p r e m i è r e s e m a i n e // (6)

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Aujourd'hui est le jour où vous sortez avec Zayn et Niall. Tu appréhendes déjà le moment – ce sont tes amis, tes plus proches amis même et pourtant tu as peur. Peur d'y poser des mots, réellement. Peur de ce que l'alcool va te faire ressentir, aussi, probablement. Parce que vous allez boire, c'est évident ; tu vas boire, en tout cas. Ton esprit demande de l'alcool en guise de porte de sortie, qui sait, cela pourrait être une bonne idée, sur un malentendu. Et si ton instinct de survie te crie que tu devrais pas faire ça, fait sonner toutes les alarmes et tinter toutes les cloches en ton fort intérieur, tu l'ignores royalement, parce qu'après tout pourquoi jouer la personne saine quand on a qu'une seule envie : nous éclater face contre sol une bonne fois pour toutes.

Enfin,

avant ça tu dois encore

survivre

toute la journée.

Tu t'es levé avec un nez encore plus bouché que la veille

des yeux qui piquent et t'en viens à espérer que ce rhume te fasse chialer

tout ce que t'as plus à pleurer

tout ce qui reste coincé

et t'as peur si peur d'exploser.

T'as l'impression d'être une cocotte-minute, ou d'avoir un bouchon entre la réalité et tes sentiments qui fait barrière. Tu la sens, la pression contre ta cage thoracique, elle s'accumule et pousse pousse toujours plus loin toujours plus fort ; et ton filtre tient, mais pour combien de temps ? Vas-tu imploser, si tu continues à tout accumuler ? Vas-tu prendre feu ? Tu sens déjà la chaleur au creux de ton ventre, qui s'amplifie, qui s'amplifie. Est-ce que tu te sentiras soulagé ou souffriras-tu d'autant plus lorsque tout s'envolera ? Trop de questions sans réponses, parce que ça n'était jamais arrivé avant, ça, le cœur brisé, la solitude, l'incapacité à vivre tes propres sentiments et juste ce vide immense et sombre – un gouffre sans fond.

T'arrives à la pharmacie en éternuant deux fois d'affilée. Niall t'envoie un drôle de regard. « Tu ferais pas une allergie toi ? » Tu fronces les sourcils et hausses les épaules en déposant tes affaires dans la salle de repos. « J'sais pas. J'en ai jamais fait. Je pense plutôt à un bon rhume. » C'est mal, mais ta santé te passe totalement au-dessus de la tête en cet instant. L'avantage est que pour l'instant, tu n'as aucun autre symptôme et tu restes totalement apte à fonctionner. Pour les tâches basiques, du moins. Les tâches qui demandent de la réflexion... Y'a ton cerveau qui charbonne déjà trop, tu vas pas tenter le diable. Vivement ce soir, que tu te dis ; vivement que je me planque derrière ma bouteille d'alcool, que les vagues me laissent un peu en paix.

C'est si compliqué

de boire la tasse

seul

dans un océan de larmes

qu'on ne fait pas couler.

Le samedi est toujours le jour le plus chargé de la semaine. Le week-end, les gens en profitent pour faire ce qu'ils devaient parfois faire depuis des mois ; aller chez le médecin, faire du bricolage, cuisiner, tout ce qui provoque diverses blessures qui nécessitent médicaments et autres crèmes. Les personnes âgées sont de sortie aussi, en général, car elles savent qu'elles rencontreront plus de monde ce jour-là ; et c'est ce qui t'attriste le plus, que des personnes soient tellement seules qu'elles en viennent à adapter leur emploi du temps pour discuter sans déranger les gens pressés. Tu les observes parfois leur raconter leurs antécédents sur les dizaines d'années passées et tu te demandes si tu vas finir comme ça, tout en sachant pertinemment que ça sera le cas. C'est déjà le cas, d'ailleurs. Tu es seul, Harry ; c'est pas pour qu'on ait pitié, c'est pas un mensonge, tu es entouré de gens qui t'aiment et que tu aimes mais dans ton crâne, tu es terriblement seul. Parce qu'il y a là,

Ton Epine // LarryWhere stories live. Discover now