Chapitre 17 - Déconcertée

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Je passe la journée qui suit à me mettre dans la peau du personnage : l'ancienne Lyvie n'est pas cachée bien loin en fin de compte. Je m'efforce de me coiffer avec soin en me levant le samedi matin, j'applique même un peu de mascara en guise de pratique pour ce soir.

Mon maquillage est grumeleux, et mon cache-cerne, presque vide.

Puisque ma sœur accepte d'arriver avant le souper, je pars en emportant mes habits et mon nécessaire pour me préparer dans la chambre. Pendant la sieste des enfants, Maximilien est passé déposer la carte magnétique de la chambre où je dois me rendre, ce qui m'y donne accès dès seize heures si je le veux. Mais avant, je me lance dans un monde que je n'ai pas visité depuis longtemps : celui des produits de beauté.

Je n'ai jamais été la plus coquette des femmes, mais j'ai des connaissances de base que je sais mettre en application.

Et pour le reste, il y a Internet.

Je google les couleurs idéales pour une brune aux yeux noisette, vérifie quelques détails pour être certaine d'avoir tous les essentiels en main, puis je me rends à la chambre. La nervosité m'étreint quand j'ouvre la porte, mais Alaster et son couteau ne m'y attendent pas cette fois. La pièce est vide, froide, impersonnelle. Rassurante.

Je n'ai jamais eu besoin de beaucoup de temps pour me préparer, aussi j'attends que sonnent dix-neuf heures pour sauter dans la douche. Cela m'a donné un peu de temps pour somnoler et ainsi peut-être diminuer la quantité de cache-cerne qui me sera nécessaire.

Je sèche mes cheveux et hésite devant le miroir quant à la façon de réellement les mettre en valeur. Pendant que je termine de délibérer à ce sujet, j'enfile la robe. Il est presque vingt heures, il ne manquerait plus qu'Alaster arrive pendant que je suis en sous-vêtements. Je suis en train d'appliquer une légère couche d'ombre à paupières quand je capte un mouvement derrière moi.

Je me retourne dans un sursaut, le cœur en débandade, devant l'homme en costume bordeaux ayant pénétré dans la chambre à mon insu. Vêtu d'un somptueux complet qui rappelle par son coloris le perfecto qu'il porte d'habitude, ce soir Alaster ressemble à un redoutable homme d'affaires. Il a retouché sa barbe pour la rendre moins sauvage, entre autres, mais c'est l'absence de lunettes qui me choque le plus. Je suis en mesure de bien apprécier son visage dans son ensemble, dont des traits naturellement durs en raison de sourcils droits et inclinés dans une moue perpétuelle, de grands yeux perçants et un nez droit. Toutefois c'est le domptage exemplaire de sa crinière qui fait toute la différence : le haut a été arrangé en une multitude de tresses de grosseurs variées, et l'ensemble est retenu à l'arrière. La coiffure est étrange, et pourtant appropriée... on dirait une coiffure de guerrier.

Cet homme est un conquérant, et je me surprends à me demander comment il peut n'être qu'un subordonné. Ses lèvres, ni trop pulpeuses ni trop minces, s'entrouvent.

— J'ai oublié de vous dire de ne pas vous maquiller. Et de relever vos cheveux, ajoute-t-il en tendant une main vers moi.

Je me heurte au comptoir de la salle de bain en esquissant un mouvement de recul. J'ai perdu un peu confiance en mes capacités pour ce soir. Il avait déjà beaucoup de charisme, mais il a gagné en prestance. Il a l'air moins dangereux qu'un politicien, et je n'étais pas prête à une telle métamorphose. Je suis estomaquée. Ma réaction le fait sourire.

— Allons, Lyvie. Je n'ai pas l'intention de vous faire de mal.

Son ton paternaliste me ramène à la réalité qui se cache derrière cette façade soignée... et envoûtante.

— Pas ce soir, réponds-je enfin, d'une voix où perce l'amertume.

Son regard prend des plis autoritaires, de ceux que Philippe arbore quand les enfants n'en font qu'à leur tête. De ceux que j'ai entrevus il n'y a pas si longtemps.

Le fauve écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant