d e u x i è m e s e m a i n e // (1)

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d e u x i è m e  s e m a i n e .


Tu passes le week-end à te remettre de cette soirée. Étendu dans ton lit, le mal de crâne qui cogne contre tes tempes, et ces yeux bleus ces yeux qui te hantent un peu dès que tu fermes les paupières elles réapparaissent et tu détestes l'alcool – tu ne boiras plus jamais, tu te le promets. Ton esprit te joue des tours, s'accroche à du vide juste pour combler le manque dans ta vie, c'est juste ça, ces yeux bleus sont simplement l'incarnation de ta blessure encore saignante, un rocher auquel tu te raccroches simplement parce que tu te noyais et qu'il était là et qu'il pleurait. C'est rare, un homme qui ose pleurer en public ; encore toutes ces histoires de soi-disant virilité, vrai homme ne montre pas ses émotions jamais il est un roc un iceberg aussi froid que les fins fonds de la mer. Tu dois vraiment être désespéré, Harry, pour te raccrocher aussi désespérément à un homme qui pleure.

Pourquoi pleurait-il, seulement ?

Te voilà à t'inquiéter pour un inconnu mais

tu espères vraiment

que tout va bien pour lui.

Peut-être que tu te transposes un peu sur lui ; tu t'es demandé si on ne venait pas de le quitter, lui aussi. Si on ne venait pas de briser son cœur, si on venait pas de l'exploser au sol. Tu avais sûrement assisté à un moment unique, l'un des plus tristes de sa vie, sans le savoir, lui ne t'apercevant même pas, déjà dans sa bulle de douleur, hermétique au reste du monde. Tu ne le saurais sans doute jamais parce que la probabilité de le revoir un jour était proche de zéro dans une aussi grande ville que la tienne, surtout que quelque chose te dit qu'il ne reviendra plus au bar avant un long, long moment.

Aujourd'hui, ça va mieux, du moins tu en as l'impression. Tu t'es glissé sous la douche brûlante pour te réveiller, t'as pris ton café, tu es arrivé le premier à la pharmacie. Une journée normale où, tu l'espères, la vague ne t'engloutira pas trop. Tu as bien le droit à des moments de pause, toi aussi, non ? Tu te laisseras envahir à un autre moment. Tu attends patiemment l'arrivée de ton meilleur ami avant de faire l'ouverture, t'installant à ton comptoir en observant Niall bailler et s'étirer de tout son long. « Putain, c'est plus de mon âge tout ça. » qu'il râle et ça te fait légèrement rire, d'un rire qui secoue un peu tes épaules, qui détend les traits de ton visage. « T'as encore plus bu que moi aussi... » Air courroucé de ton meilleur ami qui ne peut pourtant pas réfuter cette affirmation. « T'étais pas très loin derrière moi, quand même. D'ailleurs t'as disparu où pendant vingt minutes ? » Vingt minutes ?

Vingt minutes.

Wow.

Tu n'aurais pas imaginé autant et ça doit se lire sur ton visage car Niall hausse les épaules. « On a failli venir te chercher tant tu prenais du temps. » Toi, t'as l'impression que ta noyade n'a duré que quelques instants ; quelques minutes, tout au plus. Mais non. Tu es resté vingt minutes sur le trottoir à boire la tasse sans que personne ne s'en aperçoive. Moue gênée, tu détournes le regard, préférant esquiver le sujet – que pouvais-tu dire d'autre, de toute façon ? J'ai failli voler en éclats, j'étais bourré et j'avais si mal que j'aurais pu en mourir ? Ça n'est pas vraiment des choses qu'on peut facilement avouer, ni à son meilleur ami ni à personne, ça n'est pas vraiment quelque chose qu'on peut prendre et balancer. Tiens, débrouille-toi avec ça maintenant. Alors, tu dis juste : « J'vous l'ai dit, j'avais besoin d'air... L'alcool m'était monté à la tête. » Il te fixe d'un air suspicieux, son regard qui veut dire tu es sûr ? car il est si peu convaincu. Et toi tu lui souris, l'air de rien, alors il finit par abandonner.

Ton Epine // LarryWhere stories live. Discover now