d e u x i è m e s e m a i ne // (2)

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Ce matin tu t'es réveillé avec une notification de message qui clignotait comme une mauvaise nouvelle. Tu as toujours un pressentiment lorsque ce genre de choses arrive, le cœur qui bat plus vite qui se compresse dans ta poitrine, l'hésitation à regarder par peur de ne pas t'en remettre. Et encore une fois, t'avais raison.

T'avais raison car c'est

Elian

qui te déclare venir à la maison chez toi

ce soir, après le boulot

pour parler de l'appartement, t'en redonner les clés

pour récupérer ses affaires qui restent

et toi, et toi, comment vas-tu faire ?

Tu n'es pas prêt à le revoir à lui reparler à sentir son existence aussi proche de la tienne et en même temps si loin – comment vas-tu tenir ? Tu aimerais le lui dire, je ne suis pas prêt, laisse-moi du temps encore du temps mais de combien de temps ? Tu sais que tes responsabilités sont là et qu'elles toquent à ta porte encore et encore, tu ne peux pas les ignorer. T'es un adulte Harry et les adultes restent fort même dans ce genre de moments, c'est les responsabilités d'abord c'est l'appartement dont tu dois modifier le bail en récupérer les clés le laisser se vider des dernières affaires de ton dernier amour tu le sais mais tu sens déjà ton cœur se morceler et on est à peine le matin, tu ne sais pas comment tu vas tenir jusqu'au soir. Ton rhume qui s'est aggravé, tu traînes à la pharmacie avec des paquets de mouchoir dans la poche, tes yeux qui brûlent plus que jamais et t'as l'impression que tes poumons sont en feu.

T'aurais aimé l'accueillir avec un minimum de fierté, celle qui redresserait ton dos, qui relèverait ton menton, celle qui te ferait passer pour quelqu'un de fort qui ne ploie sous rien qui s'en sort malgré la séparation et les doutes – quelqu'un de normal, en somme. Au lieu de quoi tu es malade et tu as mal, si mal et tu paniques déjà de ne pas savoir comment gérer cette arrivée. Il faut croire que le sort s'abat sur toi, que tu ne pourras jamais aller totalement bien, qu'il y aura toujours quelque chose pour te faire un croche-pattes et te pousser à te rétamer. Merde ; qu'as-tu fais dans une autre vie pour mériter ça maintenant ?

Un éternuement,

et tu grognes.

Niall, lui, rigole. « T'as l'air d'excellente humeur, Harry. » Qui peut l'être avec un rhume pareil, de toute façon ? Tu lui jettes un regard noir et te mouches bruyamment – t'as tiré une croix sur le glamour depuis longtemps. « Elian m'a dit qu'il venait à l'appartement ce soir. Pour les papiers administratifs, et tout le reste. » Ton meilleur ami perd aussitôt son sourire et le troque contre une mine inquiète. Parais-tu toujours aussi faible que ça, pour qu'il ait tout de suite cette tête-là ? Probablement. Tu t'en veux, Harry, d'être toujours aussi vacillant, au point que tout ton entourage se ronge les sangs pour toi. Tu aimerais tellement parvenir à être plus fort, à tenir bien sur tes jambes. « Ça ira ? Tu veux que je vienne ? Ça serait peut-être mieux si j'étais là ? » Gentil Niall, tendre Niall, maman-poule Niall. C'est tout con, c'est tout simple, mais ça suffit à apaiser ton cœur, légèrement. « Non... Merci, mais non. Il faut que j'y arrive... On va sûrement en discuter. » Il t'observe puis hoche la tête. Compréhensif Niall. Tu as tellement de chance d'avoir un ami pareil.

Vous vous remettez au travail et tu accumules les mouchoirs dans la poubelle au fil de la journée. Tu t'es mis en mode automatique, t'as essayé de pas trop y penser, de pas trop t'en angoisser, de toute façon cela devait bien arriver à un moment donné, tu devais t'y préparer. Mentalement, cela reste compliqué. Quand vient l'heure de fermer, tu restes un moment planté sur le trottoir, emmitouflé dans ta veste alors qu'on est pas très loin de l'été. Quand tu y penses, tu n'as jamais vécu une fin de printemps aussi froide et sombre – ou peut-être est-ce ton champ de couleurs qui a grandement diminué, peut-être sont-ce tes pupilles qui se sont bien trop floutées.

Ton Epine // LarryWhere stories live. Discover now