Chapitre 37 - Brusqués

3K 250 80
                                    

Je plonge mon regard dans celui de l'homme sous mon joug en attendant qu'il daigne me répondre. Ma main tremble; je l'ignore. Passant la langue sur sa lèvre inférieure, Alaster incline la tête et lève un bras. Le mouvement, quoique lent, me fait crisper les doigts autour de la garde du couteau. Pendant une fraction de seconde, je redoute d'être allée trop loin, puis comme à notre première rencontre, une main rejoint la mienne et m'incite à approcher, approcher de lui jusqu'à ce que le tranchant effilé et meurtrier effleure sa gorge de nouveau.

Incertaine de ce que je dois comprendre par là, je m'humecte les lèvres et stabilise ma main qui commence à trembler.

— Alors? Réponds-moi. As-tu toujours aussi confiance en moi, Alaster?

Pour toute réponse, délaissant ma main et l'arme blanche, il s'étire et, sans me quitter des yeux, prend un préservatif sur l'étagère, l'ouvre d'un coup de dents et le déroule sur son membre dressé entre nous deux. Incrédule, je l'observe, muette, pendant un long moment. Il ne peut quand même pas vouloir que... il s'avance pourtant vers moi pour quérir un baiser, et je sens la pression de son torse sur mon bras armé.

Pas un mot. Il ne dit pas un mot, et pourtant je comprends qu'il me confie sa vie en même temps qu'il m'offre son corps.

Contrairement à nos premières rencontres, il est en situation de vulnérabilité, et quoique je sois consciente que ce n'est que parce qu'il le veut bien, ce fait attise mon désir. Je gémis en envahissant sa bouche avec brusquerie. De ma main libre, je défais son chignon et empoigne sa chevelure pour le plaquer contre mon corps frémissant d'impatience. Il geint à son tour quand nos sexes entrent de nouveau en contact, son membre palpitant sous ma petite culotte, et je suis prête à l'accueillir. Mes chairs gonflées palpitent d'anticipation.

Alaster m'encercle alors de ses bras, me coince, m'enlève toute possibilité de me débarrasser du couteau, m'oblige à le faire mien sous la contrainte.

Lorsque je m'empale enfin sur mon fauve enfiévré, en me contentant de repousser la fine barrière de dentelle de côté, le silence est mis en pièces par nos gémissements conjugués, mes halètements affamés et ses grognements effrénés. Il en faut bien peu pour qu'une nouvelle lame de fond me percute de plein fouet.

Quant au couteau, il se perd dans les draps pendant nos ébats, et je ne le retrouve que bien plus tard, quand Alaster s'enferme dans la salle de bain pour prendre un appel... et nettoyer l'estafilade qui court désormais le long de sa clavicule. L'un des oreillers est taché de rouge sombre, comme la lame ayant causé ces dommages collatéraux. Je retire la taie du coussin moelleux pour essuyer l'arme avant de la rengainer dans son fourreau, puis je dépose le couteau sur l'étagère parmi les autres.

Alors que je m'apprête à me recoucher pour fermer les yeux un peu, je m'immobilise et, dans un éclair de lucidité, je subtilise l'arme de poing toute en acier ajouré, à savoir la plus petite. Je me précipite hors du lit pour la glisser dans la poche révolver de mon jeans au sol avant de me repositionner là où Alaster m'a laissée.

Si ma libido, Alaster a amplement su la calmer, ma confiance, elle, il ne l'a pas encore gagnée.

Et puisqu'il ne peut rien me dire sur ce qui m'attend, j'aime mieux être parée à toute éventualité... même la plus dangereuse. Je suis en train de sombrer dans une torpeur relative en raison de ma nervosité liée à cet emprunt exprès quand Alaster s'extirpe de la salle de bain en essuyant son torse. Il ne saigne plus, mais la blessure est à vif, mince ligne rouge légèrement en biais sur sa peau pâle.

— Je dois partir, dit-il en roulant la serviette en boule pour la glisser dans la taie abandonnée au sol par mes soins tout à l'heure.

Je n'arrive toujours pas à croire que j'aie usé d'une arme pendant l'acte, et cependant en même temps, je ne changerais rien. Ce moment restera à jamais gravé dans ma mémoire comme l'un des plus excitants que j'aie vécus.

Le fauve écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant