p r e m i è r e s e m a i n e // (2)

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Niall a débarqué en râlant qu'il n'était pas ton facteur et que la prochaine fois, tu attendrais un peu avant de recevoir ton colis express. Pourtant même toi tu peux voir qu'il est soulagé de te voir, presque heureux d'avoir dû te ramener tes affaires en guise d'excuses pour te rendre visite. Non pas qu'il a besoin d'excuses, en réalité ; mais tu sais que sa fierté joue beaucoup sur la façon qu'il a de te montrer son inquiétude. Dans un premier temps, tu fouilles le sac pour y prendre des vêtements propres, te dirigeant aussitôt vers les toilettes pour t'y changer. Heureusement, tu as pu retirer les canules il y a quelques heures, même si tu auras quand même le droit à une séance par jour jusqu'à ce qu'ils trouvent la source de ton allergie. Tu peux donc t'habiller sans galérer avec le tuyau et ressortir quelques instants plus tard, bien plus à l'aise dans tes vêtements à toi qui ne montrent pas ton cul. « Alors, ils ont dit quoi ? J'ai rien pu savoir vu que je ne suis pas de la famille. » Vu le ton qu'il emploie, se faire envoyer bouler n'avait pas dû lui plaire, et tu le comprends totalement.

« Il se passe que je vais bientôt mourir. » Longues, longues, très longues secondes de silence. Tu le fixes avec un air mortellement sérieux, tu tiens la blague un maximum. Jusqu'à ce qu'il perde absolument toutes ses couleurs, en vérité. Là, tu glousses une première fois, ce qui te fait perdre tout ton masque et exploser réellement de rire. « Putain mais ! T'es con, Harry, t'es vraiment très con, j'te déteste ! » Niall vient te cogner l'épaule et te secouer, ce qui ne fait qu'agrandir ton fou rire. « C'est pas bien de taper un mec malade et alité, t'es au courant ! » Que tu tentes d'arguer pour te défendre tout en essayant de te protéger.

Ton meilleur ami s'arrête donc, se reculant dans un dernier grognement de protestation. « Tu mériterais que je ne te rende plus jamais aucun service. » Tu aimerais bien pouvoir répliquer quelque chose d'idiot, de vantard, du genre « je sais que tu n'y arriveras pas » ; mais cela signifierait que tu le considérais comme acquis et ça n'est absolument pas le cas. Tu préfères donc revenir sur sa question de départ mais avec plus de sérieux. « Ils vont faire des examens approfondis pour trouver l'origine de mon allergie. Et vérifier mes poumons, aussi. » Niall se détend un peu et s'assoit au bord du lit, un sourire goguenard sur les lèvres. « T'as vraiment un corps de lâche, Styles. » Pour toute défense, tu lui tires la langue, exactement comme un gosse le ferait.

Faut dire que tu ne peux pas vraiment protester, Harry. T'as toujours eu une faible constitution et un système immunitaire frôlant la défaillance. Ça n'est pas seulement ton esprit, ton corps aussi a toujours mal fonctionné. Au moins, tu peux pas dire qu'ils ne s'allient pas ensemble – tu as le bon esprit, dans le bon corps. C'est juste tout le reste qui va mal, en général. Rien de grave, en somme. Juste un boitillement, quelques bleus et traumatismes, rien qui ne s'ignore pas au fil du temps. Ta dernière grippe remonte à il y a deux ou trois mois à peine, et voilà, ton enveloppe charnelle te lâche déjà de nouveau. Tu ne peux pas t'en plaindre ; tu sais que tu n'y fais jamais attention, que tu devrais mieux t'en occuper. Tu as du mal à remonter la pente et ton corps te le fait comprendre – mais ça ira, n'est-ce pas ?

Un peu d'oxygène, et ça repart.

(Si seulement il existait de l'oxygène

pour les sentiments en train de pourrir)

Une fois ton meilleur ami parti, tu te retrouves seul mais avec de quoi t'occuper l'esprit et faire passer le temps. Tu attrapes le premier livre de ta petite pile, tu n'as pu en commencer aucun avec la maladie qui s'est aggravée jusqu'à envahir totalement ton espace et ton temps. Maintenant que ça va mieux, tu peux enfin t'y mettre ; pourtant, le livre ne bouge pas de tes cuisses pendant vingt bonnes minutes. Tu ne peux t'empêcher de penser à Elian. C'est déjà incroyable qu'il n'ait pas beaucoup envahi tes pensées ces dernières vingt-quatre heures ; l'allergie t'a même arraché un peu plus à lui, elle a même ce pouvoir-là. Mais tu es à l'hôpital, Harry ; à l'hôpital, seul, malade et perdu et tu te demandes si tu ne devrais pas le lui dire. Juste pour le mettre au courant que tu te dis mais tu sais très bien, au fond, que c'est pour le plaisir de l'inquiéter.

Ton Epine // LarryWhere stories live. Discover now