Chapitre 21 - Enchanté

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J'adore les joutes verbales, mais celle qui vient de se terminer me fait mal, en particulier en bas de la ceinture. Furieux d'avoir été convié à une réunion extraordinaire par Alain, je marche d'un pas raide dicté par mon état de désir avancé. Le trajet jusqu'à ma suite paraît interminable avec une érection de la grosseur d'une poutre, si bien que j'ai envie de prendre rendez-vous avec le Chuchoteur pour qu'il me prescrive un médicament rendant impuissant. À ce rythme, je ferai foirer mes propres plans... et c'est bien ce qui a failli arriver ce soir, sur ce lit, alors que ma proie était à ma merci, allumée et consentante.

Un petit spasme étire un côté de ma bouche, sourire que je m'empresse de déguiser en grimace de déplaisir en croisant un employé. Ce dernier devrait se tenir à carreaux, la frustration ne me rend pas plus jovial, et j'ai bien vu qu'il avait son cellulaire en main au moment où je tournais au coin du couloir.

Là n'est pas ma place pour intervenir. Je prends toutefois son prénom en note pour le fournir à Alain, qui se chargera de trouver une punition adéquate.

Chaque chose en son temps. Cette maxime, je l'applique dans toutes les spères de ma vie, pour la simple et bonne raison qu'elles sont toutes interconnectées d'une façon ou d'une autre. Quant à Lyvie... elle a beau avoir tenu son rôle à la perfection ce soir, et avoir démontré un talent insoupçonné pour m'allumer — à mon plus grand malheur —, il reste qu'elle n'est pas prête pour ce que je désire obtenir d'elle. Je le sais. Cependant je sais également qu'avec le bon niveau d'application, mon plan l'amènera exactement là où je la veux. Et je suis quelqu'un de patient et de méticuleux.

Je suis prêt à tout pour réussir, et ce, même si cela signifie de faire preuve d'une grande cruauté... envers elle et envers moi-même.

De toute façon, la connaissant, la petite vengeance que je me suis permise me servira un jour ou l'autre. Lyvie est une femme très sensuelle avec un très grand appétit. Un peu de frustration ne fera que magnifier un désir qu'elle couve depuis notre premier baiser. Je ne sais pas encore quand aura lieu notre prochain contact, mais j'ai déjà hâte. Ma tigresse est d'une surprenante férocité, et l'éclosion de son ardeur sera, à coup sûr, magnifique.

Fortuna et Alain sont en grande discussion quand je fais mon entrée. Le Salvadorien a défait son noeud papillon, contrairement à l'homme dans la cinquantaine qui fait office de patron de façade qui est toujours impeccablement habillé. Aucune trace de Clémence, dont le poste nécessite qu'elle oeuvre dans l'ombre le plus possible. Après une apparition brève au repas afin de poursuivre sa mission d'observation, elle est disparue aussi discrètement que je l'aurais fait.

Enfin un avancement majeur.

Je m'installe à ma place habituelle, un pas derrière Alain. Ce dernier prend des notes, ce qui me donne le l'occasion d'observer le Salvadorien plus que de l'écouter rendre des comptes d'une voix où perce l'ennui. Ses derniers ordres de mission ne semblent pas lui convenir. Normal, étant donné qu'ils ont pour unique but de débusquer une vilaine taupe et que cela implique une seule chose : faire profil bas.

Vient mon tour de parler, et je fais mon compte rendu d'une voix neutre, factuelle :

— Notre problème n'est pas encore réglé, mais la situation est sous contrôle. Depuis le changement de certaines mesures, les opérations avec Monsieur Wang n'ont pas été interrompues. Il est possible que la source du problème ne soit pas l'interprète, Monsieur.

Fortuna écoute avec attention mes paroles, une lueur indécente au fond des yeux.

— Alors ce serait qui? demande-t-il dans un grognement.

— Fortuna, déclare Alain en ignorant la question de l'Exécuteur. Va chercher Monsieur Pelchat. Et après, tu peux rentrer chez toi.

La déception est évidente sur les traits de Fortuna, qui ouvre la bouche pour rouspéter. Alain lève les yeux du bureau juste assez longtemps pour dire :

Le fauve écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant