9. Le Lynel rouge

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Effectivement, la montée sur la montagne leur avait prit plus de deux heures. Le groupe d'Hyliens était totalement épuisé. Xekko observait la position du monstre rouge de loin, pour prévenir d'une quelconque attaque. Link savait ce qu'il lui restait à faire. Il devait se positionner discrètement derrière un rocher plus haut et observer le combat de loin. Pour " acquérir de l'expérience en observant les choix des autres ", selon les termes exacts employés par son père. On ne lui donna pas d'arme pour le dissuader de faire une bêtise stupide. Les ordres furent revus une dernière fois avant la bataille. Ce Lynel devait être hors d'état de nuire avant midi.

Au signal, Link courut sans un bruit d'un rocher à l'autre, jusqu'à sa destination finale. Merci aux entraînements prodigués par la capture des chevaux de la plaine, ses pas avaient été plus silencieux que le silence lui-même. Les soldats s'étaient déplacés avec moins de discrétion, puisque le monstre avait levé la tête. Le centaure tourna sa tête dans tous les sens pour tenter de trouver la source du bruit. Il huma l'air à l'aide de ses narines et grogna. Il dégaina son épée de Lynel (car tel était son nom) et frappa le sol de ses sabots. Xekko se dévoila à la bête. Il n'avait sortit que son bouclier. Le monstre grogna encore avant de courir sur sa proie. Une douleur vive se fit sentir sur son flanc. Un des soldats venait de tirer une flèche pour couper l'élan du Lynel. Alors qu'il changeait de victime, la bête fut à nouveau touché. Un autre soldat, visant depuis son rocher. Pour parer ces agressions, le centaure rouge bondit dans les airs, et retomba lourdement en frappant le sol. L'impact créa une onde de choc qui éjecta ses adversaires. L'un des soldats fut projeté loin de son rocher, ne lui laissant aucune possibilité de repli. Link n'était pas si loin de lui. Il pouvait voir son regard se remplir d'effroi. Il avait bien raison : le Lynel avait vu sa vulnérabilité.

Au moment où les regards entre proie et prédateur se croisèrent, aucun échappatoire lui sera accordé. Les petites flèches ne pourront rien faire. On ne pouvait pas arrêter un Lynel en colère. La créature couleur sang s'élança et piétina le corps de l'homme désespéré. Link détourna le regard face à la monstruosité du décès. Xekko voulut redonner du courage à ses troupes. Il escalada son rocher en entier et renouvela ses ordres. Malheureusement, ce Lynel possédait un arc et des flèches électriques. Dès lors que l'arc fut sortit, Link sentit son cœur battre plus vite. Son père risquait la mort.

Le petit garçon réfléchi à toute vitesse. Il n'avait pas d'armes, alors il lui en fallait une. Le soldat mort ne lui en voudra pas si il les lui prenaient. Attirer son attention, rien de plus facile : frapper son bouclier suffira. S'en sortir après ? Utiliser la vitesse du Lynel contre lui. Oui, cela pouvait marcher. Link s'exécuta, étape par étape. Il parvint à éviter à son père de subir les flèches juste à temps. Le monstre poussa un rugissement bestial avant d'utiliser de nouveau son arc. Pas l'épée. Link n'avait pas pensé à cette éventualité. Il reprit un instant de réflexion. Comment éviter les projectiles ? Le bouclier serait conducteur, donc très mauvaises idées. Un saut pouvait-il lui permettre de rester hors de portée ? Non, certainement pas. Les Lynels savaient très bien viser. Puis, Link se souvient qu'il n'était pas seul.
" Tirez sur sa main ! " cria-t-il aussi fort qu'il le pouvait.
Il courut sur le côté, empêchant le centaure de tirer directement. Il espérait que cette simple action pourrait ralentir son ennemi, et laisser du temps au soldat pour tirer. Ce fut le cas. Link était à une trentaine de mètres d'un rocher, où il pourrait se mettre à couvert. Xekko hurla pour prévenir son fils. Celui-ci se retourna et arrêta sa course. Le Lynel avait prévu la suite de sa trajectoire. Le garçon avait évité le piétinement, il lui fallait maintenant éviter de mourir sous les coups de la lame tranchante.

Il recula rapidement. Il étudia les mouvements de son adversaire, comme il le faisait aux entraînements. Seulement, cette fois-ci, quelque chose avait changé. En se concentrant de cette manière, Link avait l'impression que le temps ralentissait pour lui permettre de mieux réagir. Le Lynel abattait son arme de façon horizontale. Un simple petit bond en arrière permit à l'enfant d'esquiver l'attaque, avant de contre-attaquer. La bête inspira profondément, et une boule de feu se forma dans sa bouche. Link courut le plus vite possible loin de la créature. Le premier jet de feu ne l'atteignit pas, pas plus que le deuxième. Le troisième, lui, brûla au second degré le bras du petit prodige. Celui-ci ne cria pas sa douleur. Il continua de foncer vers un rocher. Il respira fortement une fois protégé par l'épais mur. La suite du combat, il la laissait aux adultes, il avait accompli sa part.

Après avoir échoué à tuer le minuscule humain, le Lynel était enragé. Il frappa le sol de ses sabots plusieurs fois et hurlait pour témoigner de sa colère. Les soldats apparaissaient de temps en temps pour lui envoyer des flèches. Personne ne souhaitait partir de son rocher après l'incident. Au bout d'un moment, alors que les projectiles allaient manquer il n'y eut plus de cris, plus de rugissements, plus de longs soupirs enragés. La bête avait été terrassée.

Un profond silence se propagea dans la plaine. La victoire était emportée de justesse par les soldats. Pourtant, personne ne cria de joie. Ils se regroupèrent en cercle autour du cadavre. Celui-ci explosa en particules violettes, comme mouraient les autres monstres d'Hyrule. Il ne laissa derrière lui que quelques organes, matériaux très prisés des scientifiques, et les armes. Sans échanger un mot, les soldats prirent la totalité de ces vestiges. Ils utilisèrent ensuite leur épée pour creuser la tombe du guerrier mort. Ils le déposèrent à l'intérieur, prièrent pour son âme en silence et recouvrirent le corps de terre. Pour signaler la présence d'un mort, ils empilèrent des cailloux. Telle était la coutume.

Xekko alla retrouver son fils. Il avait quelques mots à dire sur son non-respect des ordres.
" Link, tu m'as désobéi. "
Le garçon regarda son père, sans comprendre.
" Je t'ai dit de ne pas te mêler au combat ! C'est pour cette raison que je ne t'ai pas donné d'arme. À cause de ton attitude, tu as failli mourir. C'est une chance que tu n'ai obtenu qu'une simple brûlure par rapport à ce qu'aurait pu te faire ton adversaire ! Tu...
- Une simple brûlure ? coupa Link dans un rire ironique. Une chance ? À cause ? Tu n'as donc rien suivi du combat ? "
Le garde ne comprenait plus rien de la situation. Son fils ne lui avait jamais répondu sur ce ton. Cela le décontenançait. Comment avait-il pu changer à ce point ? Avait-il été trop absent lorsque son fils restait avec sa mère au relai ? Ou avait-il changé depuis son entraînement ? Toujours est-il que Xekko restait estomaqué.
" Si tu avais observé attentivement, ce n'est pas une simple brûlure. "
Il montra sa blessure. Effectivement, son bras avait été sacrément bien amoché.
"Ma peau me fait atrocement souffrir, et j'ai hâte de rejoindre Mipha pour lui demander de m'aider. Mais j'agonise en silence parce que quelqu'un ici a subi pire. Ensuite, ce n'est pas à cause de mon attitude que j'ai risqué bien bien pire, c'est de la tienne. Si tu avais été attentif, tu aurais remarqué que le Lynel te visais avec ses flèches électriques. Moï nous a enseigné qu'elles peuvent paralyser un homme à vie selon l'endroit où elle atteint sa cible. C'est pour t'aider que je suis sorti de ma cachette. C'est pour t'aider que j'ai emprunté les effectifs à un compagnon de route et un bon soldat, tué sur le champ de bataille devant mes yeux. C'est pour t'aider que j'ai eu le courage de me présenter au plus effroyable de tous les monstres. "
Xekko allait pleurer devant son escouade. Link disait la vérité. Et ce n'était pas encore fini.
" Enfin, ce n'est pas par chance que je m'en suis sorti. De même que pour le tournoi ! Je me suis beaucoup entraîné entre les cours, voilà le secret de ma survie. J'ai aussi eu le réflexe de demander de l'aide, parce que nous sommes venus ensemble. Sans le tir de Elvan, je ne serai actuellement plus de ce monde (l'homme nommé fut surpris qu'il se souvienne de son nom, et rougit devant un pareil compliment, sorti tout droit de l'enfant le plus incroyable du royaume). Mon seul regret, c'est de ne pas avoir fait ça plus tôt pour sauver notre congénère. "

Sur ces paroles, le garçon se retourna et se dirigea vers le domaine Zora. Plonger était trop risqué avec la charge lourde qu'il portait. Petit à petit, les soldats suivirent Link. Aucun mot ne fut adressé au capitaine de l'expédition, par peur d'empirer la situation. Xekko s'assit dans l'herbe, effondré. Les larmes dévalaient ses joues tandis qu'il regardait son équipe partir...

L'enfance d'un héros - The Legend of Zelda, Breath of the WildOù les histoires vivent. Découvrez maintenant