p r e m i è r e s e m a i n e // (3)

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Comme te l'a indiqué l'infirmière, on t'a emmené faire des examens supplémentaires aujourd'hui. Différents tests pour tes allergies, notamment, mais tu n'as répondu à aucun d'entre eux – c'était à se demander si ce qui t'avait irrité jusqu'à te provoquer une crise d'asthme existait vraiment. Après cela, on t'a fait faire une IRM des poumons afin de vérifier qu'il n'y avait pas de conséquences suite à la crise, ce qui aurait pu s'avérer problématique et inquiétant pour la suite. Heureusement, les résultats n'ont montré aucun signe de blessure interne ou autre ; tu vas parfaitement bien, Harry, tant qu'on te fait ces séances d'oxygénation une fois par jour. Tu as de nouveau demandé quand est-ce que tu pourrai rentrer chez toi et l'infirmière qui t'a mené aux examens a de nouveau détourné le sujet. Tu es quelqu'un de plutôt positif dans la vie, mais ne rien savoir du tout commence à t'agacer.

C'est sur le chemin du retour que tu le vois. Pour le coup, le croiser ici te fait vraiment l'effet de croiser un fantôme ; tu restes figé en plein milieu du couloir, les yeux écarquillés. Tu as du mal à croire qu'il est bel et bien là. Tu le croises beaucoup trop ces temps-ci pour que cela ne soit un hasard ; comme si quelqu'un avait délibérément décidé de le mettre sur ton chemin. Le voir à l'extérieur passe encore. Les coïncidences existent après tout et il suffit que vous habitiez dans le même pan de la ville pour que cela arrive – mais le voir là, dans le même couloir d'hôpital que toi, sans préméditation, c'est pratiquement impossible.

Ah, et puis

ces fichus yeux bleus

qui te fixent, qui t'aspirent

tu te noies, tu te noies

tu aimerais que cela dure

encore plus longtemps que ça.

« Louis ? » Que tu finis par lâcher, tout bêtement. L'infirmière qui t'accompagne vous regarde l'un après l'autre, elle-même perplexe de cette rencontre totalement impromptue. « Vous vous connaissez ? » Qu'elle demande gentiment et tu ne sais pas vraiment comment ni quoi répondre. Oui, tu le connais, et en même temps non. C'est juste un type étrange contre qui tu fonces tout le temps, à vive allure, toujours lorsque tu t'y attends le moins. « Qu'est-ce que tu fiches ici ? » T'as l'impression qu'il te dévisage sans réellement te regarder et tu te demandes si tu as un truc sur le visage avant de te rappeler que tu as enfilé tes canules juste après les examens et que tu te trimballes avec ta bonbonne et ton tuyau juste là, sous ses yeux. Tu ne sais pas pourquoi mais tu te sens soudain un peu honteux – vous êtes dans un hôpital mais tu n'as pourtant pas envie de lui montrer ce côté-là de toi, de lui foutre sous les yeux tout ce que peut représenter la maladie, la faiblesse

le manque

(d'oxygène ou du reste).

« Je suis admis ici pour quelques jours, le temps de quelques examens. » Il parle clairement du nez et te semble épuisé. Ça ne peut définitivement pas être un hasard et la théorie totalement folle que tu avais monté l'autre jour à la pharmacie te revient en mémoire et elle ne te paraît soudain plus aussi folle que ça. L'infirmière vous contourne en déclarant qu'elle a du travail et qu'elle doit te laisser, te précisant bien entendu que tu ne dois pas rester debout trop longtemps durant l'oxygénation. Tu la suis du regard, un peu ailleurs, n'écoutant que d'une seule oreille ses conseils. Ton cerveau marche en plein régime en cet instant. « Tu es dans quelle chambre ? » Que te demande Louis et tu pointes la porte du doigt sans répondre. Il ricane en voyant le numéro. « C'est celle juste à côté de la mienne... » Bien évidemment – comment ça aurait pu en être autrement ?

Tu t'y diriges, traînant ta bouteille le plus silencieusement possible pour ne pas qu'elle attire son attention. Ce qui est stupide, puisqu'elle attire le regard, dans tous les cas, ça n'est pas vraiment quelque chose qui passe inaperçu au quotidien. Tu le laisses te suivre sans protester, t'installant sur ton lit sans écraser ton tuyau (c'est tout un art) avant de reporter ton attention sur lui. « Dis... Je suis désolé de te redemander ça mais. Tu as vécu une déception amoureuse, il y a trois semaines de ça, non ? » La formulation est différente car tu en es pratiquement certain. Tu le fixes, un air sérieux sur le visage pour bien lui faire comprendre que cette fois, tu veux une véritable réponse, que tu ne le laisserais pas s'enfuir comme la dernière fois. Tu fiches en l'air toute notion de respect et de cordialité, cela te paraît bien trop important pour être ignoré.

Ton Epine // LarryWhere stories live. Discover now