t r o i s i è m e s e m a i n e // (3)

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(3)

Tu observes, un peu effaré, les deux lourdauds qui se sont incrustés chez toi comme si de rien n'était. Étalés sur ton canapé comme si c'était le leurs, ils se battent en cet instant pour savoir quel pion du monopoly ils vont avoir. Maintenant que tu les observes un peu plus attentivement – maintenant que ta bulle d'amour s'est percée et que tu as pu te reconnecter à la réalité – tu peux t'apercevoir d'à quel point ils sont proches. D'à quel point ils s'entendent bien et se ressemblent, aussi, tous les deux, au point où tu te demandes pourquoi ils ne sont pas encore ensemble.

Ah oui,

parce que Zayn est soi-disant hétéro

et Niall trop trouillard pour tenter de passer au-dessus.

(Comme si tu pouvais te permettre d'émettre ce genre de jugement

toi, Harry

dépendant du monde car il en a terriblement peur.)

« Rappelez-moi ce que vous foutez là au juste ? » leurs têtes se tournent vers toi dans un mouvement si synchronisé que tu ne peux t'empêcher de glousser. Tu dévisages ton meilleur ami, juste pour te moquer intérieurement de cette légère rougeur sur ses joues, présente uniquement lorsqu'il y a Zayn dans les parages. Tu trouves ça mignon et cela te manque un peu, tout de même. Ton regard passe sur le salon et une réflexion rapide te monte au crâne ; ça aurait mieux, cette partie de monopoly, avec Elian dans les parages. Tu n'aurais pas eu l'impression de porter bêtement la chandelle entre les deux mais plutôt d'être dans ces soirées double-date que les adultes d'environ trente ans se font toujours. Tu te sentirais vieux mais tu te sentirais bien, l'amour de ta vie à tes côtés, à te battre avec lui pour le pion comme Zayn et Niall le font en cet instant. « J'sais pas, Niall m'a dit que t'allais pas bien et qu'on venait te surveiller ce soir, alors j'me suis ramené. Faut s'en prendre à lui, pas à moi. » Air outré de ton meilleur ami qui vient pincer le bras de son crush. « Pourquoi que moi ? T'as quand même accepté de venir, je te signale ! »

Tu les regardes s'emporter dans une nouvelle chamaillerie et tu te dis

que tu as

terriblement de la chance

de les avoir auprès de toi.

Tu te raccroches peut-être trop à cette amitié que tu as pourtant ignorée tout le temps où tu étais en couple. Aveuglé par ton amour, par ta dépendance, par ces regards tendres et ces gestes doux, ces échanges silencieux, tu n'as plus rien vu d'autre que ton cœur qui battait trop fort pour cet homme qui t'a tout offert ; c'est opportuniste de ta part, de te rapprocher à nouveau de tes amis uniquement une fois qu'il est parti. Mais ils n'ont pas l'air de t'en vouloir, à dire vrai, c'est comme si ils n'y pensaient absolument pas. Combien de personnes sur cette planète seraient restées auprès de toi, malgré ton snobisme et ton égoïsme suintant de tout ton corps après tant d'années de couple ? Très peu. Tu te sens chanceux, presque gracié, d'avoir ces deux idiots auprès de toi. Comment pourrais-tu les remercier ?

Peut-être en faisant ce que tu sais faire de mieux,

gaffer.

Tu te détournes de la scène qui se passe sous tes yeux et pars dans la cuisine prendre les quelques bières qu'il reste ainsi qu'un jus de fruits pour toi, les ramenant sur la petite table du salon, là où ils ont installé le jeu. « Vous savez qu'on a une grande table dans la salle à manger, quand même ? » Zayn hausse les épaules, attrape la bière et le décapsuleur, retirant la capsule d'un geste expérimenté. « C'est plus cosy comme ça, non ? Sur ta grande table on serait super loin les uns des autres, pour atteindre le plateau ça serait galère en plus. » Ça se tient, même si une petite voix te chuchote qu'il veut surtout être plus proche de Niall que de toi. Tu leur voles un oreiller et t'assois d'ailleurs à l'opposé du canapé, les laissant tous les deux dessus pour te contenter du sol. « Haz, t'es malade, c'est toi qui est censé être à notre place. » Gentil, altruiste Niall. Tu t'en voudrais presque de monter un plan machiavélique pour les rapprocher durant cette soirée, dis donc. Tu lui souris doucement. « T'inquiètes pas Ni, j'me sens mieux depuis hier, ça va aller j't'assure. » Pour prouver tes dires, tu tends le bras et attrapes le pion pour lequel ils se battent depuis tout à l'heure, l'installant sur la case de départ, le tout sous leurs vives protestations.

Ton Epine // LarryWhere stories live. Discover now