Chapitre 29 - Sauvée

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La mère de Rose a finalement répondu hier soir pendant le souper avec ma mère et ma soeur : la petite ne viendra pas, elle non plus. Emmett est encore chamboulé au moment de se lever ce matin.

Tous ses espoirs se fondent sur Amélie, dont nous n'avons aucune nouvelle officielle. Son père n'a pas appelé. Moi, je prends ça pour un refus.

Pendant le déjeuner, Emmett fait bonne figure, mais je sais à la façon dont il picore ses crêpes qu'il est déçu. J'essaie de lui remonter le moral du mieux que je peux, et la fête aura quand même lieu. Emma gazouille avec un chapeau de fête sur la tête. L'heure de la fête est à onze heures, et il est dix heures trente. Pour enlever toute notion du temps à Emmett, je lui fais déballer un cadeau qui l'occupera un moment : un ensemble de Lego de sa série préférée. Je préfère marcher sur un terrain miné de ces petites pièces meurtrières cent fois par jour que de le voir déprimé une minute de plus.

Lorsque l'heure sonne, des coups résonnent dans l'entrée.

Par la fenêtre de la porte de la cuisine, dont je n'ai relevé que la moitié du store, je vois l'imperméable gris d'un homme dont le visage est partiellement caché. En m'approchant, j'aperçois le haut de la tête d'une petite fille châtaine aux yeux verts, et je reconnais la fillette pour l'avoir vue dans la cour d'école : Amélie est là!

Bon sang, Amélie est venue!

Quel soulagement et quelle joie!

Mon coeur s'emballe, ma tête s'embrouille sous l'adrénaline, et je suis si heureuse pour mon fils que je pourrais arracher la porte plutôt que de simplement l'ouvrir.

— Amélie, bonjour! m'exclamé-je en la faisant entrer, avant de me tourner vers l'homme, et vous, vous devez être son...

Je déchante en croisant le regard de l'homme qui l'accompagne. Ma voix se coince sur le dernier mot.

— ... Alaster?

Cette chevelure mi-longue d'une nuance de châtain parsemée de mèches blondes, ces lunettes assises sur ce nez autoritaire et cette bouche goûteuse... elles me coupent le souffle, me compriment la poitrine, et l'oxygène ne doit plus se rendre à mon cerveau, car pendant un instant, je ne comprends pas ce que je vois.

A-t-il enlevé la fillette pour obtenir sa part de gâteau? La petite n'a pas l'air effrayée ni contrainte. Elle lui tient la main, ou plutôt le petit doigt, comme Emmett le faisait avec Philippe quand nous sortions au centre commercial en famille. Elle fronce tout son visage en le levant vers lui.

— Tu connais la maman d'Emmett, Alaster?

— Bien sûr. Je la connais très bien, même.

Je ne peux endiguer les images qui m'assaillent en voyant le coin de sa bouche se relever en un sourire narquois que je ne connais que trop bien maintenant. Il s'amuse de me voir confuse et gênée. J'ouvre la bouche sans savoir quoi dire, puis des pas précipités se font entendre dans mon dos. Emmett arrive comme une fusée et dérape sur un mètre en voulant freiner son arrivée; ses pieds couinent sur le sol.

Des étoiles brillent probablement dans ses yeux, mais je ne les vois pas. Je n'arrive pas à détacher mon regard d'Alaster. Chez moi en plein jour. Accompagné d'une fillette de six ans.

— Améliiiiiiiiie! s'exclame mon fils. Tu veux venir voir les Legos que ma maman m'a donnés avant que tu arrives?

Je ne bouge toujours pas. Je cherche un lien entre Alaster et la petite, qui répond avec enthousiasme :

— Oh oui! Dis, Alaster, je peux y aller?

La requête est manifestement formulée par principe, car Amélie décolle avant même que l'homme ait terminé son hochement de tête.

Le fauve écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant