Chapitre 24 - Contrariée

3.1K 251 67
                                    

Puisqu'Alaster est au courant du moment de ma rencontre avec Thomas, je décide de devancer notre rendez-vous sans en parler à quiconque. Pour échapper à mon "vil voyeur" encore plus aisément, j'ai laissé mon téléphone à la maison. Comme ça, pas de risque qu'il puisse le rouvrir à distance, si jamais c'est faisable. Je ne veux prendre aucun risque inutile.

Je me suis habillée pour aller courir, j'ai enfilé un sac à dos dans lequel j'ai mis, entre autres, des vêtements de rechange et mon ordinateur portable, puis j'ai quitté la maison en ayant l'air d'avoir pris de bonnes résolutions. Après quelques coins de rue, je confirme que personne ne me suit et je monte dans le premier bus qui s'approche.

Ce jeu de brouillage de pistes aurait pu être amusant si les représailles ne me faisaient pas aussi peur. Seulement je veux des réponses au sujet d'Alaster, et je ne veux pas risquer que ma conversation avec Thomas soit entendue par des oreilles indiscrètes. Ma meilleure solution consiste donc à arriver comme une fleur à l'université et à attendre que Thomas revienne à son bureau pour découvrir la note que j'aurai glissée en-dessous de sa porte. Une fois à destination, je me faufile dans la première salle de toilettes que je croise pour me changer. Je me remémore la discussion entendue entre Fortuna et sa mystérieuse interlocutrice.

J'ai réfléchi, et je suis convaincue que la femme en question n'est pas celle l'ayant accompagné. Sinon, pourquoi l'appeler en catimini pour lui dire qu'il a envie de la prendre? Il aurait très bien pu le lui susurrer à l'oreille! Et puis le "il"... je ne suis plus certaine qu'il représente Thomas. À moins que lui et Thomas aient eu des embrouilles, auquel cas ce serait logique qu'il veuille l'expédier dans la rivière. Mais... et s'il voulait se débarrasser de quelqu'un d'autre?

Je dois demander à Thomas si Fortuna s'entend avec tout le monde.

J'ai l'impression qu'il ne doit pas s'entendre avec grand monde, plutôt.

Une fois changée, je prends le temps de me coiffer différemment... et d'enfouir mon sac à dos dans une large sacoche que j'y avais pliée avant de partir. Ni vue ni connue, j'ai l'air d'une autre femme si on ne s'attarde pas sur mon visage.

Je suis consciente d'en faire trop, mais malgré tout... je me sens suivie. Peut-être n'est-ce qu'un sentiment normal quand on pose des gestes que l'on sait répréhensibles? Une fois que je suis sur le campus, je me rends compte que laisser une note directe n'est pas la meilleure idée : n'importe qui pourrait tomber dessus et venir me rejoindre.

"Nous devons parler. Rejoins-moi là où il y a le meilleur café."

Avec plus de six établissements vendant du café sur le campus, j'ose croire que cela me donne une longueur d'avance sur un possible contre-temps de type masculin et menaçant. Je signe "L" pour l'orienter. Même si nous n'étions pas très proches durant nos études, il reste que nous avons fait plusieurs travaux ensemble, tous au même endroit.

J'ai foi, il comprendra.

Toujours en regardant par-dessus mon épaule toutes les deux minutes, voire plutôt aux trente secondes, je m'installe dans mon café préféré. L'établissement est assez industriel, avec ses murs blancs et ses meubles métalliques. De larges présentoirs en métal et en verre débordent de douceurs toutes plus appétissantes les unes que les autres. L'éclairage est cru, et les murs sont dénués de toute décoration. À dire vrai, je n'aime pas ce style, que je trouve impersonnel, mais il s'agit du seul endroit avec wi-fi qui serve un café correct... et des pâtisseries à tomber. C'est donc dire que je ne venais pas là pour la boisson ou la décoration.

À mon arrivée, l'endroit fourmille d'étudiants en tous genres. Presque toutes les tables sont occupées. La plupart sont recouvertes de cahiers de cours ou de feuilles polycopiées annotées de toutes les couleurs. Des écrans sont ouverts à intervalles réguliers aussi. Les visages sur mon passage ne se lèvent même pas. Il faut dire que c'est bientôt la fin du trimestre. L'achalandage ne m'étonne pas. Du temps où j'étais étudiante, c'était comme ça tous les jours sans arrêt, ou presque.

Le fauve écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant