Chapitre 12 - Agitée

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Après avoir accompli ce qui équivaut pour moi à une mission suicide, je suis rentrée chez moi. Évidemment, je ne m'attendais pas à une réponse immédiate. J'ai songé à la possibilité que l'inconnu (impossible de l'appeler Al sans rire, ce surnom ne lui sied pas du tout) attende avant de prendre une décision, alors les premiers jours de ma semaine sans les enfants se passent dans un calme relatif. Je suis ma routine hebdomadaire.

Le soir même, je nettoie la maison de fond en comble, complètement nue, prends une douche et m'endors lovée contre Monsieur Oreiller. La compagnie d'un homme recommence à me manquer, la chaleur aussi. Aussi confortable mon ami inanimé puisse-t-il être, il se contente de me renvoyer ma propre chaleur dans une version atténuée et éphémère. Néanmoins, son retour dans mon lit m'apaise. À mon réveil, le rideau de ma chambre est ouvert alors que je me souviens de l'avoir fermé, et il manque deux biscuits dans l'assiette.

Je prends ça comme une demande de mise en délibéré. Ou au moins un accusé de réception. Je ne comprends pas l'intérêt d'ouvrir mes rideaux, mais je n'ai pas envie de trop m'attarder sur le fait qu'il soit peut-être venu dans ma chambre pour y faire je-ne-sais-quoi.

Le lundi, je me permets de dormir plus tard, car j'ai mis fin à la plupart de mes contrats. Ne me reste que celui avec le Three-Piers Hotel, et j'hésite à le conserver. Pourtant, lorsqu'il m'adresse une nouvelle demande à rendre pour la fin de la semaine, j'accepte et me mets au travail. M'occuper est la meilleure façon de passer au travers de ce moment de déséquilibre dans ma vie.

Le mardi, je finis la journée en sortant un vieux casse-tête entamé, que je continue en sirotant une coupe de vin. S'il faut que ce soit ma dernière semaine, alors aussi bien en profiter! D'ailleurs je me suis rendue chez l'esthéticienne en après-midi pour un traitement complet. L'homme au trench ne me lâche pas d'une semelle, comme à son habitude, sans plus. Il ne m'adresse pas la parole, ni ne me transmet de message de la part de son patron. Cette fois, je me couche un peu nerveuse. Deux jours sont déjà passés. Je m'attends à une embuscade dès que je pointerai le nez dehors... voire hors de mes couvertures, puisque mon croque-mitaine personnel a accès à mon logement en tout temps et qu'il ne se gêne pas pour entrer dans ma chambre pendant mon sommeil.

Désormais, je crains de fermer les yeux et de ne jamais les rouvrir. Je me calme une fois de plus avec l'aide de Monsieur Oreiller avant de sombrer dans un sommeil agité.

Le mercredi, je refuse un nouveau mandat auprès du Three-Piers Hotel en prétextant être surchargée. Je me sens mal, mais ils ont Thomas, ils s'en sortiront. L'incertitude commence à me peser. Je vois la fin de semaine approcher, et avec elle, le retour des enfants. Je me mets à parler à voix haute, convaincue que ce « Al » peut m'entendre. Je n'ai aucune preuve concrète, mais si cet homme a le culot de s'introduire chez moi pour chaparder des pâtisseries entre deux déversements de liquides douteux dans nos lacs et de me faire suivre par un homme de main moqueur, allez savoir ce qu'il pourrait mettre en place comme autres mesures. Je vais au lit en inspectant le moindre recoin de la maison, même si je sais pertinemment que ça ne sert à rien. Incapable de m'endormir, je me mets à cuisiner en sous-vêtements une fournée de biscuits double chocolat en plein milieu de la nuit.

Ma seule consolation?

Lorsque je regarde par la fenêtre, M. Bras droit n'est pas stationné à son emplacement habituel. C'est donc qu'il dort lui aussi?

Je compte les biscuits et vais me coucher, un peu soulagée. Je m'endors enveloppée par l'odeur du chocolat qui embaume la propriété, et je rêve d'un fauve auréolé d'or qui dévore mon biscuit. La symbolique ne m'échappe pas.

Jeudi, puis vendredi et la fin de semaine s'enchaînent sans que jamais je n'aie de nouvelles de qui que ce soit, mis à part de Philippe, qui, comme promis, me prévient un quart d'heure avant de venir déposer les enfants le dimanche après-midi. J'accueille les enfants avec un mélange de joie et d'appréhension.

Le fauve écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant