Je déverrouille la porte... et manque de mourir d'un infarctus en ouvrant la lumière de la cuisine.

Alaster est appuyé sur le comptoir, désinvolte, une branche de céleri entre ses longs doigts. Il contemple celle-ci avec une moue avant d'en scinder la moitié d'un coup de dent. Dans son autre main, il tient la carte d'invitation, qu'il observe avec le plus grand sérieux. Il ne porte qu'un t-shirt noir et un pantalon cargo kaki ce soir. Il offre une vision presque normale, comme s'il avait toujours fait partie du décor.

En théorie, il arpente cette cuisine depuis des mois, alors j'imagine que c'est un peu le cas. À tout le moins, il appartient à mes coulisses, j'imagine.

Je dépose mon sac à main sur le guéridon de l'entrée, accroche mon trousseau sur son crochet et retire mon manteau. En voulant l'accrocher sur la patère, je remarque enfin le perfecto rouge. Je termine de me dévêtir et m'avance dans la cuisine d'un pas incertain.

— Votre fils a beaucoup de chance de vous avoir, Lyvie, déclare-t-il sans lever les yeux vers moi.

Son ton est difficile à cerner.

J'ignore s'il est de mauvais poil à cause des crudités laissées à son intention et qu'il mange pourtant avec méticulosité ou s'il est simplement dans son état normal. Son regard ne laisse rien filtrer, même si... je croirais presque qu'il est contemplatif en fixant le bout de papier dans sa main. Je croise les bras en essayant de ne pas fixer sa bouche lorsqu'il glisse le reste de son céleri entre ses lèvres.

Le fauve écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant