7. Le secret

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J'avançais en ligne droite dans le tunnel sombre. De temps à autre, une lampe murale éclairait le passage de son halo et me procurait un minimum de visibilité. Des gravats, de la terre, de la poussière, et une issue invisible qui ne semblait pas pressée d'apparaître. Voilà ce que je voyais. En passant près de la seizième lampe que je décomptais, je me retournai pour vérifier que j'étais toujours suivie. C'était le cas, Rain me suivait à la trace. Elle m'encouragea d'un signe de tête accompagné de ce sourire qui avait le don suprême de déclencher toutes les formes d'irritation possibles chez moi. C'était physique : je ne la supporterais jamais.

Plusieurs minutes passèrent. Plus nous progressions à travers le tunnel, plus les lampes s'espaçaient et avec elles, le peu de lumière qui me guidait. Je fus bientôt forcée de m'appuyer d'une manière ou d'une autre sur Rain et sur les sens surhumains dont elle bénéficiait. J'effleurai ma hanche, à l'endroit précis où je gardais mon G22 d'habitude. Mon arme de service me manquait terriblement. Mais si je l'avais eu, je n'aurais sûrement pas hésité à faire sauter la cervelle de celle qui me suivait, au détriment des progrès qu'elle pouvait amener à l'enquête. C'était un mal pour un bien. Je soupirais bruyamment dans le noir. Le temps commençait à me sembler long. Depuis combien de temps marchions-nous ? Un quart d'heure ? Une heure ? Plus ?

— Tu comptes me rendre mon portable un jour ? Et mon badge aussi ? lançai-je à la derobée par dessus mon épaule.
— Bien sûr. Attention, répondit-elle en m'empêchant de tomber sur les rails.

J'avais trébuché sur une brique que je n'avais pas vue. Comment voir quoi que ce soit avec cette obscurité ambiante à la con !

— Et comment ça se passe, tu vois dans le noir aussi ? demandai-je pour tuer le temps aussi bien que pour lui soutirer des informations. Tes rétines sont hyper photosensibles, tu vois les ultraviolets ? Explique un peu.
— Je ne suis pas un chat.
— Non, mais tu arrives à t'orienter comme s'il faisait plein jour. Tu vois quoi exactement ? Développe.
— Tu poses beaucoup de questions.
— C'est mon travail, je suis flic. Explique ce que tu vois ? répétai-je.
— Et quand je te réponds, tu ignores la réponse.
— Ça veut dire quoi ça ? Ne me réponds pas par énigmes, sois directe.
— Ça veut dire que tu comprendras lorsque tu auras appris à sentir ton environnement autrement, répliqua le vampire.

Je me concentrai brièvement sur le chemin qui continuait désespérément de s'ouvrir devant moi. Dans quoi tu t'es fourrée, Blake... pensai-je en me morigénant. Je réalisai que nous n'avions plus croisé de lampes depuis plusieurs mètres. L'obscurité était maintenant totale. Si j'avais été normale, j'aurais décampé direct. Mais je ne l'étais pas.

— C'est plutôt agréable pour moi. D'habitude les gens paniquent mais toi, tu restes stoïque peu importe la situation. Je t'avoue que tu m'impressionnes.
— Tu devrais repenser ta couverture de psychologue. Si tu dis ça c'est que nos sessions n'ont vraiment servi à rien, objectai-je sur un ton moqueur.
— Oh, détrompe-toi. Je suis excellente dans ce que je fais. On ne m'a pas choisie par hasard.
— Bon. Vous êtes plusieurs, et si tu as été recrutée, c'est que vous avez une forme d'organisation. Vous êtes nombreux ? déduisis-je platement.

Je sentis son approbation avant même qu'elle ne réponde.

— Je vois que tu n'as pas été recrutée pour rien non plus. Joli talent de déduction, mademoiselle l'inspecteur.
— Est-ce que vous êtes nombreux ? répétai-je pour recentrer le sujet.
— Mais oui, tu as raison. Nous sommes plusieurs et d'ailleurs, tu es attendue.
— Par qui ? Pourquoi ?
— Ne t'inquiète pas, tu seras bien reçue. Et ce n'est pas ironique, assura le vampire aux yeux noisette.

Je secouai la tête. Parfois, elle pouvait se montrer encore plus butée que moi. Elle m'effleura le bras pour me signaler un changement de direction. Je l'entendis se mouvoir dans les ombres autour de moi. Privée de la vue, j'ignorais ce qu'elle cherchait. J'entendis ensuite le grincement d'une porte métallique. Une faible lueur s'échappa de ce qui s'apparentait à un couloir. Avec un sourire enjôleur, elle m'invita à entrer.

Undying #1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant