t r o i s i è m e s e m a i n e // (3)

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Tout est douloureux.

La lumière, d'abord, lorsque tu entrouvres les yeux la première fois. Les sons, ensuite, le bip bip régulier de la machine qui te vrille les tympans. Tu tentes de remuer mais ton corps te lance un pic électrique si violent que tu gémis. « Je t'interdis de bouger. » Qui est-ce ? Au fond, tu le sais. Il parle, mais sa voix ne te fait pas mal. Il est à côté de toi, mais son toucher ne t'est pas douloureux. Il ne te brûle pas. Tu sens un sourire étirer tes lèvres alors que l'apaisement à l'entente de cette voix te traverse tout le corps comme une caresse qu'on déposerait sur ton front pour te calmer après une forte fièvre.

Tu retombes dans le sommeil, tu crois.

Tu ne sais pas combien de temps mais

lorsque tu parviens enfin à ouvrir tes yeux et à voir beaucoup moins flou

il est encore là

tout près de toi.

Tu arrives à bouger un peu, assez pour te tourner vers lui. Il est en train de lire, tranquillement. Il est beau. Infiniment beau. Tu le regardes lire quelques instants en souriant. Tu ne sais pas s'il t'a remarqué. Lorsqu'il tourne la tête vers toi, il ne paraît pas surpris, pourtant aucun signe ne t'a indiqué qu'il a vu ton réveil. Tu tentes de lui sourire plus grandement, mais ton visage te pique. Tu entrouvres les lèvres et t'aperçois qu'elles sont sèches. « Tu as soif ? » Tu hoches la tête et le laisses prendre un verre et l'eau sur la tablette de l'hôpital. Tu te redresses du mieux possible pour boire mais tout est un calvaire. T'appuyer sur tes bras te fait grimacer. Déglutir chaque gorgée te brûle comme si l'eau était de l'acide. Pourtant, une fois le verre terminé, tu te sens légèrement mieux.

Tu peux alors l'interroger du regard. La première question qui te vient à l'esprit n'est pas ce qu'il s'est passé cette nuit mais bel est bien ce qu'il fiche à tes côtés. Tu as peur qu'il t'ait veillé sans avoir dormi de son côté alors qu'avec sa santé, il vaut mieux qu'il se repose un maximum de temps. « Ils ont réussi à te ramener. Mais... » Sa voix se brise un peu sur sa phrase. Il a mal interprété ton interrogation mais tu es désormais curieux ; mais quoi ? « ... Ils te donnent pas plus de deux jours avant... » Tu entrouvres les lèvres pour répondre mais à nouveau, rien ne va. Cela t'épuise même tellement que tu te rallonges, incapable de tenir assis sans que le monde autour de toi ne devienne flou. Tu es essoufflé sans avoir fait quoi que ce soit. Oui, tu le sens, la fin est proche. Pourtant... Contrairement à cette nuit, tu as moins peur.

Tu as moins peur, car en rouvrant les yeux ce matin, tu t'es cru déjà mort.

Tu as moins peur, car les ténèbres, tu en as eu un aperçu cette nuit.

C'est terrible, la mort.

Ça fait peur.

Tu ne veux toujours pas mourir mais

maintenant

tu le sens, au plus profond de toi, que c'est peut-être

le moment.

Tu tapotes la place à tes côtés et aussitôt, Louis se blottit contre toi. Tu aimerais bien demander l'heure car tu sais que tes parents ne vont pas tarder, mais tu ne trouves pas la force de parler tout de suite. Tu profites simplement de la présence de Louis à tes côtés, de ses légères caresses sur ta peau (le seul contact qui ne te brûle pas), de sa respiration tremblante contre ton cou. Tu t'apaises, assez pour te rendormir, tu crois. Tu te sens à ta place. Tu te dis que mourir ici n'est peut-être pas si terrible, à condition qu'il soit à tes côtés pour te guider sur ce chemin.

Une brûlure, vive, te réveille en sursaut et te fait gémir. Une infirmière prenait tes constantes. Tu essaies de te faire de son emprise, mollement, pour arrêter la douleur. « Pardon. Je sais que vous êtes hypersensible. Je vais faire vite. » Tu prends une grande inspiration, que tu bloques. Tu accuses le coup, essaies de bouger le moins possible pour abréger un maximum tes souffrances. Tu n'y arriverais pas si Louis ne te murmurait pas, doucement, des mots tendres pour t'apaiser. Tu n'arriverais à rien s'il n'était pas là, et sûrement pas à mourir paisiblement. Tu te rendors, encore.

Ton Epine // LarryWhere stories live. Discover now